Mardi 18 septembre 2018
Djamel Allam inhumé en présence d’une foule nombreuse à Bejaia
Des milliers de personnes ont accompagné, mardi, à sa dernière demeure, l’icône de la chanson Kabyle, Djamel Allam, décédé samedi dernier dans un hôpital parisien (France) suite à une longue maladie, à l’âge de 71 ans.
Arrivée en début de matinée à l’aéroport « Abane Ramdane », la dépouille a été immédiatement transportée par un cortège funéraire au hall du théâtre « Abdelmalek Bouguermouh » où, deux heures durant, elle a été exposée au public, venu en grand nombre pour lui rendre un dernier hommage.
Il y avait sa famille proche, notamment ses deux enfants Nazim et Salim, de hauts cadres de l’état dont le ministre de la culture, Azzedine Mihoubi et celui de la jeunesse et des sports, Mohamed Hattab ainsi que son prédécesseur, Ali Ould El Hadi, des élus nationaux et locaux, et une pléiade d’artistes et d’amis de l’artiste défunt.
Lounis Aït Menguellet, Safy Boutella, Amour Abdenour, Kamel Hamadi, Hafid Djemai, Malika Doumrane entre autres artistes, étaient présents pour rendre un dernier hommage au grand artiste.
Au bord des larmes, la chanteuse Malika Domrane a entonné un Achawik (un chant kabyle triste) en guise d’adieu.
Ceux qui ont connu de près le défunt ont loué ses qualités humaines, artistiques ainsi que le patriotisme de celui qui a porté la voix de la chanson algérienne aux quatre coins du monde.
« Pourquoi ne chantes-tu pas dans ta langue maternelle ? »
Djamel Allam est né le 26 juillet 1947 à Béjaïa. C’est au conservatoire de sa ville située à 250 km à l’Est d’Alger qu’il s’initie à la musique auprès de Cheikh Sadek el Béjaoui, un des maîtres de la chanson andalouse. En parallèle de cet enseignement académique, il collabore à des groupes d’obédience rock (Black Stones…).
Ses textes en français lui valent d’être apostrophé par quelques intellectuels et grands défenseurs de la cause berbère comme l’écrivain Kateb Yacine ou le peintre M’hamed Issiakhem : « Pourquoi ne chantes-tu pas dans ta langue maternelle ? » se souvient-il. La remarque fait mouche chez ce jeune Béjaoui qui vit au quotidien la politique d’arabisation de la société algérienne au lendemain de l’Indépendance. C’est en amazigh qu’il écrira désormais. Il sera à ce titre, le premier artiste à chanter dans sa langue maternelle sur les ondes publiques algériennes.
Mara Dioughal
En 1967, le jeune homme au cheveux et à la barbe noirs choisit l’exil et s’installe en France – à Marseille puis à Paris – où il travaille comme régisseur de théâtre ou à la radio. Il côtoie alors Brassens, Moustaki, Ferré, Lavilliers et Fontaine dont il fait la première partie à Alger en 1972.
Embauché sur France Inter au sein de l’équipe de l’animateur radio Claude Villers, il est présenté par ce dernier à Gilles Bleiveis, l’homme à la tête de l’Escargot. En mars 1976, label fondé par le chanteur canadien Gilles Vigneault publie Argut ar d hkuy, son premier album en France. Djamel Allam y reprend Mara Dioughal (Quand il reviendra), un titre déjà enregistré quelques années plus tôt à Alger pour les productions Oasis. Le succès est au rendez-vous. Pionnier de ce que l’on appellera quelques années plus tard la « world-music » ; il est invité à se produire le Théâtre de la Ville (Paris), incarnant à la face du monde la cause berbère et le rêve de fraternité mondiale.
Une dizaine d’albums
Deux ans plus tard paraît Les Rêves du Vent, un nouvel opus produit et réalisé comme le précédent par Gilles Bleiveis. Ses musiques imprégnées de rythmes kabyles et interprétées aux karkabous, derboukas, bendirs et autres percussions orientales répondent aux standards du moment, s’appuyant sur une solide rythmique (basse électrique-batterie) et des arrangements entre jazz, rock et pop.
Si Slimane paraît en 1981, Salimo en 1985, Mawlûd en 1991 et le Chant des Sources en 1995. Pour Gouraya (du nom de la montagne de son enfance, en Petite Kabylie), son opus paru en 2001, il fait appel à Safy Boutella, le musicien qui collabora comme arrangeur au Kutché de Khaled l’album qui ouvrit les oreilles du monde entier au raï.
Les deux hommes resteront proches. Plusieurs albums suivront, dont un live à Alger en 2008, aux allures de best of. Djamel Allam a inscrit son patronyme aux génériques de plusieurs films (Prends dix mille balles et casse-toi, La plage des enfants perdus), quand ce n’était pas lui comme acteur.
Merci Djamel Allam
Malade depuis des années, il se produisait beaucoup plus rarement sur scène. Des hommages lui ont été rendus de son vivant et en sa présence. Un premier à l’initiative de l’ONDA (société qui gère à Alger et dans tout le pays, les droits d’auteur) célébra dans sa ville natale ses 40 ans de carrière en novembre 2017.
Un second intitulé tout simplement « Merci Djamel Allam » avait réuni en mai de cette année au Cabaret Sauvage à Paris, ces anciens compagnons et quelques jeunes pousses de la chanson aux origines contrôlées pour reprendre l’appellation dont se sont emparée Mouss et Hakim (Zebda), deux musiciens qui reprennent le flambeau de la chanson tantôt engagée, tantôt poétique chère à Djamel Allam. Il avait tenu à être présent apparaissant très affaibli. Un temps de recueillement a eu lieu hier (lundi 17 septembre) à l’Hôpital Cognac Jay avant que sa dépouille soit rapatriée en Algérie pour une ultime cérémonie.