Vingt-quatre ans après le Printemps noir, la Kabylie se souvient encore (?) de ce qui fût un soulèvement populaire d’une ampleur inédite, mais dont les aspirations restent orphelines.
La répression post-Hirak, marquée par un recentrage autoritaire du pouvoir et l’effacement systématique de la mémoire militante, participe à une entreprise plus large de déconstruction du sens de la résistance, conférant à cette séquence historique une brûlante actualité.
Une contestation inégalée, une mémoire sous silence
Le 14 juin 2001, des milliers de citoyens kabyles convergent vers Alger pour porter la voix d’une région meurtrie par les violences policières. Le mouvement citoyen des Arouch, né dans le sillage de l’assassinat de Massinissa Guermah, tente alors de canaliser l’indignation populaire en un projet structuré, fondé sur la plateforme d’El Kseur : exigence de justice, égalité, reconnaissance des droits culturels et retrait des forces de sécurité.
Mais si cette marche pacifique est accueillie par une répression féroce, causant de nouvelles victimes, c’est surtout l’oubli organisé qui s’installe durablement. Comme les événements d’avril 1980 qui bénéficient, jusque-là, d’un minimum de reconnaissance symbolique, le Printemps noir est volontairement marginalisé dans les récits officiels comme s’il fallait en effacer la trace pour mieux disqualifier toute révolte citoyenne.
Dans l’Algérie post-Hirak, ce processus s’est accentué. La mémoire de résistance populaire est désormais perçue comme une menace par un pouvoir qui criminalise la commémoration, interdit les rassemblements et verrouille l’espace public. Même les cérémonies de Tafsut Imazighen ( le printemps amazigh, commémoré dans une ferveur toujours renouvelée) sont désormais dans le viseur sécuritaire. L’État cherche moins à réconcilier qu’à effacer.
Une transition politique avortée
Le Printemps noir aurait pu marquer un tournant démocratique. Mais les espoirs ont été piégés dans une stratégie de désamorçage : concessions techniques sans réformes de fond, dialogue sans reconnaissance, mesures sociales sans justice. La reconnaissance des victimes, les excuses officielles, les pensions ou le retrait partiel des gendarmes ont été autant de tentatives de pacification sans transformation.
Les animateurs du mouvement citoyen, bien que porteurs d’une parole légitime, n’ont pas su — ou pu — transformer l’élan de la rue en force politique durable. En l’absence de structuration autonome, ils ont été rapidement marginalisés par les manœuvres du régime, les divisions internes, et l’usure d’un engagement non relayé. Le champ politique kabyle s’est progressivement désertifié, à mesure que les espaces de lutte ont été fermés ou récupérés.
Cette incapacité à donner une suite politique à l’indignation n’est pas seulement celle des Arouch : elle s’inscrit dans une dynamique plus large de neutralisation des contre-pouvoirs, relancée de manière brutale après le Hirak de 2019. Là encore, un mouvement massif, pacifique et national a été vidé de son potentiel par une répression judiciaire et policière qui rappelle les méthodes post-2001.
De la mémoire refusée à la normalisation autoritaire
Le parallélisme entre la gestion du Printemps noir et celle du Hirak éclaire la continuité autoritaire d’un régime qui redoute la parole libre et la mobilisation autonome. En 2001 comme en 2019, les revendications portaient sur les fondements d’un État de droit, sur la dignité, la reconnaissance et la justice. Et dans les deux cas, la réponse du pouvoir a été la même : contenir, délégitimer, réprimer.
Aujourd’hui, les lois antiterroristes sont instrumentalisées pour criminaliser toute dissidence, les médias sont muselés, et la mémoire des luttes populaires est activement effacée. L’oubli du Printemps noir n’est pas une défaillance, c’est une stratégie : faire taire les sursauts populaires précédents pour empêcher les recommencements.
Le pouvoir ne commémore que ce qu’il peut contrôler. Ce qui arrange sa propagande. Les autres souvenirs — ceux qui gênent, qui accusent, qui dénoncent — sont condamnés à l’effacement. Le Printemps noir, en ce sens, reste une blessure ouverte et un rappel douloureux de ce que l’Algérie aurait pu devenir.
Une histoire à réécrire collectivement
Repenser le Printemps noir, vingt-quatre ans après, ce n’est pas seulement un devoir de mémoire. C’est poser une question politique essentielle : comment transformer l’indignation en changement durable dans un système verrouillé ? Quelles formes d’organisation, de solidarité, de mobilisation, pour redonner corps à une parole citoyenne muselée ?
Dans un pays où l’histoire officielle se construit par omissions, réhabiliter les mémoires de lutte relève d’un choix politique. Il ne s’agit pas de céder à la nostalgie, mais de tirer les enseignements d’un moment de bascule afin de penser de nouvelles perspectives de transformation malgré l’immobilisme imposé par l’autoritarisme qui, lui, s’efforce de tout figer.
Samia Naït Iqbal
Désormais, la date du 14 juin 2001 reste une date majeure dans l’histoire de la Kabylie et certainement pas de celle de l’Algérie. Comme l’est l’insurrection kabyle de 1871. Les Kabyles en sont fiers; les Algériens n’en veulent pas. Sauf lorsqu’il s’agit de jouer la chansonnette de l' »Algérie indivisible », aussi indivisible que la France de Dunkerque à Tamanrasset. Que vive la Kabylie indépendante !
ULAC SMAH ULAC n’est pas juste un slogan à l’Algérienne, c’est une promesse Kabyle incarnée par le MAK impénétrable à l’infiltration du régime qui a transformé le FFS de Ait Ahmed considéré par ce même régime comme traître à la nation en un larbin, c’est la destinée de toutes les organisations anti pouvoir qui souvent les transforment en paillassions, même le RCD est en danger malgré une certaine compromission avec le mouvement islamiste Rachad pour faire Khawa Khawa pour un territoire que les différences flagrantes n’unies pas.
Le peuple Kabyle est déjà à 90% convaincu que le MAK est leur seul représentant authentique, l’Algérie ce n’est plus le problème de la Kabylie qui veut être libre car les Kabyles et si seulement les Chawis qui comme les Kabyles étaient en première ligne de la la guerre de libération pour savoir que leurs martyrs, ne l’ont pas faite pour un drapeau mais pour vivre en liberté !
Ce qui ressort au travers de cette péripétie de l’Algérie, est paradoxalement l’incohérence entre institutions et identité du pays. Si l’État est l’expression d’un peuple et d’un territoire, l’Algérie officielle par contre veut faire une greffe identitaire : plier la réalité à l’impératif de la « oumma ». C’est ce qui caractérise les États de religion islamique, du Maroc au golfe Persique. Ce qu’ils appellent ijtihad, c’est-à-dire arab-islamiser la modernité, mais sans les risques de s’y imprégner, comme les libertés individuelles, la séparation du religieux et de l’État. Sinon l’Algérie était déjà dans la modernité dans sa vision humaniste, il suffisait d’harmoniser et ajuster les institutions ancestrales comme Thajmaith en incluant les femmes, en récupérant les éléments culturels et philosophiques faisaient le tronc commun de tous les Algériens. C’est du reste ce que fit l’occident après le moyen-age, en corrigeant la vision et en cherchant dans la dimension historique grecque et romaine. Comme le déterminisme islamique a vécu comme une limite, l’Algérie qui avait les moyens humains dans les années 80 pour corriger les incohérences, contrairement à la Chine et aux pays de l’Est, elle régresse vers l’islamisme, pour sauver le régime plutôt que donner l’espoir au pays. &0 ans après, les mêmes personnes, puits du pétrole aidant, continuent de vouloir corriger la modernité, avec la » démocratie islamique, la banque islamique, les sciences islamiques….