A travers le monde, la plupart des langues n’ont pas d’académie et elles s’en portent très bien ! L’exemple le plus parlant est l’anglais ! Le français est, en réalité, une exception avec sa si prestigieuse académie ! Les langues berbères sont-elles obligées de s’aligner sur l’exception, comme on a tenté de le faire pour l’arabe officiel ?
L’Académie a écrasé toutes les langues de France qu’elle a reléguées au stade de « patois » et qu’elle a castrées pour des siècles ! Il faut donner leur chance à nos langues régionales – le chaoui, le mozabite, le chenoui etc. pour que chacune puisse survivre et prospérer dans la liberté et la diversité !
L’égalistarime berbère, cette égalité intégrale des Berbères entre eux a toujours nui à la marche de nos pays pour leur en entrée dans l’histoire et dans la modernité. Cet égalitarisme néfaste veut que tous les gens soient logés à la même enseigne : aucune tête ne doit émerger au-dessus des autres, tout doit être nivelé, très souvent par le bas. Il faut à tout prix éviter de reproduire cette tare dans le travail pour la survie de nos langues. Dans cette ultime étape, il faut rester lucides et savoir raison garder.
Pour contribuer à l’émergence et au développement de nos langues, sans arrière pensée négative, si j’avais le pouvoir de décision, si j’étais le chef de l’état, voilà comment je pocéderais dans le cadre de mes prérogatives.
Puisque la création de l’académie nationale de la langue amazigh est subodorée dans cette nouvelle constitution, si j’avais le pouvoir de décision, je ferai tout pourqu ‘elle ne tombe pas sur nos langues comme une massue, un instrument de nuisance ou de répression.
On peut d’ores et déjà classer les langues amazighes d’Algérie en 5 groupes assez proches les uns des autres .
1°) L’amazigh de l’Est (tamaziɣt usammer)
2°) L’amazigh du Centre (tamaziɣt talemmast)
3° ) L’amazigh du Sud (Tamaziɣt n wunẓul)
4°) L’amazigh du Grand-sud (Tamaziɣt n wunẓul ameqqran)
5°) L’amazigh de l’Ouest (Tamaziɣt umalu)
L’amazigh de l’Est (tamaziɣt usammer) regroupe les variantes pratiquées daans l’Est algérien (langue tacawit, et les parlers de l’ex-Petite Kabylie de Collo)
L’amazigh du Centre (tamaziɣt talemmast) regroupe la langue kabyle et celles autour d’Alger, Tacenwit, parlers de l’Atlas blidéen de Médéa jusqu’à la mer.
L’amazigh de l’Ouest (Tamaziɣt umalu) regroupe ce qui reste des parlers des régions allant de l’Ouarsenis, Tlemcen jusqu’au Maroc.
L’amazigh du Sud algérien (Tamaziɣt n wunẓul) regroupe la langue mozabite, et ce qui reste des parlers amazigh sahariens, Ouargla, Béchar, Naama, etc.
L’Amazigh du Grand Sud regroupe le Touareg dans ses variantes.
Si j’avais le pouvoir de décision, je décréterais que chacun des 5 groupes de langues aura sa propre institution académique.
Chacune de ces 5 institutions académiques sera composée de gens de lettres connues et reconnus. A titre posthume, en signe de reconnaissance et de gratitude de la part de l’Etat qui les toujours injustement ignorés sinon persécutés. seront membres d’office les personnalités décédées qui ont œuvré toute leur vie pour promouvoir la langue, pour la faire.
Seront membres de ces institutions les gens de lettres reconnus par leurs pairs pour leur persévérance, leur connaissance de la langue, pour leur activité créatrice de bonne facture.
Les scientifiques ne seront pas forcément membres de ces institutions. Ils auront à leurs dispositions des laboratoires de recherche dans leurs universités respectives. Ces scientifiques s’ils ont fait montre de création littéraire ou artistique pourront être membres de ces institutions.
Les linguistes et autres scientifiques n’ont jamais fait les langues ! Nulle part au monde ! Ce sont les poètes, les écrivains, les gens de métier, les locuteurs, les parents (surtout les mamans) qui font les langues, pas les linguistes dont la science est de les analyser, les étudier. Cessons d’alimenter une chimère de plus ! La langue idéale pour le linguiste est la langue morte !
Si j’avais le pouvoir de décision, je décréterais la création de 5 institutions académiques :
L’institution académique amazigh de l’Est
L’institution académique du Centre
L’institution académique de l’Ouest
L’institution académique du Sud
L’institution académique du Grand sud
Comme je n’ai pas la moindre parcelle de pouvoir, ni la moindre possibilité de décision, je rappelle à ceux qui les détiennent que grace au travail de toute une chaîne séculaire d’amoureux de la langue, tamaziɣt, surtout dans sa variante kabyle, s’est « dé-dialectisée » depuis des générations ! Certaines oeuvres produites dans cette langue pourraient être classées au patrimoine mondial, s’il y avait une volonté et une puissance derrière ! Malheureusement, il y a des forces qui remettent à chaque fois les jantes à plat, les compteurs à zéro pour tout recommencer en encore et encore ! Depuis quelques années, les mots de fixation-standardisation-redressement-aménagement font peur aux amoureux de la langue ! Ces mots ont fini par horripiler les gens sincères et dévoués ! Les milliers de citoyens ont signé des pétitions pour l’officialisation ! Ce sont les mêmes qui paniquent ! Il ne faudra pas baisser la garde ! Il ne faut pas s’inquiéter outre mesure! Le travail continue ! Ne perdons plus de temps !
Amar Mezdad, médecin, écrivain