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Elisa Biagi : « Très émue de me produire dans la région de mes grands-parents »

Elisa Biagi

À l’occasion de la présentation de son spectacle, (Le fil rouge), au Théâtre nationale algérien (TNA) et au Théâtre Kateb Yacine de Tizi Ouzou, Elisa Biagi, comédienne et petite-fille, de l’officier de l’ALN, Yaha Abdelhafid évoque son parcours et ses différentes expériences dans le théâtre et le cinéma et parle des raisons qui  l’ont conduite à l’écriture de cette pièce.

Elle nous confie sa joie pour la  façon dont sa pièce a été reçue et  son émotion de se produire devant le public de la région qui a vu naître ses grands parents dont la vie et le parcours sont la source de l’inspiration du texte de  sa pièce. Rencontre.

Le Matin d’Algérie : Quel effet vous fait-il de vous produire devant le public de la région natale de vos grands-parents auxquels vous dédiez cette histoire ?

Elisa Biagi : Je suis extrêmement émue. J’espère ne pas pleurer au début de mon spectacle (rires). Ce n’est pas  Elisa Biagi mais la petite-fille qui repart sur les traces de son grand-père et de sa famille. Pour moi, aujourd’hui, c’est un accomplissement. Ce spectacle du théâtre Kateb-Yacine marque la fin de notre tournée en Algérie. J’espère qu’il y en aura d’autres.

C’est très important de vivre ce moment avec le public de Tizi-Ouzou et surtout de Takhlidjt Ath Atsou (village natale de ses grands-parents, ndlr) et de tous les villages qui connaissent mon grand-père ainsi que ma grand-mère dont je parle dans mon spectacle.

Le  fil rouge, pourquoi ce titre et quel rapport avec l’histoire de vos grands-parents ?

Elisa Biagi : Le fil rouge, c’est ce qui lie ma mère et ma grand-mère à moi. C’est aussi mes deux terres : je suis Italienne et Algérienne. C’est aussi ce lien qu’il y a, à travers la Méditerranée, entre les deux pays qui se ressemblent beaucoup. Ce fil, c’est tout ce qui me relie à mes deux familles des deux côtés de la Méditerranée, en Algérie et en Italie. 

Le rouge, c’est la couleur de la passion et l’amour que je porte à tous les miens. C’est aussi lex rouge du sang des martyrs et de toutes les victimes qui se sont sacrifiés pour la liberté et l’indépendance de l’Algérie. 

Un mot sur la réception à votre spectacle de la semaine écoulée au théâtre national d’Alger (TNA) ?

Elisa Biagi : La réception a été au-delà de toute attente. C’était un moment extraordinaire, on a été très bien accueilli même si on a toujours cette peur quand on se produit devant les siens.

Ce n’est pas comme en France où on a joué devant des Algériens et des Français. Il y a donc des préoccupations et des attentes différentes. 

A Alger, je joue dans mon pays, devant les miens et j’ai eu un peu peur, et c’est normal à chaque début des spectacles. Seulement, dès que les lumières se sont allumées et qu’il y a eu les premiers applaudissements, j’ai ressenti que le public était avec moi. Du début jusqu’à la fin, on était un seul cœur. C’était au-delà de ce que j’ai pu imaginer.

Le Matin d’Algérie : En ce moment, quel souvenir vous relie de votre grand-père ?

Elisa Biagi : Il y en a deux qui me reviennent. Mon grand-père accueillait beaucoup de monde à la maison. Il faisait des réunions. Tout le temps, des gens rentraient et sortaient; la maison était toujours ouverte. Je me rappelle, étant toute petite, j’allais dans le salon et je m’asseyais sur ses genoux, pendant qu’il faisait ses discours. Je me souviens aussi qu’il aimait nous emmener,  moi toute petite et ses autres petits-enfants, dans la montagne du Djurdjura. Il nous emmenait dans les lieux où il avait combattu.

Ce sont des moments que je ne pensais pas pouvoir revivre et avec votre question,  je me surprend à me replonger dans ces instants très émouvants. 

Le Matin d’Algérie : Vous avez présenté « Le Fil rouge » en France et en Italie ?

Elisa Biagi : Je n’ai pas encore joué en Italie. J’espère pouvoir le faire un jour. En France, par contre, on joue le spectacle depuis six mois. On a eu tous les spectres de la révolution: des Français qui l’ont vécue de l’autre côté, et ça a été difficile pour moi au début.

Comment parler à des gens qui étaient de l’autre côté. Il y avait aussi des jeunes Français qui me disaient qu’ils avaient leurs grands-pères dans la légion étrangère. C’est surtout à eux que s’adresse mon spectacle parce que on ne leur a pas assez parlé de ce qui s’est passe ici. Il faut qu’ils apprennent qu’il n’y avait pas que des hommes qui faisaient la guerre mais aussi des femmes qui se sont sacrifiées et ont sacrifié la vie de leurs enfants. 

Pour moi, c’est très important qu’ils le sachent même si cela reste difficile. Ma grand-mère disait que j’ai pardonné mais je n’ai pas oublié. On n’oublie pas et c’est en parlant de ce qui s’est passé qu’on pourra avancer et aller de l’avant. C’est ce qui fait qu’aujourd’hui, je peux raconter ces histoires que ma grand-mère et mon grand-père m’ont racontées.

Le Matin d’Algérie : Et les médias, est-ce qu’ils se sont intéressés à votre spectacle ?

Elisa Biagi : Non, pas tant que ça. Ce n’est pas de la censure. C’est sans doute parce qu’on jouait dans des petites salles.  

Le Matin d’Algérie : Parlez-nous de vos projets

Elisa Biagi : D’abord, on continue à jouer ce spectacle qui n’est qu’à ses débuts.  Cependant, il y a des projets que j’ai envie de réaliser en tant que comédienne: jouer du Molière, du Kateb Yacine et bien d’autres auteurs qui me fascinent dont des Italiens. Pour le cinéma, j’ai été distribuée dans dans le film « Belouizdad » qui sortira dans peu de temps. C’est mon  premier contrat dans le cinéma en Algérie.

Parlez-nous, justement de cette expérience, passer du jeu sur les planches et devant la caméra.

Elisa Biagi : Le passage du théâtre au cinéma est différent. On se comporte différemment sur les planches et  devant la caméra. Le théâtre est un spectacle vivant qui nécessite des performances particulières. On a pas le droit à l’erreur. Au cinéma, c’est different.  Lorsqu’on rate une prise, on peut se corriger, la refaire, on peut reprendre son texte plusieurs fois.

Anaïs Karoff, metteuse en scène de Fil rouge :

"Il y a eu beaucoup d’émotion lors de notre passage à Alger. On a été trés impressionné de faire salle archicomble. Se produire en Algérie, c’est pour nous l’aboutissement d'un processus,  le couronnement du projet. Ceci, pour la simple raison que le spectacle parlait justement de l’Algérie et le but final était de venir ici même si on a tourné ailleurs. Mais jouer à Alger et à Tizi-Ouzou, c’était l’apothéose. Elisa ? Elle est charismatique. Pouvoir tenir pendant 50 minutes seule sur scène même s’il y a de la mise en scène est une performance digne d'être soulignée. Elle occupe le plateau, elle a une présence, elle dégage beaucoup d'émotion, beaucoup de sincérité dans le jeu. C'est tout ça, je pense  pense aussi, qui a réjouit le public."

Notre avis »Le fil rouge » : une pièce de théâtre touchante et réaliste 

Le fil rouge est une pièce à hauteur humaine qui nous plonge dans la dure réalité de la guerre.

Écrite et  interprétée par Elisa Biagi sur une  mise en scène de  Anais Karoff, la pièce  aborde des  theme universels tels que l’amour, la passion, la résistance, la combativité et la résilience des hommes et des femmes face à l’adversité.

Durant 50 min, seule sur scène et avec un  rythme soutenu, la comédienne déroule  son texte ( monologue) où le passé douloureux de ses grands-parents constitue l’arc narratif autour duquel viennent se tisser des trajectoires de vie et des destins. Ceux de sa grand-mère, Nouara et de son grand-père, résistant et officier de l’ALN bien connu, Abdelhafid Yaha auxquels la comédienne algéro-italienne a rendu hommage. Le spectacle a donc résonné auprès d’un large public ému par le destin des personnages et et sensible aux  situations présentées.

Samia Naït Iqbal

Texte et interprétation : Elisa Biagi

Mise en scène : Anaïs Karoff 

Musique et bruitage : Laurie-Anne Polo 

Costumes : Farida Nait Chabane et Samira Hamou

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