Il y a des situations où la dignité et la responsabilité vous obligent à un effort surhumain. Car l’exercice traditionnel de la passation de pouvoir entre le (la) Premier ministre et le successeur l’exige à un niveau des plus difficiles à atteindre.
Voilà une Première ministre qui a fait le boulot le plus difficile de la république, que l’on soit de son bord politique ou non. Elle a eu une carrière des plus brillantes et s’est hissée au sommet avec force et détermination en faisant preuve d’abnégation au travail et de compétences incontestables. Elle est congédiée à la face du monde alors qu’elle n’avait pas souhaité son départ.
Mais elle savait, dès la première montée des marches de Matignon, qu’un jour elle affronterait l’exercice le plus difficile de sa vie. Il est arrivé par la dernière descente de ces mêmes escaliers.
Tous l’ont connu, tous l’appréhendaient mais certains plus que d’autres. Bien que cela soit prestigieux et honorable, elle retournera sur les bancs de l’Assemblée, une députée parmi cinq cent soixante-seize autres.
Pompidou disait que lors de la première montée des escaliers de Matignon on pense déjà à ceux de l’Elysée. Elle savait qu’elle ne pourrait avoir cette ambition sans parcours politique avec une épaisseur suffisante.
Alors Élisabeth a dû passer la demi-heure la plus humiliante de sa vie. Face à un gamin qu’elle avait dirigé de sa haute fonction et à qui elle est obligée de rendre hommage pour une place qui était la sienne.
Tous ont connu ce terrible moment mais peu ont eu à le faire avec un jeune homme qui a encore l’âge des sorties entre copains. Il était près d’elle, sage et silencieux, comme à une cérémonie où la Proviseure remet le diplôme au jeune surdoué de l’établissement.
Que cela doit être difficile. Imaginez un seul instant ce qu’elle a dû penser et combien elle a dû faire d’effort pour ne pas dire la réelle pensée qu’il est inévitable d’avoir en ces moments.
La situation est déjà rageante lorsqu’il s’agit de laisser une telle place au pouvoir à l’un de vos ennemis, celui que vous détestez, celui qui n’a eu de cesse de vous signifier que son seul objectif était de devenir vizir à la place du vizir.
C’est infiniment plus difficile et humiliant lorsque vous êtes confronté au gamin de l’équipe, ce jeune homme qui baissait la tête et parlait avec déférence lorsqu’il entrait dans le bureau.
Voilà ce que j’ai vu et ressenti lorsque cette scène s’est déroulée dans la cour de Matignon. En pareilles circonstances je ne peux jamais m’empêcher d’avoir ce sentiment. Mais ceux d’hier avaient des sous-titres avec de gros caractères et un micro dans les pensées.
On me dit que le gamin est surdoué. Des surdoués à cet âge, la France en collectionne. Elisabeth Borne en a connu des tas qui étaient dans ses différents cabinets. C’est d’ailleurs l’un des premiers endroits où se bousculent les surdoués de la fonction publique, destinés aux grandes carrières.
Elle savait que le gamin n’était dans cette position que par le fait d’avoir eu le bon flair de suivre le bon cheval à un moment où personne ne se doutait encore qu’il allait devenir Président de la république. Ce qui est d’ailleurs légitime et honorable si l’opinion politique est sincère.
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Ma pensée est celle de celui qui ne s’élève pas au niveau du véritable enjeu et qui juge la cérémonie au ras du sol ?
Au contraire, je me suis élevé au niveau de l’être humain car cette cérémonie n’est pas la vérité politique, elle est une épreuve humaine.
Nul article de la constitution n’oblige à faire passer sous les fourches caudines une personnalité humiliée. Un simple communiqué aurait suffi avec une passation de pouvoirs dans l’intimité des murs de Matignon.
La république a tellement d’autres occasions cérémonielles qui ont du sens, pourquoi en rajouter avec celles qui n’ont aucun rapport avec elle.
Boumédiene Sid Lakhdar, enseignant retraité