D’une molécule suscitant la controverse, le cannabidiol ou CBD s’impose progressivement dans les habitudes de consommation de plus de 7 millions de Français. Décryptage…
7 millions de consommateurs, 2 000 magasins spécialisés et une incertitude juridique
Curieux destin que celui du cannabidiol dans l’Hexagone. Cette molécule qui longtemps suscité la controverse semble entrer dans les mœurs.
Face à l’engouement croissant pour les produits contenant cette substance non psychotrope extraite du chanvre industriel, un arrêté ministériel publié le 31 décembre 2021 était pourtant venu couper l’herbe sous le pied des professionnels de ce secteur lucratif. A compter du 1er janvier 2022, la molécule (sous sa forme pure) devait être bannie du circuit « grand public », se cantonnant aux laboratoires scientifiques et autres structures de santé engagées dans des expérimentations médicales.
Saisi par des professionnels furieux mais solidaires, le Conseil d’Etat avait suspendu l’interdiction ministérielle à titre provisoire, relançant la machine du CBD dès le 24 janvier 2022. Le Juge de Référés a en effet qualifié la décision du gouvernement d’ « injustifiée » et de « disproportionnée » au regard des éléments en sa disposition, rappelant que les produits à base de CBD ayant une concentration en THC inférieure à 0,3 % ne présentaient pas d’effets psychotropes. La plus haute institution administrative s’est donc alignée sur la position du Comité Scientifique de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), qui estime que « le CBD ne présente pas de potentiel d’abus et de nocivité pour la santé publique » (voir le communiqué officiel).
Aujourd’hui, plus de 7 millions de consommateurs français s’approvisionnent en huiles, fleurs, feuilles, tisanes, e-liquides de vapotage et aliments à base de CBD dans plus de 2 000 boutiques spécialisées, essentiellement concentrées dans les grands pôles urbains. Le nombre de magasins proposant ces produits « relaxants » a été multiplié par cinq en moins de deux ans malgré le contexte juridique incertain. D’ailleurs, le projet de CBD Shop en France semble séduire de plus en plus de jeunes entrepreneurs en dépit de la réticence des établissements bancaires à financer ces commerces.
CBD en France : pourquoi un tel engouement ?
Si l’on exclut les péripéties juridiques, le marché français profite d’un macroenvironnement très avantageux. Il faut savoir que près d’un Français sur cinq déclare « se sentir stressé la plupart du temps » selon les chiffres de la Chambre Syndicale de Sophrologie… soit plus de 10 millions de personnes. Plébiscité pour ses effets relaxants, le cannabidiol peut contribuer à soulager le stress et l’anxiété mineure à modérée sans effets secondaires majeurs.
Ensuite, et selon les chiffres du Baromètre du Sommeil de Santé publique France, les Français ont perdu plus d’une heure et demie de sommeil en 50 ans. Le Baromètre épingle un écart de plus d’une demi-heure de sommeil, chaque nuit, entre les recommandations des professionnels de santé et le sommeil effectif des Français. Selon une étude réalisée par le département de Psychiatrie de l’Université du Colorado, le CBD permettrait d’améliorer le cycle du sommeil des personnes souffrant d’épisodes d’insomnie, à fortiori lorsqu’ils sont causés par un stress chronique.
Sur le plan économique, la France s’impose aujourd’hui comme le troisième producteur mondial de chanvre industriel, matière première dont est issue la molécule de cannabidiol (derrière la Chine et le Canada). La France concentre d’ailleurs plus de la moitié de la production européenne, loin devant les Pays-Bas et l’Italie. La disponibilité de la matière première permet aux professionnels de s’approvisionner à bas prix et de proposer des tarifs très compétitifs, ce qui consolide la demande.
Quid de l’utilisation du CBD en Algérie ?
Le législateur algérien ne réserve pas de traitement de faveur au cannabidiol. La molécule est en effet considérée comme un stupéfiant, au même titre que le THC contenu dans le cannabis. D’ailleurs, l’Algérie s’est opposée de manière frontale aux recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) en matière de CBD thérapeutique.
Pour l’anecdote, le cannabis médical a longtemps fait partie de la pharmacopée algérienne. On retrouve même des mentions de la « zatla » dans des écrits du 12e siècle, notamment dans les ouvrages de médecine traditionnelle « Umdat At-Tabîb » et « Jami’al-mufradat ».