L’Algérie semblait destinée à un avenir démocratique prometteur, dotée de tous les atouts nécessaires pour réussir une transition politique pacifique vers un Etat de droit où la souveraineté populaire s’exercerait pleinement.

Son architecture institutionnelle adaptée s’adosse à une Constitution d’essence démocratique, et un cadre juridique pensé et conçu pour garantir l’équilibre des pouvoirs et à favoriser l’épanouissement des libertés fondamentales.

Un pluralisme politique, certes imparfait, s’était développé, avec des partis couvrant un large spectre idéologique, tandis qu’une presse libre et incisive se distinguait par sa rigueur et sa vitalité, contrastant avec l’uniformité du paysage médiatique de nombreux Etats voisins. 

Toutefois, le plus grand atout de l’Algérie réside dans la détermination de son peuple à reconquérir sa pleine souveraineté. Cette aspiration profonde à une transformation politique véritable s’est exprimée avec éclat lors du soulèvement pacifique du Hirak.

Loin de céder aux provocations et à la violence, le peuple algérien a opposé à l’arbitraire un civisme exemplaire et formulé des revendications légitimes, empreintes de dignité et de pertinence.

Cependant, malgré ces atouts indéniables, l’Algérie demeure empêtrée dans un système autoritaire. En somme, bien que riche de potentialités, le régime en place entrave obstinément toute dynamique d’émancipation, en écrasant les libertés et en muselant les voix dissidentes.

Acharné ainsi contre toute velléité de changement, ce pouvoir mobilise des moyens considérables pour annihiler toute contestation. La répression étatique, doublée de l’instrumentalisation de l’islamisme politique, sous-traité en tant qu’outil d’endoctrinement et de maintien de l’obscurantisme, constitue l’un des principaux freins à toute avancée démocratique. 

Propulsés à la tête de l’Etat par la ferveur du Hirak, qui les a affranchis de leur condition de serviteurs zélés d’un président grabataire, les nouvelles figures du pouvoir incarnent un mal insidieux et corrosif, en couvant de leurs soins l’agent pathogène de cette maladie qui n’est autre que le régime politique dénué de toute légitimité démocratique.

Aussi, l’Algérie est aujourd’hui malade, rongée par une déliquescence politique inquiétante. 

Détournées de leurs objectifs, les réformes législatives initiées par l’actuel président ont perverti l’ensemble du cadre juridique, en gangrénant l’espace politique et plongeant le système institutionnel dans un état de dégénérescence totale, tant au plan structurel que fonctionnel. Ces réformes législatives, loin d’insuffler une vie politique dynamique et féconde, approfondissent le vide abyssal qui règne dans la sphère publique. 

Plutôt que de revitaliser le paysage politique moribond, elles le figent dans une configuration immuable, où ne survivent que les partis inféodés au pouvoir. 

Au lieu de garantir et protéger les libertés fondamentales, de renforcer les contre-pouvoirs et d’ouvrir l’espace aux partis politiques d’opposition, elles confortent le contrôle absolu de la vie politique, consacrant la mainmise autoritaire sur l’Etat. 

Plutôt que de favoriser l’émergence d’une médiation politique crédible, capable de pallier à la crise chronique de représentation et de restaurer la confiance entre les citoyens et les institutions, elles entérinent une volonté autocratique implacable. 

En étranglant la vie politique, ces réformes étouffent l’intelligence collective, accélèrent l’exode des compétences, vident les partis de leur substance militante et les transforment en simples instruments de dépolitisation.

Quant à la presse libre, elle a depuis longtemps rendu l’âme, victime d’un monopole impitoyable, d’un chantage incessant lié à la manne publicitaire et d’une asphyxie financière savamment orchestrée.

Ainsi, en substituant une légalité factice à la légitimité populaire, cette refonte des lois façonne un cadre juridique qui, sous des dehors constitutionnels, entérine la confiscation du pouvoir. Par cet arsenal législatif répressif, il ne s’agit plus de réguler la vie politique, mais de la verrouiller dans ses moindres rouages, perpétuant ainsi un système fermé où toute perspective de changement demeure, par essence, illusoire.

En procédant de la sorte, le néo-pouvoir ne fait que reconduire les méthodes de ses prédécesseurs, confirmant ainsi la nature clanique de l’alternance qui, loin d’être une rupture, s’inscrit dans la continuité du régime du président déchu.

Dès les premiers signes de raidissement du régime, marquant la fin du Hirak, un emballement général, quasi-simultané, s’est emparé de l’ensemble des démembrements de l’Etat. Dans un réflexe pavlovien, chaque entité s’aligne, dans le périmètre de ses attributions, sur cette orientation, ignorant toute considération d’ordre légal. 

Pourtant, la question des garanties des droits et du respect des libertés, tant individuelles que collectives, occupe une place centrale dans la Constitution algérienne. Elle constitue l’un des fondements du pacte entre gouvernants et gouvernés, impliquant une responsabilité inaliénable de l’exécutif : celle de garantir, défendre et préserver les principes énoncés dans la loi fondamentale, notamment en matière de libertés publiques et de droits. 

Cette réaction unanime illustre la suprématie du politique sur le droit et la toute-puissance de l’Etat profond échappant à tout contrôle du pouvoir politique.

Ironie du sort, c’est la cour constitutionnelle elle-même, institution censée être la gardienne de la Constitution et le rempart ultime contre les dérives du pouvoir, qui ouvre la voie aux atteintes aux libertés.

Amputée du rôle de protecteur des libertés fondamentales, en la maintenant à l’écart des convulsions de la société par une restriction du droit de saisine aux seules entités autorisées, elle se fait complice des dérives autoritaires.

Lors du contrôle à priori obligatoire, elle délivre sans réserve un quitus de conformité aux textes de lois, même lorsque leur caractère liberticide et attentatoire au pluralisme est manifeste. 

Dès lors, la Constitution ne devient plus qu’un socle factice, une façade destinée à projeter sur la scène internationale, l’illusion d’un Etat de droit. Les multiples triturations et violations qu’elle a subies, au gré des intérêts du pouvoir, témoignent de sa malléabilité face aux exigences successives de chaque président.

Réduite à un simple rouage d’un ordre juridique purement virtuel, elle compromet toute possibilité d’instaurer un véritable État de droit – un État où s’applique la loi, rien que la loi, et toute la loi, dans le respect des libertés fondamentales.

L’inefficience de la cour constitutionnelle en tant que garante du respect de la Constitution, ainsi que la défaillance de l’ensemble des mécanismes censés protéger l’Etat de droit, les libertés et la démocratie, illustrent le verrouillage du système. Dans ce schéma, les contre-pouvoirs, vidés de leur substance, ne sont plus que des instruments de légitimation d’un pouvoir autoritaire.

Ce constat conduit à une logique implacable : une Constitution qui n’est pas l’émanation des dynamiques profondes de la société ni l’expression d’un consensus fondateur ne peut fonder un véritable Etat de droit, où tous les pouvoir publics agiront dans les limites prévues par la Constitution et les lois et que le processus d’élaboration de la loi soit transparent, démocratique et strictement encadré par les dispositions de cette même constitution.

Loin de constituer un rempart contre l’arbitraire, elle devient alors un simple instrument au service d’un ordre établi, incapable de promouvoir les outils nécessaires à sa protection.

Cette situation souligne l’urgence d’un changement profond. Il s’agit de repenser la relation entre les citoyens et le pouvoir dans le cadre d’un véritable système démocratique. La réhabilitation de la Constitution et la consolidation des garanties constitutionnelles sont des préalables essentiels à l’instauration d’un Etat de droit et d’une société équitable, fondée sur le respect des principes assurant la dignité et les libertés fondamentales de chaque individu.

Pour ce faire, il est indispensable, dans un premier temps, d’engager une délibération collective en vue de doter le pays d’une déclaration constitutionnelle fondatrice. Celle-ci établirait les bases solides d’un Etat de droit et démocratique, enraciné dans les aspirations légitimes du peuple. 

Un tel acte marquerait une étape décisive sur la voie incontournable d’un processus constituant souverain, permettant au peuple, dans toute sa diversité, de reprendre en main son destin politique.

L’objectif est de consacrer, une fois pour toutes, les libertés fondamentales, l’égalité des droits sans distinction de genre, d’identité ou de langue, et de repenser en profondeur les institutions, afin de restaurer leurs attributions et garantir que les principes constitutionnels ne soient plus de simples proclamations, mais des réalités vécues par chaque citoyen.  

Cependant, face à un pouvoir qui criminalise toute initiative en dehors des cadres qu’il impose, cette démarche, seule capable de briser le statu quo mortifère, ne saurait aboutir sans un renouveau organisationnel et stratégique. Dans ce contexte où les barrières physiques et politiques se renforcent, et où la répression écrase systématiquement les mobilisations pacifiques, la refondation ne peut s’appuyer que sur une dynamique de masse.

Aucune organisation politique ne peut, à elle seule, impulser le changement, ce remède indispensable au mal profond qui ronge le corps politique et social du pays. L’heure n’est plus aux certitudes solitaires ni aux postures dogmatiques ; il faut cesser de se vanter d’avoir raison seul, sous peine de s’enliser dans l’impuissance. Seule une mobilisation unitaire des démocrates pourra ouvrir une brèche dans l’espace étriqué du seul jeu politique que le pouvoir tolère.

C’est en adoptant cette dynamique de masse que le combat démocratique pourra, de manière pacifique, déconstruire le régime autoritaire en place et désarmer les acteurs opportunistes qui ont rejoint les partis, non pas pour défendre les idéaux démocratiques, mais pour les plier aux intérêts du pouvoir et préserver leur position et leurs privilèges.

Hamid Ouazar, ancien député de l’opposition

5 Commentaires

  1. Il n’ y aura jamais d’état de droit dans un pays islamiste, ou la religion appartient a l’état et ou les religions et les libertés de culte sont baffouées.
    Sans laicité rien ne changera en Algérie.

    • je te corrige:

      Sans un TSAL dechaine’ et super-hyper Arme’… En d’autres termes:

      Soit le colonettes et autres capitainettes, et tous les CULS couvert de vert, se debarassent de leurs generalettes et deviennent de bonnes Chiennes populaires avec des gamelles remplies, ou ELLES VONT DEVENIR DES HOUTIS CUITS !

      et leur batards a courir jour et nuits avec des gamelles a la main VIDES, a la recherche d’une Conserves perime’e donne’e par des KOFARs genereux.

  2. « L’Algérie semblait destinée à un avenir démocratique»; une portion de vérité peut-être.
    Il semble bien qu’il y eut, en 1956, un congrès à Tripoli. Je ne sais rien de ce qui s’est dit mais le bruit court qu’il n’a pas grand chose à voir celui de la Soummam. Qui des deux croire ?
    Dans le doute, on revient au fondamentaux bafoués.
    C’est la kabylité, bafouée, qui nous fait pencher du côté de la Soummam. Un peu comme notre adhésion au FFSRCD en 1988. Et les autres, naturellement, du se rangent du côté de Tripoli et du FIS.
    Bref, nous avons deux congrès d’un même parti lequel parti n’accepte en son sein que les individus détachés de ce qu’ils sont. C’est parier sur ´une destinée démocratique’ aléatoire. Et avec le recul encore on parle toujours de destinée démocratique. Avec ça les structures démocratiques locales enracinées depuis deux mil ans jetées à la poubelle pour implanter des concepts. On ne s’est pas pourtant pas gêné de tirer parti de ces structures anciennes sur le volet militaire.

  3. La democratie sans liberte’ est une illusion. Et la liberte’ se trouve au bout d’un Canon. Quand vous serez prets a mourir, vous vivrez !

  4. Mis a part la Kabylie et les Kabyles, aucune autre region ne veut une republique libre, seculaire et respectable a cause de son PIB et la science qu’elle utilise pour developer des systemes et faire avancer le pays. Les autres region veulent une ouma arabia donc il n yas rien a gratter avec elles.

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