22 novembre 2024
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Etrangers malades : le préfet vérifie l’inexistence du traitement dans le pays d’origine

FRANCE

Etrangers malades : le préfet vérifie l’inexistence du traitement dans le pays d’origine

Le défaut de motivation de l’absence de traitement médical dans le pays d’origine constitue une erreur manifeste d’appréciation.

En France, les ressortissants algériens bénéficient de l’application de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Cet accord leur permet de bénéficier de plein droit d’un certificat de résidence d’une durée d’un an en cas de maladie.

En vertu de l’article 6.7° qui dispose que : « Le certificat de résidence d’un an portant la mention « vie privée et familiale » est délivré de plein droit :

[…] au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l’état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité, sous réserve qu’il ne puisse pas effectivement bénéficier d’un traitement approprié dans son pays. ».

Le ressortissant algérien doit donc disposer d’une résidence habituelle en France et d’une situation médicale nécessitant des soins introuvables en Algérie.

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Il est important de souligner que le ressortissant algérien malade est protégé contre les mesures d’éloignement. Ainsi, la jurisprudence prévoit à l’égard des ressortissants non algériens et algériens que « lorsqu’une convention internationale stipule que l’intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu’il puisse légalement être l’objet d’une mesure de reconduite à la frontière » (Conseil d’État – CE –, 22 octobre 2004, n° 264395 ; CE, 6 septembre 2004, n° 262540).

Dans un arrêt rendu le 13 novembre 2018, la Cour administrative d’appel de Nancy a annulé une décision de la préfecture du Doubs qui refusait d’accorder à Madame B. son titre de séjour en application de l’article sus-visé.

En l’espèce une maladie grave lui empêchait de pratiquer seule les actes de vie courante, elle risquait également d’être confrontée à une forte dégradation de son état en retournant dans son pays d’origine.

Ses enfants résidaient en France et la prenait en charge tandis qu’en Algérie, elle aurait été séparée d’eux et aurait donc été en situation de précarité extrême.

Concernant les soins dont elle bénéficie en France, ces derniers lui sont nécessaires et diffèrent des soins dont elle aurait pu bénéficier en Algérie notamment car la connaissance poussée de son état de santé par les médecins français permettaient une prise en charge plus complète de la patiente. Un réexamen du dossier dans un autre pays et le temps de latence entre l’examen et la prise en charge aurait pu mettre Madame B. dans une situation où son pronostic vital aurait pu être engagé.

Le droit français pose une obligation à la préfecture de vérifier l’existence d’un traitement approprié dans le pays d’origine, hors la motivation de la préfecture ne laisse rien paraître d’une telle recherche.

Cependant, la Cour administrative d’appel soutient sans même se baser sur l’article 6.7° de l’accord franco-algérien, que les liens qui l’unissent à sa fille en France justifient l’obtention de plein droit de son titre de séjour portant la mention « vie privée et familiale ».

L’alinéa 5 de cet article 6 rappelle qu’est accordé de plein droit un titre de séjour : « au ressortissant algérien, qui n’entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d’autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ».

L’annulation de la décision de la préfecture par la Cour administrative d’appel n’est donc pas basée sur le défaut de motivation de la préfecture. Pour autant, la Cour aurait pu se fonder sur l’obligation pour la préfecture de rechercher l’existence d’un traitement adéquate dans le pays d’origine. La maladie de Madame B. a effectivement un caractère « agressif et dégénératif » « fortement invalidant » ce qui l’empêcherait de retourner seule dans son pays d’origine.

Par conséquent , plusieurs fondements étaient invocables mais aucun n’a été pris en compte par la préfecture, ce qui a également permis à la Cour de caractériser une violation de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.

Selon cet article :« Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »

Or une obligation de quitter le territoire français ordonner par la préfecture aurait constitué une ingérence disproportionnée et même infondé dans la vie privée et familiale de Madame B.

Dès lors le refus de délivrance du titre de séjour par la préfecture reste inexpliqué, le fondement de cette dernière et de surcroît celui du jugement en première instance reste vague, flou et par suite sans fondement juridique. La Cour d’appel ne vient qu’appliquer le droit en vigueur comme aurait dû le faire la préfecture.

Auteur
Me Fayçal Megherbi, avocat au Barreau de Paris

 




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