Dans une analyse dense et militante, l’intellectuel panafricain Diagne Fodé Roland propose une lecture radicale des conflits contemporains. Selon lui, derrière l’apparente diversité des guerres actuelles – en Ukraine, en Palestine, en République Démocratique du Congo, au Sahel, mais aussi dans les tensions autour de Taïwan, du Venezuela ou contre Cuba – se cache une même matrice : la stratégie guerrière de l’OTAN pour maintenir l’hégémonie des États-Unis et de leurs alliés occidentaux.
La fabrique du consentement
Pour Roland, l’une des clés de cette domination réside dans la manière dont les guerres sont racontées. Chaque conflit est présenté isolément : la Russie comme agresseur en Ukraine, Israël comme État se défendant contre le terrorisme, les juntes sahéliennes décrites comme oppressives envers leurs peuples, le Venezuela comme un narco-État. Ces récits dominants, martelés par les grands médias occidentaux, constitueraient une « fabrique du consentement » destinée à légitimer l’ingérence, les interventions militaires et les sanctions économiques.
Or, insiste-t-il, ces narratifs masquent une réalité plus globale : les États-Unis, affaiblis par leur désindustrialisation et leur dépendance au capital financier, chercheraient à préserver leur position dominante en attisant ou en instrumentalisant des conflits sur plusieurs continents.
Un regard historique
Cette stratégie n’est pas nouvelle. L’auteur replace les guerres actuelles dans une longue continuité historique. L’hégémonie britannique puis française au XIXe siècle, contestée par l’Allemagne nazie au XXe siècle, a laissé place, après 1945, à la domination des États-Unis. La chute de l’URSS aurait ouvert une phase d’unilatéralisme américain, marquée par des interventions en Irak, en Yougoslavie, en Afghanistan ou en Libye.
Pour illustrer la manipulation de l’opinion, Roland rappelle les « mensonges de guerre » : les faux charniers de Timisoara en Roumanie, la fiole brandie par Colin Powell pour justifier l’invasion de l’Irak, ou encore l’image de l’infirmière en larmes évoquant des couveuses arrachées au Koweït. Autant d’exemples, selon lui, d’une propagande systématique.
Le capitalisme en crise
L’analyse de Diagne Fodé Roland se nourrit d’une grille marxiste-léniniste. Citant Lénine, il décrit le capitalisme à son stade impérialiste comme un système en décomposition, miné par la recherche du profit maximum et la financiarisation. La mondialisation a transformé de nombreux pays du Sud en « ateliers du monde », tandis que l’Occident s’est mué en économie de rente. Cette contradiction entre production mondialisée et accaparement privé des richesses engendrerait, selon lui, un cycle inévitable de guerres et de crises.
L’Afrique en ligne de mire
Le texte met particulièrement en avant le cas du Sahel. Depuis le retrait progressif de l’armée française et la montée en puissance de l’Alliance des États du Sahel (AES), les attaques terroristes se sont multipliées au Mali, au Burkina Faso et au Niger. Roland y voit une stratégie de déstabilisation visant à « étouffer économiquement » ces pays enclavés. Le terrorisme, soutient-il, fonctionnerait comme un relais des sanctions autrefois imposées par la CEDEAO.
Pour lui, l’AES illustre la volonté de certains États africains de rompre avec le néocolonialisme et de s’inscrire dans une dynamique multipolaire, aux côtés des BRICS et de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS). Mais cette orientation souverainiste les placerait dans la ligne de mire de l’OTAN.
Un appel à l’unité
Au-delà du constat, Diagne Fodé Roland lance un appel : « Il est temps que les luttes des forces souverainistes de chaque pays d’Afrique convergent pour former et forger l’unité irrésistible de la vague montante de l’actuelle seconde phase de libération africaine contre le néocolonialisme et l’impérialisme. »
Ce texte se veut donc autant une analyse qu’un manifeste. Il cherche à replacer chaque conflit local dans une architecture mondiale, à dénoncer les discours dominants et à mobiliser les peuples du Sud autour d’une lutte commune.
En filigrane, une idée traverse toute la contribution : loin d’être des foyers de tensions indépendants, les guerres actuelles seraient les symptômes d’un capitalisme impérialiste à bout de souffle. Et pour Roland, seule l’unité des peuples et des nations opprimées peut faire échec à cette logique destructrice.
Synthèse Djamal Guettala
Texte basé sur la contribution de Diagne Fodé Roland, 29 septembre 2025
Mini-biographie
Diagne Fodé Roland est un intellectuel et militant panafricain engagé sur les questions d’impérialisme, de néocolonialisme et de souveraineté des peuples africains. Ses contributions analysent les conflits mondiaux à travers une grille marxiste-léniniste, dénonçant la domination des puissances occidentales et appelant à l’unité des forces souverainistes pour construire une alternative globale.