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mercredi, 29 octobre 2025
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Farida Sahoui : « Dans mes écrits, j’essaie toujours d’appréhender notre histoire avec fierté … »

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Native d’Azazga, en Kabylie et titulaire d’un BTS en Tourisme, Farida Sahoui a signé trois ouvrages à caractère historique : un récit-hommage et témoignages de Familles Kabyles d’Algérie en Tunisie (2017) ; un essai sur le Roi Jugurtha en trois langues (2018-2019) ; et un autre essai, en 2021, « Sur les traces des Kabyles exilés en Tunisie, dont Le Matin d’Algérie avait déjà fait une recension.

Récemment, elle a reçu le premier prix « Rachid Alliche » du meilleur roman amazigh de l’année 2024, pour Aggus, délivré par la Fondation Tiregwa d’Ottawa au Canada. Dans cet entretien, Sahoui aborde non seulement son parcours littéraire, mais la place du livre dans la société, l’art et les artistes, l’écriture en Tamazight, la condition de la femme, les défis de l’avenir pour l’Algérie, ses espoirs de femme…

Le Matin d’Algérie : On commence, de prime abord, par la fin, comment l’idée de l’écriture d’Aggus vous est-elle venue ? C’est-à-dire, on veut bien comprendre d’abord ce basculement de l’essai-récit au roman, puis l’autre basculement de la langue française à Tamazight ?

Farida Sahoui : Ce n’était guère, à vrai dire, difficile pour moi de passer du récit-essai au roman, du moment que l’idée est déjà là. En revanche, c’est la conception qui diffère. Dans le roman, il y a plus de liberté pour l’auteur de s’exprimer et de détailler des faits, vécus ou imaginés soient-ils.

L’acte d’écriture a en soi-même, de mon point de vue, le même effet sur l’auteur, c’est pourquoi l’œuvre est reçue avec la même curiosité de découverte de son contenu par les lecteurs. Pour passer du français à tamazight, cela ne m’avait pas posé de gros problèmes non plus. Je vous rappelle, à cet égard, que mes premières contributions dans la presse écrite avaient été faites en Tamazight, au tout début des années 90 dans le journal Tamurt « La Patrie ».

Ma première édition littéraire fut dans la langue française, mais je n’avais pas tardé à publier un essai intitulé Jugurtha en tamazight pour en écrire d’autres dans la langue française et revenir encore à éditer en «Taqbaylit » (dialecte ou variante kabyle) en 2024, avec le roman Aggus (Ceinture NDLR). Cela dit, je me suis basculé d’un style d’écriture à un autre, au gré de mes penchants littéraires et entre deux langues, sans difficultés réelles.

Quant au roman « Aggus », l’idée m’est venue suite à ce que j’ai pu constater et entendre du vécu des femmes kabyles qui s’étaient battu pour leurs droits dans notre société. Le récit Aggus est tiré d’une histoire vraie. Si, pour la femme actuelle, Aggus, qui veut dire ceinture, est une pièce du tissu qu’elle met autour de sa taille par effet de mode, on le retrouve néanmoins d’un autre usage dans la tradition ancestrale.

En effet, quand une veuve avait un doute qu’elle pourrait bien être enceinte, elle déposait ce morceau du tissu sur le cercueil de son mari, tout en passant au-dessous. C’est une façon pour elle de se protéger en informant les gens qu’elle pourrait être enceinte… Malgré l’observation de ce rituel, dans mon roman, le personnage principal Tassaâdit, n’échappera pas à l’opprobre dans son entourage… Aggus traite plusieurs maux sociaux liés surtout à la femme entre soumission et émancipation. On y trouve différents visages de femmes entre vieille fille, mariée divorcée, veuve, femme victime d’un mariage forcé, femme d’un Agriv « exilé », vieilles entre sagesse et une certaine « sauvagerie ».

Au-delà de l’histoire de Tassaâdit elle-même, je suis allée piocher dans le patrimoine verbal de notre langue entre proverbes, dictons et surtout en quête approfondie d’expressions qu’on risque de perdre de notre lexique. Il me semble qu’il est nécessaire de tout mettre en papier, une façon pour moi de sauvegarder nos trésors linguistiques de la disparition.

Comme premier retour positif, des enseignants universitaires me disent que je viens de réaliser un véritable travail d’anthropologie au féminin et me demandent de faire une traduction dans d’autres langues. D’ailleurs, deux d’entre eux m’ont contacté pour me dire que mon roman mérite d’être adapté au cinéma. Juste un rappel au passage : je viens de remporter avec Aggus le premier prix « Rachid Alliche » du meilleur roman amazigh de l’année 2024, délivré par la Fondation Tiregwa d’Ottawa au Canada.

Le Matin d’Algérie : On sait que la femme algérienne, celle des régions de Kabylie et des Aurès en particulier, a contribué de façon capitale à la pérennité de Tamazight, frappée depuis des siècles par l’oralité. Comment estimez-vous, au juste, le rôle de la femme kabyle dans la construction du récit national ?

Farida Sahoui : Effectivement, la femme rurale, kabyle et chaoui en particulier, a toujours porté le fardeau de la mémoire, du vécu ancestral et de la langue. Encore faut-il préciser son rôle, en tant que courroie de transmission, dans la préservation du patrimoine immatériel. Elle a participé d’une manière remarquable à la pérennité de la langue maternelle et à sa transmission à travers les chants, les proverbes et autres contes et histoires qui ont tendance à disparaitre au fil du temps. C’est grâce à elle qu’on a pu apprendre sur nos traditions et nos valeurs communes. La femme algérienne a su transmettre aux générations futures tout ce que recelait l’oralité comme richesse. Et c’était en tant que telle, c’est-à-dire en tant que paysanne issue du milieu traditionnel, qu’elle a joué ce rôle primordial dans la construction de l’identité nationale.

Tout naturellement, le récit national, qui se construit à partir de narrations parfois romancées, est alimenté en grande partie par toutes ces contributions et ces bribes de mémoire que la femme algérienne a su, tout à son honneur, préserver et transmettre. Par ailleurs, il va sans dire que même les hommes ont ce souci de sauvegarde et de transmission. A titre d’exemple, dernièrement, j’ai entendu parler d’une personne âgée qui cherchait quelqu’un pour recueillir ses poèmes traitant des hommes ayant marqué le XIXème siècle et les conflits enregistrés entre les différents Aârches (tribus NDLR). Cela étant, on peut aussi, tout de même, retrouver chez les hommes d’inestimables trésors sur le patrimoine qu’on n’a pas su ou pu sauver de l’oubli. Hélas, tant de bibliothèques ont quitté ce monde avant que nous les découvrions, et c’est, à notre grand malheur, une partie de nous-mêmes qui est partie avec toutes ces femmes et tous ces hommes de valeur !

Le Matin d’Algérie : La femme algérienne d’aujourd’hui est-elle, à votre avis, la digne héritière de ses ascendantes ?

Farida Sahoui : Il faudrait bien noter qu’entre nos aînées et la femme algérienne d’aujourd’hui, il y a eu le passage, entre-temps, de l’oralité à l’écrit avec tout le processus d’instruction et de contact avec les autres en termes de transmission et de mode de vie qui en découle. De nos jours, avec la mondialisation, le high-tech et la mutation des préoccupations sociales grâce aux réseaux sociaux, on assiste à la transformation des éléments culturels (pratiques, traditions, objets, etc.).

Autrement dit, pour les mettre, ces éléments culturels-là s’entend, en avant, d’aucuns les présentent souvent de manière assez pittoresque, disons même folklorique, voire superficielle, sans portée symbolique ni profondeur spirituelle ou historique. Or, le fait de limiter toute une culture et une identité aux quelques aspects les plus extérieurs et souvent stéréotypés, porte atteinte à la chaine de transmission et réduit certains reflexes – jadis primordiaux à la pérennité de notre langue maternelle-à de simples actes ordinaires de « consommation », parfois dans un but touristique ou de valorisation culturelle destinés à un public particulier. Ceci étant dit, je ne suis pas trop sûre qu’actuellement toutes les femmes algériennes puissent s’intéresser pleinement à tout cet héritage dans toute sa dimension. Il est regrettable de constater qu’on a tendance à faire de la folklorisation une priorité, au lieu de nous pencher sur le travail de fond : la recherche, la sauvegarde et la transmission. Cependant, il y a encore, à mon humble avis, des femmes qui essayent de rester fidèles à leurs aïeules pour donner à notre culture un nouveau souffle, à travers l’écriture, le chant et l’art en général, mais cela reste tout de même maigre, insuffisant, face aux défis actuels et futurs. Le monde d’aujourd’hui est dominé par le goût du lucre. Cela dit, il est difficile de parler de l’engagement sérieux dans la culture en l’absence d’un profit financier…

Le Matin d’Algérie : On remarque, ces dernières années, la prolifération des œuvres en divers domaines en langue amazighe. Certains spécialistes jouent sur la quantité de production, jugeant que, dès que l’on produit plus, on donne beaucoup plus de souffle à la langue, même si la qualité fait défaut. D’autres, minoritaires, pensent plutôt que la qualité de production est essentielle pour promouvoir une littérature raffinée, attirante et « exportable ». Quel est votre point de vue ?

Farida Sahoui : Effectivement, ces dix dernières années, la production du livre amazigh connait une forte croissance. Ce qui est bien pour la langue elle-même en premier lieu, mais aussi pour les amoureux de la littérature berbère. Il faut rappeler que cette dernière est relativement toute jeune, si l’on la compare aux autres. Cela étant lié à différentes raisons historique, politique et sociolinguistique dont l’espace ici ne permet pas de développer. C’est pourquoi, je pense que pour qu’on puisse parler de littérature amazighe, pour que celle-ci ait vraiment une place parmi les autres et gagner en visibilité, il faut qu’il y ait au préalable une forte production.

Et il me semble, cela reste bien entendu mon point de vue personnel, qu’à l’état actuel des choses, cette phase est sur le point de connaître son plein essor, même si beaucoup reste à faire. Autrement dit, il est tout à fait légitime de prétendre à une qualité meilleure d’une telle production, que ce soit sur le plan littéraire, esthétique ou bien linguistique. Pour cela, je trouve qu’il n’y a pas de raison de rester avec la même mentalité et les mêmes idées surannées du passé, liées à un contexte bien défini, si on veut vraiment permettre à cette jeune littérature de décoller. Il est plus que nécessaire, aujourd’hui, de nous pencher sur la qualité si on veut vraiment que Tamazight trouve la place qu’elle mérite et celle qu’on lui souhaite.

Aussi est-il important de continuer à produire en cette langue dans divers domaines. Quoique, il faudrait bien se l’avouer, cela demeure insuffisant, car se focaliser sur la quantité au détriment de la qualité ne sert pas à grand-chose. Travailler pour Tamazight n’est pas une fin en soi, il faudrait bien qu’à un moment donné la qualité suive, sinon, on n’est pas sorti de l’auberge ; on risque, et c’est le pire des cas, de tomber dans la facilité et le bricolage… D’après ma propre expérience, il faut dépasser le slogan « l’essentiel, c’est d’y avoir participé!» Il faut prendre au sérieux la qualité du travail présenté aux lecteurs. A l’heure présente, avec le foisonnement littéraire et surtout l’engouement de la jeune génération à écrire en cette langue, on peut parler d’une vraie production littéraire en tamazight qui tend à rivaliser avec la production dans d’autres langues, à savoir l’arabe et le français. C’est une réalité : Tamazight s’impose sur le champ littéraire et devient une vraie concurrente pour ces deux langues en termes de production littéraire !

Le Matin d’Algérie : Dans votre ouvrage Jugurtha, il s’agit en quelque sorte du récit de la saga berbère, avec la mise en évidence de la « figure de l’aguellid résistant» dans une civilisation marquée par la survivance miraculeuse de la langue grâce à l’oralité. Est-ce un « contre-récit historique » de celui des historiens romains ou occidentaux ? Ou au contraire, une simple tentative pour se raconter soi-même, c’est-à-dire se raconter son histoire ancestrale à sa manière, et selon la version locale conçue comme « la plus objective » ?

Farida Sahoui : Il est communément admis que l’histoire est toujours écrite par les vainqueurs ! Notre histoire, plusieurs fois millénaire, n’échappe pas malheureusement à cette règle. Dans ma démarche, lorsque j’aborde toutes ces thématiques en lien avec notre histoire et notre mémoire, je ne peux rester indifférente. Je ne peux passer à autre chose sans que j’éprouve du regret et du ressentiment face à toutes ces entreprises « coloniales » et « néocoloniales » visant à nous réduire, à nous dévaloriser et à nous stigmatiser pour nous ranger dans « la case des sous-peuples ». De ce fait, comme simple réaction, dans mes écrits j’essaie toujours d’appréhender notre histoire avec fierté, armée d’une vision civilisationnelle plurielle mais « dépassionnée », de montrer aux autres que nous sommes comme eux, avec nos hauts et nos bas, nos exploits et nos gloires.

Je m’y prends avec précaution avec les faits historiques, c’est-à-dire avec tout ce que cela exige comme objectivité et respect de l’autre. Mon essai sur le prince Jugurtha ne déroge pas à ce principe, dans la mesure où il n’est pas du tout un contre récit-historique, mais mon propre récit tout simplement, que je voulais présenter aux lecteurs. Je tiens à préciser, au demeurant, que quand j’ai entamé son écriture, je n’avais pas encore lu ni sur Salluste ni moins encore sur son célèbre livre « La guerre de Jugurtha ». Bref, mon élan créatif fut spontané, celui d’une femme profondément ancrée dans son amazighité. Une « chercheuse » qui veut faire revivre l’histoire de ses ancêtres, avec un sentiment d’appartenance sans égal. Pour moi, ce fut plus qu’un besoin psychologique et culturel de le faire : un devoir moral.

Personnellement, au plus profond de moi-même, je me sens une descendante directe de Massinissa et de Jugurtha, donc il est tout à fait normal d’avoir cette fureur de parler des miens. Je les sens proches de nous, ils sont vivants parmi nous, comment ne pas évoquer leurs noms et leurs exploits, comment ne pas écrire sur eux, les chanter, les célébrer ?

Le Matin d’Algérie : Revenons maintenant sur votre excellent essai « Sur les traces des Kabyles exilés en Tunisie ». Dans le corps du texte, on a relevé des témoignages extraordinaires sur cette coexistence séculaire entre la diaspora kabyle et les Tunisiens. Vous avez même cité en exemple la famille des Amrouche. Il y a comme un brin de nostalgie. Sincèrement, d’où vient cet intérêt pour la Tunisie ?

Farida Sahoui : Avant tout, je dois rappeler que le travail sur nos exilés en Tunisie est le fruit d’une coïncidence, si je peux le résumer ainsi. En ce sens, ce n’est pas un travail que j’ai cherché à faire. C’est par de simples rencontres que j’ai pris connaissance des faits dramatiques qu’avait subis notre communauté exilée, installée en grande partie en Tunisie. Puis, petit à petit, j’ai pris conscience des conditions pas du tout faciles dans lesquelles cette dernière avait vécu.

En effet, j’ai eu la chance et le privilège de croiser la route de certains descendants directs de ces exilés qui m’avaient raconté beaucoup de choses sur les conditions de leur départ, notamment au lendemain de l’insurrection de 1871. Des témoignages extraordinaires que j’ai pris le soin d’insérer dans mon corpus. Au départ, mon intention ce n’était pas d’en faire un livre, ce n’est qu’à après l’insistance et les vœux émis par ces Kabyles de Tunisie que j’ai décidé de franchir le cap : passer à l’écriture de mon récit quelques années plus tard ! L’essai Sur les traces des Kabyles en Tunisie, est une œuvre qui ne parle pas seulement de la guerre, mais aussi des faits sociaux et politiques tels que la société tunisienne, et la diaspora kabyle en particulier, les avaient vécus. Ceux-ci prennent d’ailleurs une grande place dans le corps du texte. Le volet culturel aussi en a pris une part importante.

A vrai dire, la famille Amrouche est un exemple édifiant de cette coexistence séculaire entre la diaspora kabyle, formée par la deuxième puis la troisième génération de ces exilés, et les Tunisiens. Elle avait marqué son passage en Tunisie par ses productions littéraires, radiophoniques (notamment pour Jean) et même politiques. C’est une famille qui avait donné beaucoup à la Tunisie, mais aussi, il faut bien le souligner en gras : Tunis leur avait donné la chance d’exister dans un espace culturel plus ouvert, métis, cosmopolite. Jugeons-en par les écrits de Jean El Mouhoub qui n’avait pas manqué d’évoquer à chaque occasion sa ville de cœur, « Tunisie de la grâce » disait-il dans un de ses poèmes, pour laquelle il avait composé tant de chants.

Dans cet ordre d’idées, j’ai jugé judicieux de rapporter toutes ces bribes de mémoire, d’autant plus que l’exilé lorsqu’il quitte sa terre, en laissant derrière lui ses biens, il ne prend avec lui que ses chants ; ses dictons ; ses anecdotes ; ses souvenirs. C’est, bien naturellement, avec ce patrimoine immatériel qu’il sera en mesure de supporter son exil et vivre à travers lui sa culture et la faire vivre… A mon sens, un exilé n’est jamais sans mémoire ! Ce travail, je l’ai réalisé avec un grand respect, solidarité et reconnaissance pour tout ce que nos exilés m’avaient confié et transmis comme vécus, faits, événements, mais aussi comme émotions.

Actuellement, je travaille sur un thème proche du premier, entre exil et émigration de notre communauté en Tunisie. J’y évoque l’exil du savoir, quand les Kabyles se rendaient à Tunis pour étudier et n’en revenaient plus, s’investissant dans le journalisme, la culture et aussi la politique, à l’instar d’Abdelaziz Taalibi et la création de son parti politique au début du XXe siècle… Je cite des noms connus dans le domaine de la justice et de la politique, comme El Ghobrini, mais sur une autre période de l’histoire pour nous faire voyager au temps des Hafsides….

Le Matin d’Algérie : Enfin, comment peut-on estimer aujourd’hui l’état des lieux en Algérie : Tamazight, le statut de la femme, la place de l’artiste et de l’intellectuel ? Bref, ne faut-il pas sortir du cercle vicieux des slogans creux et se retrousser les manches pour avancer ?

Farida Sahoui : La situation, telle qu’elle est vue de tous est inquiétante, ni Tamazight, ni la femme ni l’artiste ni l’intellectuel ne sont respectés ! Pour Tamazight, on s’est rendu compte que jusqu’à présent, malgré son institutionnalisation et les textes qui existent, il y a comme une volonté sournoise d’entraver sa promotion et son développement.

Les moyens financiers, humains et logistiques mis à son service restent de loin insuffisants et insignifiants, par rapport aux attentes.

Jusqu’ici, comme il est facile de le constater, Tamazight se tient uniquement grâce à ses enfants et ceux qui la portent dans leurs cœurs.

Certes, la donne a changé, et même si le combat culturel est mené, tant bien que mal, et au quotidien par les différents acteurs, il n’en demeure pas moins que le militantisme politique doive parallèlement reprendre du terrain en urgence, c’est une nécessité !

Pour le statut de la femme, il est clair que la situation en Algérie se dégrade et la femme se voit reculer de plus en plus. La société a comme peur d’elle. Et pourtant, il faut bien savoir que dans une société où la femme perd sa place, c’est l’homme qui se perd avec elle ! On est comme coincés dans des débats dépassés, stériles, qui nous ne mènent nulle part. A l’heure actuelle, le mot « lutte » a perdu son sens, pas uniquement chez nous mais aussi dans certaines sociétés.

On vit au jour le jour et la femme, comme vecteur social du changement, ne se bat plus ; je peux dire même, peut-être je me trompe et je l’espère de toutes mes forces, que la femme algérienne a fait son choix : la soumission ! C’est désolant comme constat : elle subit des pressions au quotidien, elle se voile, elle se cache pour pouvoir sortir… Désolant ! Concernant la place de l’artiste, chez nous, on a tendance à oublier ce terme.

Que reste-t-il d’un chanteur qui ne chante pas dans toutes les villes de son pays, et qui ne peut rien choisir de ses thèmes et parfois de sa langue ? Il est visé de tous, un artiste qui ne peut pas jouer son rôle d’artiste perd, à vrai dire, la place que sa société lui a confiée. 

La scène artistique est désertée, elle est remplacée par un discours plutôt méfiant qui refuse malheureusement l’art et l’artiste. Quant à l’intellectuel, il a choisi de se taire dans son propre pays. S’il veut s’exprimer, travailler ou produire, il doit choisir une autre terre, plus clémente. C’est sous d’autres cieux qu’il brille alors que les siens ont besoin de lui sur place.

On vit dans une Algérie où l’oppression est pratiquée comme rituel social : ni liberté d’expression, ni ouverture du champ politique. Personne ne sait pourquoi tout cela survient. Pourquoi fait-on de ses meilleurs enfants ses meilleurs ennemis ? On cherche notre Algérie ! L’Algérie de tous, une Algérie qui se reconstruira dans son espace naturel, historique et géographique. L’Algérie peut être singulière et plurielle, mais aussi ouverte sur le monde, tolérante, accueillante et surtout bienveillante. Face à cela, on doit continuer de travailler : retrousser nos manches et nous mettre à la production avec ce que nous disposons comme moyens, selon nos capacités et acquis du moment, tout en visant d’autres horizons.

Propos recueillis par Kamal Guerroua pour Le Matin d’Algérie.

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