Lundi 21 septembre 2020
Fernand Iveton, le combat d’une vie !
Fernand Iveton, un nom qui reste gravé à jamais dans les mémoires, et qui sonne aux oreilles des Algériens, comme un symbole de résistance face à l’oppression coloniale.
Dans son livre « Pour l’exemple, l’affaire Fernand Iveton » paru en 1986 chez L’Harmattan, l’historien Jean-Claude Einaudi restitue la vérité de ce pied-noir, de basse extraction, ayant grandi dans le quartier de Clos-Salembier, tourneur à l’usine à gaz à Hamma (Alger), communiste comme il l’a toujours été dans la région parisienne.
Ce maquisard dont la tête tomba à l’échafaud en plein cour de Barberousse à Alger, le 11 février 1957, ne fut pas , à vrai dire, le seul Français tué après avoir rallié la révolution algérienne. D’autres, tels que son camarde Henri Maillot mort en juin 1956 au combat, et le prof de mathématiques Maurice Audin, mort une année plus tard, soit en juin 1957, sous la torture faisaient partie du lot.
Iveton fut pratiquement l’unique « Européen » passé à la guillotine, à l’instigation du gouvernement socialiste de Guy Mollet, dont le Garde des sceaux ne fut autre qu’un certain François Mitterand. Ironie du sort, le nom de cette grosse pointure de la politique hexagonale est d’autant plus si étrange dans une telle affaire, que ce fut la même personne qui a aboli, en tant que président de la République, la peine de mort en France, en 1981 !
Jean-Claude Einaudi explique la démarche exceptionnelle de Iveton, un homme hors pair qui n’était ni un idéologue ni un aventurier, mais un rebelle dans l’âme. Le parcours de ce combattant au sein du Parti communiste explique son adhésion affective au combat juste du FLN pour l’indépendance, à travers ses prises de position courageuses. Ainsi a-t-il organisé des réunions clandestines, en offrant l’asile à des militants indépendantistes recherchés.
D’où son interrogation à certains cadres communistes sur le véritable rôle du parti dans la tourmente coloniale. Autrement dit, Iveton fut parmi ceux qui souhaitaient un total engagement des communistes dans le combat libérateur des Algériens. D’ailleurs, ce fut ce principe-là qui l’a mené vers l’enrôlement dans les Combattants de la libération (CDL), structure clandestine armée mise en place par le Parti communiste en 1955.
Déçu du fait que son groupe opérationnel ne lui ait proposé que des petites actions sur le terrain alors que Henri Maillot, officier déserteur de l’armée française, est mort sous la torture après avoir détourné un camion d’armes et de munitions en faveur de la lutte de libération, Iveton aurait trouvé dans l’annexion du FLN des structures du CDL, une occasion en or pour se lancer dans l’action. S’il avait accepté de poser une bombe dans l’usine à gaz où il travaillait, Iveton n’en reste pas moins nourri par l’esprit de la non-violence.
Son passage à l’acte traduit, à vrai dire, une réplique aux bombes des ultras. Toutefois, son projet tombe à l’eau, puisque l’engin explosif est découvert dans le local désaffecté où il l’avait entreposé avant de le mettre en place. Arrêté et torturé, après avoir été inculpé, Iveton fut guillotiné ! Sacrifice suprême pour une cause qu’il a épousée en toute conscience. L’historien Pierre Vidal-Naquet écrit ceci dans l’une de ses nombreuses préfaces : « Iveton ne voulait pas d’une explosion-meurtre. Il voulait une explosion-témoignage ».
Ceci dit, Iveton voulait montrer à la population algérienne que les pieds-noirs n’étaient pas tous ses ennemis et que les communistes se rangeaient à ses côtés, pour la défendre dans le cadre de sa grande lutte contre l’impérialisme capitaliste.
Quant au gouvernement français, il s’est appuyé sur la capture de ce « communiste », engagé au côté du FLN, comme un subterfuge pour tisser son argumentaire du complot soviético-communiste, dans une période connue dans l’histoire, pour la confrontation entre les deux blocs de l’Ouest et de l’Est… Bref, après 63 ans de son exécution, Fernand Iveton incarne dans l’inconscient collectif algérien cette figure de justicier pour qui, la liberté d’un peuple opprimé a son pesant d’or.
De même, il fait vivre dans la mémoire franco-algérienne cet atroce épisode de l’une des terribles guerres anti-coloniales de l’histoire.