22 novembre 2024
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AccueilChroniqueFrance-Algérie : «Tu hantes mes nuits, je te poursuis le jour !»

France-Algérie : «Tu hantes mes nuits, je te poursuis le jour !»

 

Photo Gallica BNF

Avec la colonisation, l’Algérie s’est trouvée défigurée urbanisée au nord sans industrie créatrice d’emplois, concentrée sur la bande côtière sans agriculture vivrière, centralisée dans la décision, ignorant la population autochtone, et tournée vers la métropole par l’exportation des hydrocarbures et ouverte à l’importation de produits de subsistance.

Ce schéma d’aménagement du territoire initié par De Gaulle dans sa politique de pacification sera poursuivi et amplifié par l’Algérie indépendante dans sa politique d’industrialisation et d’urbanisation à marche forcée. La reprise du plan de Constantine en est la preuve évidente. Industrialiser la bande côtière cultivable relativement bien arrosée et se rapprocher de la métropole pour remplir son couffin.

Le regroupement des populations dans les villes permettant de mieux les contrôler en est un autre exemple. Le transfert du pouvoir perpétuait indirectement le système de dépendance économique et culturelle vis-à-vis de la métropole. Il s’agissait pour la France d’imposer à l’Algérie indépendante un ordre politique et juridique qui garantisse la prééminence de ses intérêts stratégiques. On peut dire qu’elle a réussi admirablement son pari.

En imposant des institutions dont la logique de fonctionnement était radicalement opposée à celle de la société algérienne, et en refoulant l’islam dans le domaine privé pour en faire une valeur refuge des déshérités, le colonisateur préparait en fait la société postcoloniale à l’échec de la modernisation.  Une modernisation menée par l’Etat post colonial sans mobilisation de la nation dans la création de richesses et sans sa participation dans la prise de décision.

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Le nationalisme s’est révélé qu’un acte illusoire de souveraineté. L’indépendance politique n’avait pas suffi à elle seule à briser les liens de dépendance tissés à travers 132 ans de colonisation. L’Etat centraliste et ostentatoire dérivé du modèle colonial a suscité le régionalisme, les dérives de l’intégrisme de ceux qu’il enferme dans un nationalisme formel et dans un rituel religieux sans esprit novateur. Si la recherche de l’indépendance fût un principe légitime, les pouvoirs mis en place n’ont pas toujours respecté les aspirations populaires qu’elles impliquaient.

La construction d’un Etat national d’inspiration de la mystique soviétique a permis aux dirigeants algériens d’occulter au nom de l’idéologie socialiste ses apparences avec le modèle colonial français, c’est-à-dire un Etat national comme héritier de l’Etat colonial français.

L’Etat français dont les soubassements religieux et idéologiques sont passés sous silence. L’Etat français est le produit de l’histoire du moyen âge et de la religion catholique romaine. Un Etat qui ne fait qu’obéir à l’archétype du « Dieu chrétien » ; lequel, omnipotent, et omniprésent se tient hors du monde et dirige celui-ci par des lois et des décrets qu’il lui impose d’en haut.

L’Etat est d’ailleurs parvenu à prendre la place du « Dieu chrétien » ou du « veau d’or des hébreux » dans la mentalité occidentale en devenant l’Etat providence. C’est cette dimension mythologique, très conscientisée en occident, qui sert à le faire fonctionner. Non seulement il dirige et oriente le développement de la société avec un droit dont il est le seul maître, mais il l’impose d’en haut à la société, comme le « Dieu chrétien » impose ses commandements à ses fidèles. L’Etat providence s’est mis à la place du « Dieu chrétien ». Cette logique centralisatrice qui tend à l’uniformisation de la société s’appuie sur une survalorisation d’un fond culturel gréco-romano-chrétien, s’oppose à la logique de la société algérienne laquelle est plurielle, obéissant à d’autres représentations, et à un autre modèle de souveraineté.

En France, c’est le roi avec l’appui du clergé qui s’est imposé aux seigneurs féodaux. Cet Etat providence vise à substituer à l’incertitude de la providence religieuse, la certitude de la providence étatique. Etant propriétaire des gisements pétroliers et gaziers, l’Etat a donc le droit de s’approprier la rente qui l’a confortée dans la gestion de l’économie et de la société. Cet « ‘Etat providence » assurait le contrôle et la répartition des ressources à partir essentiellement de la rente issue des hydrocarbures et de l’endettement qu’elle procure.

Aujourd’hui, l’Etat providence en Algérie vit une crise de légitimité doublée d’une crise financière. Pour se maintenir, le régime politique de la société postcoloniale n’a que deux moyens soit corrompre massivement, soit réprimer sévèrement. Les deux ont fait la preuve de leur inefficacité.

Autoritaire et despotique, un tel pouvoir appelle fatalement aux émeutes, aux protestations, à la dénonciation, à la calomnie, d’où l’instabilité politique chronique qui règne dans la société postcoloniale. Ce fonctionnement chaotique et prédateur, rend sa capacité économique extérieure nulle. Alors, il tombe inévitablement dans l’orbite de la dette, qui entraîne les diktats des institutions financières internationales sous la forme de programmes d’ajustement structurels, voire culturels pour ne pas dire religieux.

Faible de l’intérieur, malgré son autoritarisme et sa violence, le régime politique postcolonial, l’est aussi à l’extérieur. Car sa fragilité économique en fait le jouet et la marionnette des grandes puissances.

Il apparaît alors comme un Etat-client, manipulé à volonté par des Etats-patron., et incapable de jouer le moindre rôle sur la scène internationale. De la danse du ventre au nu intégral, le pas est vite franchi dans un contexte de guerre froide et de réchauffement climatique.

L’Europe a froid, l’Afrique a chaud, l’Algérie bascule, la France s’inquiète, l’ogre russe est à sa porte, il la refoule du Sahel, sa chasse gardée, Elle regarde vers l’Atlantique, le lion américain mange ses petits à table avec ses propres dents sans s’essuyer la bouche. Qui osera dire que sa bouche sent mauvais ? Certainement pas la France de « papa » et encore moins le « fiston » de l’Europe. Une Europe qui amorce sa descente aux enfers. ….

Dr A. Boumezrag

1 COMMENTAIRE

  1. Si on veut parler illustrer le copiage par l’Algérie du modèle centraliste mortifère, le modèle, il faut aller le chercher en orient; c’est celui la qui lui sied, la référence absolue en la matière avec dieu inquestionnable, calife-sultan-emir au pouvoir absolu, puis plus rien, la masse sans forme.
    Inutile de s’essuyer les mains sur les grecs qui n’ont par ailleurs jamais construit d’eux même d’Etat central avant le 19e siècle (à exclure donc la domination par la Macédoine laquelle les grecs ne considéraient pas entièrement grecque). Comment leur coller alors un centralisme eux qui n’ont jamais d’état à centraliser mais une multiplicité de cités-états.
    Même Rome impériale concédait l’autonomie aux municipe, une liberté dont nos communes et départements ne pourraient jamais rêver d’avoir.
    Pour ce qu’est de l’Europe chrétienne, les pouvoirs – c’est d’ailleurs dit dans ce texte – étaient partagés entre noblesse d’épée (roi et seigneurs) et noblesse de robe (église); une situation organique impossible à imaginer même chez le plus éclairé des princes de l’islam.
    L’absolutisme oriental, si on veut en parler, c’est dans l’islam qu’il faut le chercher.
    Mais nous avons cette manie à coller nos propres défauts aux autres.

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