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France-Algérie : visas sans visages, visages sans visa ?

Indépendance confisquée

Qu’est-ce que l’indépendance d’un pays ?  Est-ce la continuité, la rupture ou le  legs de l’Etat colonial ? Tenter une réponse à ces questions est une opération bien périlleuse. L’histoire officielle nous apprend que le pouvoir colonial avait atrophié l’initiative privée, empêché le développement autonome, marginalisé les autochtones. La réalité d’aujourd’hui nous interpelle.

Le pouvoir postcolonial n’a-t-il pas poursuivi la même politique ? On croit savoir que la colonisation a été toujours placée sous le signe de l’économie dirigée et que de l’Etat colonial à l’Etat national ne s’est opéré qu’un certain déplacement du centre relais. Ce qui n’était qu’un centre administratif devient capitale d’où un certain recentrage politique.

L’acquisition de l’indépendance politique ne signifiait pas pour autant ni l’indépendance économique, ni l’abdication de la France coloniale. « L’indépendance est comme un pont, au départ personne n’en veut ; à l’arrivée tout le monde l’emprunte ». Une indépendance à deux visages : celle des héritiers de l’Algérie de la France et celle des laissés-pour-compte de l’Algérie sans la France.

Cette élite « moderne », culturellement aliénée, extravertie modelée par la culture européenne et de bas étage échappe difficilement au piège des modèles étrangers, en particulier sur le plan des institutions étatiques, du pouvoir et du développement Il est intéressant de savoir que le modèle nationaliste inspiré de la mystique soviétique a permis aux dirigeants algériens d’occulter au nom de l’idéologie socialiste ses apparences avec le modèle colonial français.

La colonisation française prédisposait au développement de la fonction publique et au centralisme jacobin. C’est la colonisation qui a donné naissance aux classes dirigeantes qui à la suite d’un processus d’indépendance ont reproduit médiocrement le modèle des métropoles au dépens de la recherche d’une authentique socio-économique et culturelle propre.

Le transfert du pouvoir perpétuait indirectement le système de dépendance économique et culturelle vis-à-vis de la métropole. Le nationalisme s’est révélé bien souvent qu’un acte illusoire de souveraineté. L’indépendance politique n’avait pas suffi à elle seule à briser les liens de dépendance tissés à travers 130 ans de colonisation.

L’Etat centraliste et ostentatoire dérivé du modèle colonial a suscité le régionalisme, les dérives de l’intégrisme de ceux qu’il enferme dans un nationalisme formel. Si la recherche de l’indépendance fût un principe légitime, les pouvoirs mis en place n’ont pas toujours respecté les aspirations populaires qu’elle impliquait. Il est frappant d’ailleurs de constater l’absence de réflexions critiques sur les choix économiques internes.

Si dans un premier temps, la politique appliquée eut un certain succès grâce à la rente pétrolière, elle a connu par la suite une évolution négative causée notamment par la censure imposée à l’information et par la cécité douteuse vis-à-vis de la corruption impliquant un certain nombre d’officiels.

L’Etat étant toujours entre les mains de personnels qui ont tous des défauts et des qualités de l’espèce humaine. Mais il est juste de dire que le « pouvoir absolu corrompt absolument ». Et que plus un Etat est dictatorial est violent plus il affiche des prétentions de moralité.

De la légitimité historique à la légitimité populaire, d’une révolution violente à une révolution pacifique, d’un monde de contrôle des énergies à un monde de libération des énergies, le temps s’accélère. Avec la colonisation, l’Algérie s’est trouvée défigurée urbanisée au nord sans industrie créatrice d’emplois, concentrée sur la bande côtière sans agriculture vivrière, centralisée dans la décision, ignorant la population autochtone, et tournée vers la métropole pour remplir son couffin, investir et s’investir, obtenir un emploi productif, se soigner, étudier, se distraire, s’exprimer, s’opposer, fuir ses anges gardiens et se libérer de ses propres démons.

Des démons qui nous consomment et nous consument. Ces démons ont pour nom, politique, religion, pauvreté, népotisme, régionalisme, amateurisme. Malheureusement, le chemin de l’enfer est pavé de bonnes intentions. Encore faudrait-il être conscients.  « Quand un peuple perd son identité, ses racines, sa langue et son histoire, sa terre devient une épave sans propriétaire. N’importe quelle idéologie peut l’envahir et soumettre son peuple ».

Dr A. Boumezrag

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