Michel Barnier réunit vendredi son gouvernement pour s’accorder sur la feuille de route qu’il présentera mardi devant l’Assemblée nationale. Déjà, des dossiers brûlants apparaissent, parmi lesquelles la volonté de réformer l’aide médicale d’État affichée par son ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau.
Michel Barnier doit prononcer sa déclaration de politique générale (DPG) le 1er octobre et se retrouve déjà sous pression. D’abord en raison de la situation politique, car la gauche a déjà prévu de déposer une motion de censure en fin de semaine prochaine, tandis que l’extrême droite agite la menace, sans dire à quelle échéance. Aussi, se dessinent déjà plusieurs sujets brûlants, à commencer par la volonté tenace de la droite de réduire l’aide médicale d’État (AME) accordée aux étrangers en situation irrégulière.
Véritable antienne de la droite et de l’extrême droite, le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau a déjà exprimé ouvertement son souhait de la réformer. Le locataire de la Place Beauvau a assuré que cette aide faisait « de la France le pays le plus attractif d’Europe » pour les personnes migrantes. L’idée serait de transformer l’AME en une « aide médicale d’urgence », aux contours encore flous, mais à l’accès radicalement réduit.
Le ministre de l’Intérieur a également laissé entendre cette semaine qu’il ne « s’interdisait pas de prendre, notamment par la voie réglementaire, un certain nombre de dispositions », sur le sujet souvent brandi comme ligne rouge par le camp présidentiel. Face à quoi, la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, a mis M. Retailleau contre un « contournement » du Parlement si le gouvernement choisissait de réformer par décrets. « Il n’y a pas de contournement, il y a la Ve République, il y a différents articles qui renvoient au domaine législatif ou au domaine réglementaire », a répondu l’intéressé.
Des anciens ministres de la Santé s’alarment
Jeudi, huit anciens ministres de la Santé se sont alarmés de ces discours dans une tribune publiée dans Le Monde. Restreindre ou supprimer l’aide médicale d’État pour les sans-papiers aurait des « conséquences sanitaires, humaines, sociales et économiques inacceptables », se sont-ils inquiétés. « Affaiblir l’AME, c’est exposer notre système de santé à une pression accrue de prises en charge plus tardives et donc plus graves et plus coûteuses », ont-ils poursuivi.
Aurélien Rousseau, Roselyne Bachelot, François Braun, Agnès Buzyn, Agnès Firmin Le Bodo, Marisol Touraine, Frédéric Valletoux et Olivier Véran sont les signataires de cette tribune, publiée alors que plusieurs ministres du gouvernement Barnier, se sont déjà positionnés dans le sens de Bruno Retailleau. « L’AME ne constitue pas un facteur d’incitation à l’immigration dans notre pays, qui serait aux frais des Français. C’est un fantasme contraire aux faits », insistent les cosignataires, assurant que le dispositif se limite déjà à « un périmètre précis de soins ».
L’AME garantit aux étrangers en situation irrégulière la prise en charge gratuite de soins médicaux sous deux conditions : la résidence irrégulière continue en France depuis plus de trois mois et des ressources inférieures à un plafond 10 166 euros par an (soit 847 euros par mois).
En 2024, l’enveloppe de l’AME prévue par l’État s’établit à 1,2 milliard d’euros, soit environ 0,5% des dépenses de santé prévues par le budget de la Sécu (PLFSS). Fin 2023, on comptait 466 000 bénéficiaires de l’AME. Elle concerne les soins médicaux et dentaires, les médicaments remboursés, les frais d’analyses et d’hospitalisation, ainsi que ceux afférents à certaines vaccinations et certains dépistages, à la contraception et l’IVG.
Avec AFP/Rfi