Le 31 janvier 2025, au matin, la commission mixte paritaire (CMP), qui réunit sept députés et sept sénateurs, a trouvé un compromis sur le budget de l’État pour l’année 2025. Ce compromis devra maintenant être adopté par les deux chambres du Parlement.
Toutefois, une procédure accélérée, en particulier le recours à l’article 49.3 de la Constitution, semble très probable, surtout à l’Assemblée nationale dès le lundi 3 février, selon des sources parlementaires. Ce recours permettra au gouvernement de faire passer le budget sans passer par un vote formel des députés, en raison des oppositions fortes au sein de l’hémicycle.
Un compromis proche des attentes gouvernementales
Les discussions de la CMP se sont conclues sans heurts majeurs, avec des propositions de compromis très proches des arbitrages des chefs de file du gouvernement, à savoir le sénateur Jean-François Husson (LR) et le député David Amiel (Renaissance). Peu de concessions ont été faites, notamment envers le Parti socialiste (PS), et le budget définitif devrait permettre de maintenir le déficit budgétaire à 5,4 %, comme l’a affirmé le groupe Renaissance.
Les travaux de la commission mixte paritaire ont démarré jeudi matin et se sont déroulés dans un climat relativement serein, les membres de la majorité soutenant sans réserve les propositions des deux parlementaires, Husson et Amiel. Les discussions ont ainsi abouti à un texte qui reflète largement les priorités gouvernementales, même si certaines questions ont été sources de débats intenses, notamment celle de l’Aide médicale d’État (AME).
La question de l’Aide médicale d’État (AME)
Un des points de tension les plus marquants entre la droite et les macronistes a concerné l’Aide médicale d’État (AME). Cette aide, qui permet aux étrangers en situation irrégulière d’accéder à des soins médicaux, a fait l’objet de divergences de vues notables. D’un côté, Jean-François Husson, représentant des sénateurs, proposait une réduction de 200 millions d’euros sur le budget initial de 1,3 milliard d’euros alloué à l’AME. De l’autre, David Amiel, porte-parole de Renaissance, suggérait une coupe plus modeste de 111 millions d’euros, maintenant ainsi les crédits à hauteur de ceux de 2024. Finalement, la proposition d’Amiel a été adoptée.
Le Parti socialiste, qui milite pour le maintien des crédits à hauteur de 1,3 milliard d’euros, a vu sa position rejetée. Toutefois, les socialistes ont voté l’amendement de M. Amiel, non sans amertume, car ils redoutaient que la version proposée par le Sénat ne finisse par s’imposer. En revanche, la droite et le Rassemblement national (RN) n’ont pas réussi à obtenir la modification des critères d’accès à l’AME, un point qui a suscité des tensions, notamment avec le PS, qui craignait des restrictions supplémentaires.
Les réactions des partis politiques
À l’issue de cette commission, les socialistes ont clairement marqué leur opposition au budget. Boris Vallaud, président du groupe PS à l’Assemblée, a expliqué que le PS ne pouvait accepter un budget qu’il considérait comme injuste. Toutefois, il a reconnu que les socialistes avaient réussi à limiter les dégâts, notamment en atténuant certaines mesures qui auraient eu des effets négatifs sur le pouvoir d’achat des retraités et des patients. « Nous avons réussi à amoindrir les souffrances des Français, mais ce budget reste une victoire pour la droite et le gouvernement », a-t-il souligné. Vallaud s’est aussi exprimé sur la question de la censure, qui sera probablement au programme de la semaine suivante si le gouvernement recourt à l’article 49.3.
Le Parti socialiste a insisté sur ses « victoires » obtenues au cours des discussions. Ces « victoires » incluent, entre autres, le rétablissement de 4 000 postes d’enseignants, la préservation du Fonds vert, ainsi que des avancées pour l’agence bio et les transports du quotidien. Mais ces acquis n’ont pas suffi à convaincre les autres groupes de gauche.
En particulier, les députés des Insoumis ont vivement critiqué le compromis trouvé, le qualifiant de « verrouillage » des débats et dénonçant des « reculs » majeurs en matière de coupes budgétaires. Éric Coquerel, président de la commission des Finances de l’Assemblée nationale et membre de La France Insoumise (LFI), a fustigé le budget adopté en commission, le qualifiant de « pire que le budget Barnier », une référence à un budget qu’il jugeait déjà trop austère.
Les autres groupes de gauche ont également exprimé leur mécontentement. Le groupe des écologistes a dénoncé un manque d’ambition en matière de transition écologique, et les communistes ont critiqué les économies réalisées sur les politiques sociales. Malgré ces divergences, ces partis restent unis dans leur opposition au budget dans sa version actuelle.
Les réactions du gouvernement
Du côté du gouvernement, la réaction a été plus positive. Amélie de Montchalin, ministre déléguée aux Comptes publics, a salué ce compromis, le qualifiant de « résultat positif pour le pays ». Elle a ajouté qu’elle espérait que ce budget permettrait à la France de sortir du « régime de service minimum » dans lequel elle se trouve depuis le début de l’année 2025, soulignant l’importance de doter le pays d’un cadre budgétaire stable et prévisible.
De son côté, le ministre de l’Économie, Éric Lombard, a également exprimé sa satisfaction concernant le compromis. « C’est une étape importante pour doter notre pays d’un budget et permettre à notre économie de redémarrer », a-t-il écrit sur X (anciennement Twitter). Selon lui, ce budget devrait permettre à la France de « tourner la page » d’une période incertaine, en rétablissant une certaine confiance dans les finances publiques.
Les perspectives à venir
Le compromis trouvé en commission mixte paritaire devra encore être ratifié par l’Assemblée nationale et le Sénat. Cependant, une adoption rapide semble incertaine, en raison des divergences de plus en plus marquées entre le gouvernement et l’opposition. Le recours au 49.3 semble inévitable pour le gouvernement afin d’éviter un blocage parlementaire et de garantir l’adoption du texte. Cette procédure, souvent perçue comme un passage en force, pourrait toutefois entraîner une forte réaction de la part des oppositions, et notamment des groupes de gauche, qui pourraient tenter de saisir le Conseil constitutionnel.
Ainsi, même si le compromis atteint au sein de la commission mixte paritaire marque une étape importante dans l’élaboration du budget pour 2025, la bataille politique autour de ce budget est loin d’être terminée. Les discussions à venir risquent d’être marquées par des tensions accrues, avec des oppositions qui se mobilisent pour infléchir le texte final ou, à défaut, pour obtenir une censure par le Conseil constitutionnel.
Rabah Aït Abache