L’actualité que nous vivons sur la bordure littorale de la Méditerranée orientale, tout comme celle de l’agression de l’Ukraine aux confins de l’Europe de l’Est, témoigne de l’irruption d’un terrorisme de masse, imposé contre leur gré aux citoyens de ces territoires, qui s’est transformé en terrorisme d’Etat.

La violence se répand, des femmes et des enfants meurent de faim ou de froid, les geôles se remplissent et les plus fragiles, les moins armés, les moins puissants sont massacrés dans des actions criminelles par des géants militaires qui ne respectent même plus les lois de la guerre. Cette situation dont Gaza est aujourd’hui l’image la plus proche, nous ramène à Albert Camus, toujours actuel, qui écrivait dans L’Homme révolté :

“Il y a des crimes de passion et des crimes de logique. La frontière qui les sépare est incertaine. Mais le Code pénal les distingue, assez commodément, par la préméditation. Nous sommes au temps de la préméditation et du crime parfait. Nos criminels ne sont plus ces enfants désarmés qui évoquaient l’excuse. Ils sont adultes, au contraire et leur alibi est irréfutable, c’est la philosophie qui peut servir à tout, même à changer les meurtriers en juges.

Heathcliff, dans les Hauts de Hurlevent, tuerait la terre entière pour  pour posséder Cathie, mais il n’aurait pas l’idée de dire que ce meurtre est raisonnable ou justifié pour le système. Il l’accomplirait, là s’arrête toute sa croyance. Cela suppose la force de l’amour et le caractère. La force de l’amour étant rare, le meurtre reste exceptionnel et garde alors son air d’effraction. Mais à partir du moment où, faute de caractère, on court se donner une doctrine, dès l’instant où le crime se raisonne, il prolifère comme la raison elle-même, il prend toutes les figures du syllogisme. Il était solitaire comme le cri, le voilà universel comme la science. Hier jugé, il légifère aujourd’hui.”

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Pour comprendre  ce qui se passe à Gaza, interrogeons l’Histoire. Le 13 septembre 1993, une image fait le tour du monde. C’est la poignée de main entre le dirigeant palestinien Yasser Arafat, chef de l’OLP, et le Premier ministre israélien Yizthak Rabin quii viennent de signer un accord reconnaissant l’existence mutuelle de deux Etats sur le territoire de l’ancienne colonie britannique, la Palestine. Cet accord ouvre une porte à  la paix après des années de conflits et de guerre entre le sionisme israélien et le nationalisme arabo-palestinien qui a commencé le 14 mai 1948. 

Mais le 4 novembre 1995,  le général Yitzhak Rabin, leader israélien de la paix, est assassiné par un militant d’extrême droite. Les années de négociations courageuses des deux camps pour parvenir à une solution juste, celle de la construction de deux États devient un mythe sans cesse repoussé entre rencontres, intifadas, répressions, glissement continu vers la colonisation de la Cisjordanie et développement du Hamas financé en partie par Israël pour affaiblir Mahmoud Abbas, président de l’autorité Palestinienne.

Le 7 octobre 2023, le Hamas qui règne sur Gaza commet un horrible crime de guerre. Alors qu’Israël a envoyé une partie de ses troupes en Cisjordanie protéger les colons qui s’y multiplient avec violence et assassinent des paysans pour leur prendre leur terre, il lance des attaques contre des localités du pourtour de la Bande de Gaza, un jour de Shabbat et de fête. Le bilan de cet horrible crime de guerre est de 1888 morts, de 4834 blessés et de 251 otages.  

L’Etat d’Israël réagit. Mais Israël est un État normalement démocratique et les démocraties respectent les lois de la guerre. Or, à ce jour, le bilan des morts palestiniens à Gaza est de 52.000 et plus de 118.000 blessés pour une population de 2.100.000 habitants ce qui, rapporté à la population française, donnerait, approximativement, 1.716.000 morts et 3.776.000 blessés. Le tout à cause de bombardements massifs et non ciblés de l’armée israélienne, de la famine et de la destruction des centres de santé.

A cela s’ajoute le fait qu’au moins 70% des bâtiments sont détruits ou gravement endommagés comme si on ne voulait pas que les Gazaouis qui sont déplacés puissent les réoccuper un jour. Cependant, il faut rappeler que les massacres de Palestiniens n’ont pas débuté avec le 7 octobre. Ils remontent à plus de 70 ans.

En Cisjordanie, les agressions de colons extrémistes se multiplient et, en  avril 2024, Amnesty International sonne l’alerte :

“La flambée de violence exercée par des colons à l’encontre de Palestiniens ces derniers jours, s’inscrit dans le cadre d’une campagne soutenue par l’Etat qui dure depuis des décennies et vise à déposséder, déplacer et opprimer la population palestinienne en Cisjordanie, y compris à Jérusalem Est. Les forces israéliennes ont par le passé facilité la violence des colons et il est scandaleux qu’une fois de plus elles ne soient pas intervenues, voire aient pris part à ces violences. » Heba Morayef 

Jusqu’ici ce n’étaient que des témoignages et des points de vue que l’on pouvait facilement effacer en traitant leurs auteurs et ceux qui les croient d’antisémitisme. Mais lorsque le président Donald Trump  et le président Netanyahou déclarent qu’il faut déplacer les Gazaouis en Egypte et en Jordanie pour faire de Gaza la « Côte d’Azur du Moyen-Orient », nous n’avons plus aucun doute et nous revenons à ce que disait Albert Camus : nous sommes devant l’un de ces crimes prémédités dont l’alibi, le 7 octobre 2023 et le retour de la paix, est irréfutable car c’est la philosophie qui peut servir à tout, même à changer des meurtriers en juges. 

L’Europe qui défend la démocratie et la liberté de l’Ukraine a mis en garde Israël contre ce projet néfaste mais elle doit aller plus loin. Elle doit aider les Israéliens démocrates à résister au Gouvernement d’extrême droite qui dirige Israël et met en danger son avenir. Elle doit aider les Palestiniens à survivre et à se débarrasser du Hamas afin que ce conflit se termine par la naissance d’un Etat Palestinien libre, démocratique et débarassé des colons.

Emile Martinez

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