Les frappes sur l’hôpital Nasser de Khan Younès, dans le sud de l’enclave palestinienne, avaient fait 22 morts, dont cinq journalistes. L’armée israélienne avait alors annoncé avoir frappé l’établissement après avoir repéré une « caméra du Hamas » pouvant servir à surveiller le mouvement des troupes israéliennes. Un mois plus tard, les éléments mettant à mal cette version se multiplient. Reuters – dont un collaborateur a été tué ce jour-là – a enquêté sur ces frappes.
Il s’agit de l’un des jours les plus sanglants pour la presse à Gaza, et une attaque qui a beaucoup choqué. Le 25 août dernier, cinq journalistes ont été tués dans une même attaque israélienne.
Une première frappe vise une cage d’escalier de l’hôpital Nasser de Khan Younès. Plusieurs journalistes avaient pris l’habitude de travailler dans ce lieu qui leur semblait l’un des moins dangereux de Gaza et disposant d’une connexion convenable, explique la correspondante de Rfi à Ramallah.
Alors que des secours et des reporters affluent, de nouvelles frappes interviennent et ne leur laissent aucune chance. Le procédé dit « de la double frappe » vise, selon +972, un média israélo-palestinien, à faire le plus de victimes possible. Celui-ci met à mal la thèse de l’erreur défendue alors par le Premier ministre, Benyamin Netanyahu.
Une caméra d’un journaliste de Reuters visée
Un mois plus tard, l’agence Reuters a pu se procurer des images d’un drone israélien qui avait survolé le complexe hospitalier à plusieurs reprises. La présence d’une caméra –qualifié par l’armée israélienne comme appartenant au Hamas – dans l’enceinte de l’hôpital est bien visible. L’enquête de Reuters confirme qu’il s’agissait de celle de son journaliste Hussam al-Masri, tué sur le coup ce jour-là.
L’armée israélienne a réagi à l’article, affirmant désormais que les troupes sur place ont agi sans l’aval du commandant en charge des opérations à Gaza. Reuters ajoute que l’agence Associated Press – dont l’une des journalistes, Mariam Abbu Dagga, a également été tuée ce jour-là – a aussi mené une enquête prouvant que la fameuse caméra visée par les forces israéliennes appartenait à un reporter de Reuters.
L’armée israélienne a initialement justifié la frappe en mentionnant que la caméra en question était recouverte d’une « serviette », ce qui a éveillé ses soupçons, puisqu’elle affirme qu’elles peuvent être utilisées par le Hamas pour échapper aux capteurs thermiques des drones. En réalité, Reuters révèle qu’il s’agissait du tapis de prière vert et blanc de Hussam al-Masri. L’agence de presse a notamment retrouvé une photo prise le 13 août par Mariam Abbu Dagga, sur laquelle on peut voir le journaliste à côté de sa caméra recouverte du tissu, dans la cage d’escalier de l’hôpital Nasser. Des collègues du reporter ajoutent qu’il drapait son matériel afin de le protéger de la chaleur. Un porte-parole de Reuters précise que l’armée israélienne ne lui a jamais demandé de ne pas couvrir sa caméra avec une serviette ou un autre tissu.
À plusieurs reprises, l’armée israélienne a présenté des journalistes palestiniens comme membres ou proches du Hamas pour justifier de les avoir tués. À ce jour, ce sont 250 reporters qui ont été tués à Gaza, selon le décompte du syndicat des journalistes palestiniens.
RFI