25.5 C
Alger
vendredi 22 août 2025
AccueilIdéesGérard Chaliand, géostratège et ami de l’Algérie, s’est éteint

Gérard Chaliand, géostratège et ami de l’Algérie, s’est éteint

Date :

Dans la même catégorie

L’étonnant paradoxe des filles discriminées !

On constate à travers le monde une inégalité très...

La fabrique d’ennemis

La fabrication d'ennemis par certains régimes cherchant à conserver...

L’ex-ministre de la Justice Tayeb Louh demande un procès à huis clos : une requête qui interroge 

Selon des informations rapportées par le quotidien Echourouk, l’ancien...
spot_imgspot_img
- Advertisement -

Le géopolitologue et écrivain Gérard Chaliand s’est éteint ce 20 août 2025 à Paris, à l’âge de 91 ans. Né le 15 février 1934 à Etterbeek, en Belgique, il fut à la fois un militant des luttes d’indépendance, un observateur de terrain et une référence mondiale en matière de stratégie et de conflits asymétriques.

Toute sa vie, Gérard Chaliand aura arpenté les zones de conflit, avec pour credo : « La notion de retraite m’est étrangère. On marche jusqu’à ce qu’on tombe ». Ses premiers pas vers l’aventure, marqués par son goût pour l’histoire et la littérature, l’ont vite mené en Algérie, au cœur de la guerre d’indépendance. « La découverte de la lutte pour l’indépendance algérienne » fut pour lui, de son propre aveu, « un moment décisif », comme il l’expliquait lors d’un entretien récent.

Participant observateur, engagé aux côtés du FLN, il analysa la portée de ce combat dans ses écrits. Dès 1972, dans son « Bilan de la révolution nationale algérienne », il concluait fermement : « Ce fait déterminera une part importante de ce que fut l’histoire des dix premières années de l’indépendance de l’Algérie ». Pour Chaliand, l’édification de l’État algérien devait « permettre à la personnalité et à la nation algériennes de se redéfinir, peu à peu, en fonction d’elles-mêmes ». Il soulignait aussi les défis institutionnels : « L’Algérie n’est pas socialiste… elle manque d’un parti marxiste-léniniste capable d’entraîner les masses ».

Après des études à l’INALCO, Paris), il obtient un doctorat en Sociologie politique avec une thèse sur « les Révolutions dans le Tiers-monde, mythes et perspectives » (Paris V – Sorbonne). Engagé, dans les années 1970, à l’extrême gauche, Gérard Chaliand a participé à la lutte pour la décolonisation de la Guinée Bissau aux côtés d’Amilcar Cabral.

Au fil des décennies, Gérard Chaliand resta fidèle à cette méthode fondée sur l’immersion. Dans un entretien de 2017, il insistait : « La guerre irrégulière ne se gagne pas sur un plan strictement militaire. Elle se gagne surtout par un contrôle administratif des populations. Là réside l’échec occidental des cinquante dernières années, du Viêt Nam à aujourd’hui ». Ainsi, son observation du terrain algérien nourrira toute sa réflexion sur la guerre asymétrique.

L’Algérie, premier engagement décisif

Dès sa jeunesse, Gérard Chaliand prit parti pour le peuple algérien dans sa guerre de libération. Après l’indépendance, il rejoignit Alger et participa à l’aventure du quotidien Alger Républicain. Ces années de ferveur et de contradictions marquèrent profondément son parcours et forgèrent un lien indéfectible avec l’Algérie. Tout au long de sa vie, il rappela que ce premier engagement fut fondateur, à la fois humainement et intellectuellement.

Son rapport à l’Algérie s’exprime à travers ses critiques sans concessions et son respect pour la quête de dignité nationale : « L’émancipation ne s’accomplit jamais sans blessures profondes, ni sans renoncements », confiait-il dans ses entretiens. Pour la jeunesse algérienne, le regard de Chaliand reste un repère : un appel à ne jamais oublier que l’histoire s’écrit sur le terrain des hommes et des femmes qui osent rompre le statu quo.

Un homme du terrain

Contrairement à beaucoup de stratèges de cabinet, Gérard Chaliand privilégiait l’expérience vécue. Sa démarche consistait à partager la vie des combattants, à écouter et observer au plus près. Du Vietnam au Kurdistan, de l’Érythrée à l’Afghanistan, il arpenta les terrains de guerre et de guérilla. Cette connaissance directe lui donna une légitimité rare et fit de lui l’un des plus grands spécialistes mondiaux des conflits asymétriques.

Une œuvre monumentale

Écrivain prolifique, il a signé une œuvre impressionnante qui mêle essais, récits, anthologies et recueils poétiques. Son œuvre, couronnée par des prix majeurs, s’est déployée au fil des décennies : Stratégie de la guérillaAtlas stratégiqueAnthologie mondiale de la stratégie, mais aussi Pourquoi perd-on la guerre ? Un nouvel art occidental (2016) et, tout récemment, Le Grand Tournant géopolitique (2025). Dans Des guérillas au reflux de l’Occident (2020), il analyse le déclin stratégique des puissances occidentales et les nouveaux foyers de résistance. Enfin, ses mémoires, Le savoir de la peau (2022), témoignent d’une vie livrée à la compréhension des peuples en lutte.

Ses livres, traduits dans plusieurs langues, ont nourri des générations de chercheurs, d’étudiants et de lecteurs curieux de comprendre la complexité des affrontements contemporains.

Une voix libre et singulière

Le gépolitologue Chaliand revendiquait une indépendance intellectuelle absolue. Refusant d’être prisonnier des modes ou des idéologies, il assumait un ton libre, parfois dérangeant, toujours lucide. Son regard, forgé par l’expérience, se voulait critique sans jamais céder à la complaisance.

Mémoire et héritage

Pour les Algériens, il restera ce compagnon de route étranger qui avait compris, dès les années 1950, que la cause de l’indépendance dépassait les frontières et s’inscrivait dans un combat universel pour la liberté et la dignité. Il est avec un ensemble de militants internationalistes et anticolonialistes de ceux qui ont choisi d’aider l’Algérie à l’aube de son indépendance.

Au-delà de l’Algérie, il laisse une œuvre vivante et exigeante qui continuera d’éclairer la pensée stratégique et l’histoire des luttes des peuples.

Avec sa disparition, c’est une voix singulière qui s’éteint, celle d’un homme qui refusait de séparer la pensée de l’action.

G. D.

Dans la même catégorie

L’étonnant paradoxe des filles discriminées !

On constate à travers le monde une inégalité très...

La fabrique d’ennemis

La fabrication d'ennemis par certains régimes cherchant à conserver...

L’ex-ministre de la Justice Tayeb Louh demande un procès à huis clos : une requête qui interroge 

Selon des informations rapportées par le quotidien Echourouk, l’ancien...

Dernières actualités

spot_img

LAISSEZ UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici