22 novembre 2024
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Hartmut Elsenhans (1941-2024), un grand ami de l’Algérie, nous a quittés

Hartmut Elsenhans (1941-2024), un grand ami de l’Algérie, s’est éteint, laissant un héritage intellectuel exceptionnel. C’est avec une profonde tristesse que nous apprenons la disparition de l’illustre Professeur émérite Hartmut Elsenhans. Sa relation privilégiée avec l’Algérie en a fait la voix éloquente du pays au sein de l’académie allemande.

Né le 13 octobre 1941 à Stuttgart, Elsenhans a façonné son engagement intellectuel dès sa jeunesse, marqué par des expériences poignantes lors d’un échange scolaire en France en 1959. Les débats passionnés autour de la table d’une famille parisienne pro-Algérie-Française ont laissé une empreinte indélébile sur lui. Ces expériences ont été le point de départ d’un voyage intellectuel et académique dédié à l’Algérie.

Étudiant en science politique, histoire, sociologie et romanistique, Elsenhans a entrepris ses études à Tübingen en 1962, poursuivant ensuite à la Freie Universität Berlin jusqu’en 1967. Ses années académiques et politiquement agitées entre 1967 et 1970 l’ont conduit à Paris en tant que membre des Cycles Supérieurs.

Au cours de cette période, Elsenhans a mené des entretiens approfondis avec des acteurs politiques, civils et militaires français, jetant les bases de sa thèse de doctorat brillante intitulée « Frankreichs Algerienkrieg 1954-1962 ». Cette œuvre monumentale de 908 pages, traduite en français 28 ans plus tard sous le titre « La guerre d’Algérie 1954-1962. Tentative de décolonisation d’une métropole capitaliste », a valu à Elsenhans la reconnaissance de l’historien Gilbert Meynier, qui le comparait à Paxton pour la France de Vichy.

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Les entretiens ont été légués à l’Archive Nationale d’Algérie, offrant aux jeunes chercheurs algériens un précieux héritage. Une partie de ces interviews a été publiée chez Casbah sous le titre « La guerre d’Algérie vue par ses acteurs Français. Les cahiers de Hartmut Elsenhans ».

Devenu professeur émérite, Elsenhans a marqué de son empreinte des institutions académiques en Allemagne, du Montréal à Berlin, Francfort, Marburg, Constance, et enfin Leipzig en 1993. Durant ses voyages de recherche, il a exploré des terrains aussi divers que la France, l’Algérie, le Sénégal, le Vietnam, le Bangladesh, l’Inde et le Mali.

Sa productivité scientifique exceptionnelle, entamée au milieu des années 1970, s’est manifestée à travers une bibliographie imposante de plus de 50 pages, publiée en 13 langues étrangères. La rigueur intellectuelle d’Elsenhans, décrite par certains comme celle d’un « Prussien rouge », était reflétée dans ses plus de 350 000 fiches de notes, résultat de 50 années de lectures et de recherche.

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Inspiré par l’exemple algérien, Elsenhans a consacré une partie significative de son travail à des thématiques cruciales telles que la mondialisation, le système international, les transitions démocratiques, l’Union européenne, et la société civile mondiale. Sa contribution à la compréhension du sous-développement, les relations nord-sud, des classes-états, des systèmes rentiers et des mouvements politiques culturellement identitaires a été inestimable.

Elsenhans a consacré une grande partie de sa carrière à l’analyse des inégalités mondiales et aux théories de la dépendance. Une caractéristique distinctive de la pensée d’Elsenhans est son engagement à dévoiler les mécanismes sous-jacents qui perpétuent les inégalités mondiales. Il a examiné les politiques économiques internationales, les flux de capitaux, et les relations de pouvoir entre les nations, soulignant comment ces facteurs contribuent aux disparités économiques persistantes entre les nations.

Son travail s’inscrit dans la lignée de théoriciens tels que Amin, Arrighi, Frank et Wallerstein, qui ont tous contribué à la compréhension des structures économiques mondiales et des rapports de force inégaux entre les nations. Ainsi, la pensée d’Elsenhans occupe une place prépondérante dans le panorama des théories du développement post-1945 en Allemagne, renforçant notre compréhension des défis auxquels sont confrontées les nations dans un contexte de globalisation économique.

L’œuvre d’Elsenhans est intrinsèquement liée à l’histoire politique de l’Algérie, reflétant ses évolutions au fil des décennies. Elsenhans a désormais commencé sa carrière académique en publiant un article sur l’Algérie en 1968. Il a publié plus de 200 articles sur l’Algérie.

Avant de tirer sa révérence Elsenhans a travaillé encore sur un article sur la guerre d’Algérie, qu’il n’a pas pu finir. Depuis le début des années 1970, Elsenhans visitait l’Algérie régulièrement. Il tissa des relations académiques avec de proéminent institutions tel que le CREAD et le CRASC, il publia dans plusieurs revues algériennes notamment la revue Naqd et les cahiers du CREAD et Insaniyat.

Son dernier souhait, jouer l’hymne national algérien pendant ses funérailles, témoigne de l’affection et de l’admiration profondes qu’il portait à ce pays qui a été une source d’inspiration constante. Hartmut Elsenhans nous a quittés le 18 janvier 2024 à Leipzig, mais son héritage intellectuel continuera d’inspirer les générations futures.

Rachid Ouaissa, Marburg 29 janvier 2024

 

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