Le pauvre Aristote, il aurait dû se cantonner à la pensée philosophique parce qu’en matière d’astronomie, il a tout faux, comme diraient les jeunes.
Aristote et Ptolémée, savants « officiels » de l’Eglise
Mais pas question de s’abstenir à lui rendre un vibrant hommage car il avait observé, réfléchi, calculé, émis des hypothèses et rédigé des conclusions. Un grand pas dans la science de l’humanité que cette seule démarche. La science n’est pas seulement belle et utile lorsqu’elle a raison mais lorsqu’elle mobilise les intelligences pour rechercher inlassablement la vérité réelle, autrement que par des dogmes.
Même si son système géocentrique était faux, nous le savons depuis Copernic. Comme il n’a vraiment pas de chance, il sera condamné d’une double peine puisque l’Église du Moyen-âge va en faire, à son insu puisqu’il n’était plus là, la référence absolue de sa doctrine officielle. Comme honneur, celui d’être la référence d’une erreur grossière, il y a plus gratifiant.
En fait, elle le fera par l’intermédiaire de Ptolémée, un savant qui vécut à Alexandrie au deuxième siècle et qui reprit les thèses du géocentrisme en les développant dans un système encore plus élaboré. Ptolémée suit donc les pas d’Aristote.
Héliocentrisme et géocentrisme, les têtes tournent et s’échauffent (I)
L’Eglise prendra appui sur la description du monde par Ptolémée pour figer les connaissances au Moyen-âge. Le système était devenu intouchable. Tous les écrits et autres communications de l’Eglise porteront exclusivement sur cette donnée scientifique que très peu osèrent remettre en cause jusqu’à Copernic et Galilée. Et le premier ne divulguera même pas sa thèse.
La révolution copernicienne
Très peu d’êtres humains ont vu leur patronyme devenir un qualificatif. Qui ne connaît pas cette expression, la révolution copernicienne ? Peut-être les plus jeunes.
Le quinzième siècle va faire subir au monde un cataclysme comme il en existe très peu dans l’histoire humaine, la révolution copernicienne en fut le détonateur le plus explosif. L’Eglise ne s’en remettra plus véritablement et commencera sa chute progressive jusqu’à nos jours.
Tout cela avait commencé avec Christophe Colomb dont la découverte annonçait un bouleversement. Puis est venu le tsunami avec Copernic et Galilée. La première phrase de Neil Amstrong, le premier homme sur la lune, avait été « Un petit pas de l’homme, un pas de géant de l’humanité ». C’était tout à fait juste mais nous conviendrons que cette phrase inaugurale de l’ère moderne est plutôt adaptée à la révolution copernicienne et aux grandes découvertes maritimes.
Nicolas Copernic, né en 1473, était polonais, d’une famille assez bourgeoise et bénéficiant d’une instruction certaine. Mathématicien et astronome, il eut une éducation religieuse et lorsque mourut son père, il fut recueilli par son oncle, un futur évêque.
Il fut incontestablement le premier qui théorisa le principe de l’héliocentrisme. Tous les lecteurs savent cependant que c’est Galilée qui en donnera définitivement la preuve.
C’est au début du 16ème siècle, en 1512 et 1513 qu’il rédigea sa contribution sur l’héliocentrisme dans le livre connu sous le titre abrégé de Commentariolis (le titre en latin prendrait deux lignes).
Ce qu’ignorent beaucoup de jeunes est que Nicolas Copernic n’avait jamais publié sa thèse de son vivant, sa distribution se fit d’une manière intimiste auprès de certains amis. Il savait combien était suicidaire de divulguer des idées considérées hautement hérétiques.
Il n’aura donc jamais eu la satisfaction de se rendre compte d’avoir bouleversé la représentation du monde, celle qui ne sera jamais démentie par la science moderne.
L’estocade finale, Galilée
Galiléo Galilei, dit Galilée, est né en Italie au XVIème siècle. Il faut immédiatement rectifier une croyance ancrée profondément dans la mémoire collective. Galilée n’a pas inventé la lunette astronomique qui l’avait déjà été auparavant.
Mais il l’a perfectionnée et, surtout, l’a dirigée vers le ciel. Il faut rappeler que ses contemporains voyaient en cette fabuleuse invention un instrument militaire.
Il avait pris connaissance des travaux de Copernic et prouva, par ses observations et ses calculs, que la théorie du savant polonais était fondée. Avec Galilée, l’héliocentrisme est définitivement installé comme vérité scientifique.
Mais au contraire de son prédécesseur, Copernic, ses travaux furent publiés. Nous savons combien la foudre de l’Eglise tomba sur lui et le traîna dans un procès pour éréthisme. Devant le risque fatal, Galilée se déjugea et publia un texte où il démentit ses affirmations sur l’héliocentrisme. Nous ne saurons jamais l’authenticité d’une phrase célèbre qu’il aurait prononcé à la fin du procès, « Et pourtant, elle tourne ».
Galilée a confirmé sa place dans la révolution copernicienne dont il a validé la thèse. Il sera à jamais celui bouleversa, avec Copernic, la représentation du monde. Mais il faut encore beaucoup de temps pour que la vérité refasse surface.
Pourtant, ils étaient profondément chrétiens
Pour rappeler ce qui est communément su, j’ai choisi ce passage de Philippe Testard-Vaillant dans le numéro du magazine Science et vie du 25 août 2020 :
Que l’on évoque la condamnation de Bruno ou le procès de Galilée, et l’on en déduit rapidement que la religion fut une entrave, un frein au développement de la pensée scientifique. Or, la foi fut en réalité un moteur pour les savants ! Si les Kepler, Galilée et autres Newton ont cherché à comprendre le monde, à observer sa marche le plus minutieusement possible et à décortiquer son horlogerie interne, s’ils ont entrepris de fonder la science moderne, c’était d’abord pour honorer le créateur d’un monde si fascinant. Pour se rapprocher de Dieu.
Et bien d’autres savants étaient dans cet esprit d’avoir voulu, comme ceux de la Grèce antique, honorer Dieu. Il y a dans ce sombre passage de l’histoire une grande leçon que les croyants, légitimes et apaisés dans leur foi, devraient méditer.
Ne plus jamais contrer les travaux de la science au risque de sortir de la route d’une religion de paix, de fraternité et de recherche de la connaissance. Attention, cela ne veut pas dire l’impossibilité de la critiquer par des arguments scientifiques.
C’est l’Église qui s’était déshonorée en pourchassant des hommes qui ont voulu élever les êtres humains aussi haut que Dieu le leur a permis (selon la conviction des croyants) en les dotant d’une incroyable intelligence et d’un esprit de curiosité inégalable parmi les espèces vivantes.
Renier l’évidence d’une beauté sublime du cosmos c’est renier la beauté de la création. C’est cela le blasphème.
Boumédiene Sid Lakhdar, enseignant