Mardi 28 janvier 2020
Hirak, diaspora, freeAlgeria !(1)
J’ai souvent écrit ici même que les mots ont une histoire et dans mon dernier article sur les ravages de la novlangue, j’ai signalé que le ‘’rôle’’ de la littérature est de sortir les mots des prisons où certains les enferment.
Ainsi, les mots et notions du titre de l’article nés de racines différentes traduisent d’une certaine façon les confusions idéologiques que subit la société. Il est des mots venant de loin traduisent avec force la grandeur, les souffrances et l’espoir de ladite société. J’en ai choisi trois qui identifient la nature et la fureur du torrent sorti des entrailles de la société pour se déverser dans les rues interdites au peuple par le brigandage d’une bande qui a piétiné ce que le peuple a de plus précieux, sa dignité. Ces trois mots commencent par la lettre ‘’ha’’, le Hirak, el hogra et el harga.
Le Hirak, c’est un 22 février 2019 dans un pays qui a baigné dans une lumière incomparable, c’est un peuple qui d’une seule voix a crié il est temps que le jour se lève car les nuits sans étoiles n’ont que trop duré.
El hogra, c’est cette injustice qui est l’apanage des ‘’téméraires’’ qui se cachent derrière les remparts de l’impunité.
El harga, c’est le visage sombre d’une mère, l’âme embrasée fixe l’horizon de la mer qui a avalé son enfant.
Voilà pourquoi le mot de Hirak met devenu rapidement sympathique. Il a mis le doigt sur les raisons et les auteurs qui ont dépossédé le peuple de son pouvoir, livrant ses enfants à une aventure sans retour pendant que leurs parents ne connaissent plus ni le sommeil ni les rêves.
Le mot Hirak s’est imposé en détrônant les appellations des laboratoires médiatiques mais aussi les définitions qui ne cernent pas le lieu de sa naissance et le moteur qui fait vibrer la conscience du peuple. C’est un néologisme dérivant du mot haraka qui veut dire mouvement.
Le son de sa musique caresse les oreilles, musique qui fait oublier le son caverneux et lugubre du mot conservatisme, le fleuron d’une certaine idéologie. Remarquons que la sonorité de Hirak n’est pas très éloignée de deux autres mots déjà cités, el hogra et el harga. Pour toutes ces qualités, les Algériens où qu’ils se trouvaient ont senti leurs corps et leurs âmes faisant partis de cet évènement historique. Faisant partis de et non solidaire de. J’insiste sur cette nuance car on se rappelle de cette ‘’élite’’ qui s’agita et proposa ses offres pour guider le peuple (sic) ou bien proclamant sa solidarité des cieux où elle réside.
Comme le Hirak a suffisamment de Bastilles à prendre, il faut lui éviter les blablas des mots creux comme une citrouille. Oui des Bastilles physiques et visibles mais aussi celles qui sont invisibles car se nichant dans les esprits. Je pense au désert idéologique cultivé par le régime qui a pollué la société de l’ignorance et des préjugés de la pire espèce.
Et la pollution peut trouver refuge dans des mots apparemment ‘’propres’’ ou neutres. Il n’y a des mots qui hélas changent de sens quand on les met à une certaine place dans une phrase, en en les trahissant avec de mauvaises fréquentations ou bien en les exilant de leur histoire.
La notion de diaspora, qu’elle fut ma surprise d’entendre ce mot à propos des Algériens en émigration. Jusqu’à présent cette notion de diaspora était utilisée du moins en France, par les Arméniens et les Juifs. Comme les mots ont, encore une fois une histoire et connaissent le polissage du temps et des cultures, je me suis renseigné sur l’étymologie de diaspora et de son histoire. L’étymologie du mot est grecque et le sens qu’il enferme renvoie à la dispersion de communautés chassées d’un territoire et s’installant dans un autre territoire. Les exemples ne manquent dans l’antique Grèce qui a forgé et le mot et le sens.
S’agissant de l’émigration algérienne, son histoire et sa réalité d’aujourd’hui ne correspondent pas au sens de l’étymologie du mot grec. C’est la misère coloniale et le besoin à la fois de la chair à canon et des bras bon marché d’ouvriers dont ‘’raffole’’ le capitalisme, qui expliquent notre présence en France. Ensuite colonisés ou pas, les Algériens avaient un pays d’abord et une nationalité ensuite et revenaient chez eux sans demander la permission à quiconque. Armé de ces informations historiques et linguistiques, je me suis demandé la raison de ce glissement du mot émigration vers la voie de garage nommée diaspora. Est-ce l’envie de ressembler à d’autres diasporas qui fascinent par leur ‘’intégration et leur réussite sociale’’.
Pourquoi pas tant que c’est un choix personnel ? Mais beaucoup de ceux qui vivent en France ou ailleurs depuis des lustres ne leur donnent pas le droit de parler en leur nom en leur collant une étiquette qui sied à des egos démesurés. Qu’ils lâchent les baskets de ceux qui veulent rester fidèles à l’histoire et de leurs parents et de leur pays. Est-ce une honte d’avoir une ‘’nationalité émigré’’ ? (titre d’un film d’un Mauritien à l’époque où les émigrés se faisaient tirer dans les rues comme des lapins) Les ‘’inventeurs’’ ou les utilisateurs du mot diaspora, qu’ils se parent de ce ‘’costume moderne’’ ! Grand bien leur fasse s’ils veulent signifier qu’ils ne ressemblent pas à ces parias qui peuplaient hier les usines et les chantiers de France. Grand bien leur fasse, encore et encore s’ils préfèrent être de jeunes loups qui veulent faire leurs preuves dans de startup et autres métiers des cols blancs.
Quant à ‘’freeAlgéria’’, je veux rappeler qu’il a existé une radio qui s’appelait ‘’free Europe’’, financée par qui… par la CIA. Cette radio a disparu une fois que l’Oncle Sam n’avait plus besoin d’autochtones pour l’aider à diffuser sa ‘’littérature’’ pour affaiblir leur rival durant la guerre froide. Liberté j’écris ton nom (poème du poète Eluard), a plus de sens, de poids, d’histoire que le mot ‘’free’’ apparu au 19e siècle dans la langue anglaise. Liberté a pour symbole depuis l’antiquité la révolte de Spartacus rendant leur liberté à des hommes subissant l’esclavage des légions romaines. Le mot free ‘’régule’’ un commerce qui a horreur des contraintes pour mieux remplir sa bourse, sa besace, sa poche. Free-taxe dans les aéroports (achat sans payer de taxe) travail en free-lance qui s’est généralisé (le gugusse est libre certes mais pas de retraites, ni chômage etc)
Comme la langue de Shakespeare a aussi le mot liberté dans sa besace, on peut tout aussi bien dire Liberty-Algeria, Houriya-Djazaïr, Liberté-Algérie etc… Il vaut mieux énoncer clairement le lieu d’où l’on parle pour se faire comprendre aussi bien par ses amis que ses ennemis. Et comme le mot Liberté veut dire la même chose sous toutes les latitudes Ça évitera de fâcheuses ambiguïtés
Ali Akika.
(1)Quand on demande à google de traduire free-algérie, ça donne gratuit Algérie.