L’histoire de la révolution algérienne, censée être un bien commun sacré, se voit aujourd’hui parasitée par un discours politique qui tente d’en détourner le sens.
Le courant arabo-islamiste, qu’il soit apparenté à la mouvance frériste ou à la « badissia-novembria », mène une véritable opération de piraterie mémorielle: un hold-up historique destiné à s’approprier des légitimités révolutionnaires qu’il n’a jamais possédées.
Quand l’islamisme se déguise en héritier de Novembre
Dernier exemple en date : Abderrazak Makri, ancien président du MSP, qui se présente comme le gardien jaloux de l’esprit du 1er Novembre. Selon lui, la proclamation de 1954 serait une charte « éternelle » qui fixe une identité arabo-islamique intangible, tandis que le Congrès de la Soummam de 1956 ne serait qu’une étape administrative secondaire. Derrière ce discours, une logique limpide : effacer la modernité politique de la Soummam pour sanctifier une lecture idéologique de Novembre. Ancrer l’Algérie dans une sphère géopolitique fabriquée de toutes pièces, une construction illusoire qui, avec le recul, s’est révélée stérile et contre-productive pour les peuples contraints d’y appartenir.
Cette vision n’a rien d’innocent. Elle procède d’une stratégie bien connue : la « stratégie du coucou ». Comme l’oiseau parasite qui pond ses œufs dans le nid des autres, les islamistes veulent éclore dans le berceau de la révolution en se réclamant d’un héritage qu’ils n’ont jamais forgé par les armes ni par le maquis. Leur contribution historique à la lutte de libération fut inexistante, mais ils se présentent aujourd’hui comme les exégètes exclusifs des textes fondateurs.
La Soummam, l’héritage insupportable pour les islamistes
En réalité, ce que les islamistes — et plus largement les partisans de toutes les idéologies qui s’y apparentent — n’ont jamais pardonné à Abane Ramdane, à Larbi Ben M’hidi et aux congressistes réunis, le 20aout 1956, à Ifri Ouzellaguen, c’est d’avoir donné à la révolution algérienne un caractère séculier et moderne. La Soummam a su préserver la lutte de libération de l’intrusion de la religion dans le champ politique, en maintenant celle-ci dans sa sphère naturelle : l’espace intime et individuel.
La plate-forme du Congrès de la Soummam (août 1956) constitue, à ce titre, un texte fondateur de la Révolution. Elle a fixé des principes clairs et sans ambiguïté, qui se dressent en contrepoint des prétentions actuelles des courants islamistes à réécrire l’histoire.
Le texte adopté par les dirigeants de la révolution réunis sur les contreforts de la vallée de la Soummam énonce avec une clarté aveuglante pour ceux qui refusent encore d’y croire que l’objectif de la Révolution est l’édification d’un État moderne sous la forme d’une république démocratique et sociale. Cette orientation exclut explicitement toute perspective de théocratie ou de restauration monarchique.
Le texte consacré la primauté du politique sur le militaire: La Soummam établit un principe essentiel : le politique commande au militaire. Ce choix visait à protéger la Révolution d’une dérive autoritariste et à assurer la prééminence de la direction civile sur l’ALN.
Le document paraphé par les congressistes insiste sur l’union nationale sans sectarisme. En effet, le texte affirme que la libération doit être l’œuvre de tous les Algériens, sans distinction de croyance ou d’origine, et non le monopole d’une fraction du peuple. La lutte est définie comme une guerre nationale, jamais comme une guerre religieuse.
En somme, la Soummam a fourni à la Révolution une légitimité et une cohérence politique en la dotant d’un programme clair et rationnel. Elle a rejeté la tentation théocratique et les ambitions personnelles pour affirmer les bases d’un État moderne, rationnel et laïc.
C’est précisément ce legs que les islamistes– de même que les tenants du nationalisme virulent au pouvoir depuis 1962– tentent aujourd’hui de minimiser, voire d’effacer, car il contredit frontalement leur prétention à se poser en héritiers naturels de Novembre.
Un révisionnisme masqué en fidélité
Le procédé est d’autant plus pernicieux qu’il se pare des habits de la fidélité patriotique. En brandissant le 1er Novembre comme un texte sacré, Makri et ses pairs évitent soigneusement de rappeler que le Congrès de la Soummam fut le moment décisif où la révolution s’est structurée, où la primauté de l’intérieur sur l’extérieur a été affirmée, et où l’indépendance de la décision algérienne a été consacrée.
À l’inverse, les islamistes actuels prétendent que cette séquence n’aurait été qu’un détail, un « accident administratif » dans une guerre pourtant marquée par des choix politiques cruciaux. C’est une lecture tronquée, biaisée, une réécriture pure et simple de l’histoire à des fins idéologiques.
Les ripostes et le rappel des faits
Face à ces tentatives, d’autres voix rappellent la vérité. Elles accusent Makri de nostalgie ottomane et soulignent que c’est bien la Soummam qui a sauvé la révolution de la dispersion. Le chercheur Mahrez Bouiche de l’université de Bejaia rappelle, lui, que Novembre et la Soummam sont deux textes complémentaires, deux pierres angulaires du même édifice. Le journaliste Mohamed Iouanoughane dénonce pour sa part un « mal pernicieux » qui consiste à opposer artificiellement les deux moments pour satisfaire des calculs partisans.
La stratégie du coucou : un détournement de mémoire
Au fond, ce qui se joue ici n’est pas un débat d’historiens, mais une opération politique : s’accaparer les textes fondateurs de la révolution pour légitimer un projet idéologique d’aujourd’hui.
Les islamistes, absents du champ de bataille de 1954-1962, se projettent dans la révolution comme des héritiers naturels alors qu’ils n’en furent que des spectateurs lointains.
Cette stratégie du coucou est claire : occuper le nid glorieux de Novembre, y effacer les empreintes des véritables bâtisseurs, et faire éclore une lecture révisionniste qui sert leur agenda présent. C’est une falsification, un parasitage, et surtout une trahison envers la mémoire de ceux qui, eux, ont combattu et payé le prix du sang.
Samia Naït Iqbal
On ne peut pas dire que durant la guerre, le FLN n’a pas utilisé l’austérité islamique et ses interdits pour mieux dominer la population : il était interdit de fumer, chiker, jouer au domino et écouter la radio,…
Nombreux sont les choufs qui étaient là pour balancer, on ne compte pas le nombre de nez coupés et les oreilles tranchées au nom du sympathique FLN !