Toute sa vie durant, Hocine Benmedakhene défiait la mort et revendiquait une liberté totale et une recherche d’absolu qui le conduisait dans des excès.
Hocine Benmedakhene fut un universaliste, un homme politique cultivé, féru d’histoire. Il était un lecteur assidu de Yacine Kateb, Amin Malouf, W. Faulkner, F. Dostoïevski, K. Marx, A. Gramsci, et tant d’autres. Il fut également un mélomane impénitent et aimait particulièrement J. Brel, Georges Moustaki, Oum Kalthoum, Lounis Ait Menguellet, J. Lennon, E. Piaf, W. Mozart, Cherif Kheddam et le Groupe Raina Rai. Il considérait que la santé morale de la société nationale dépend pour une bonne part de l’état des lettres et des arts.
Il avait immanquablement l’amour de la littérature, de l’art et le respect du talent. La littérature, selon lui, doit refléter la naissance d’un monde nouveau, en même temps, elle doit participer activement à son devenir en formant l’homme du monde contemporain. Par là même, elle doit correctement choisir sa place et son rôle dans l’œuvre commune du peuple universel.
Selon Hocine, la littérature idéologiquement engagée et hautement artistique et populaire, éduque les citoyens et forme les âmes fortes pour être capables de porter le fardeau de leur temps.
Hocine Benmedakhane a une grande facilité verbale à improviser poétiquement sur des maximes. Il considérait la poésie comme un refuge de l’âme en détresse, du militant angoissé par le devenir de son pays et le rempart d’une société assiégée par la régression politique et la misère intellectuelle.
Très jeune, il s’était engagé dans la vie politique partisane en intégrant les rangs du Parti d’avant-garde socialiste (PAGS) dans sa ville natale : Annaba. A l’âge de 33 ans, il était élu membre du comité central du parti, devenant, ainsi, le plus jeune cadre permanent dans l’histoire du PAGS. En côtoyant particulièrement les ténors du PCA, il s’abreuvait de la littérature rouge pour formuler, au fil des années, les tâches fondamentales du PAGS qui se guidait avec conséquence du marxisme-léninisme, théorie véritablement scientifique du développement social et qui exprimait les intérêts radicaux des travailleurs et les idéaux de la justice sociale.
L’intelligence de Hocine était de sentir son temps, le pouls de la vie, de toujours rester au cœur des masses populaires. Et chaque fois que des tâches nouvelles se posaient au parti, il a su trouver les moyens de les accomplir, en se montrant capable d’être à la hauteur de sa responsabilité historique pour les destinées du pays et pour la cause du socialisme et du communisme. En effet, il était outillé théoriquement et politiquement pour accomplir avec succès les tâches nouvelles de notre temps.
Il ne cessait d’évoquer l’un des enseignements de Lénine : « On ne saurait être un dirigeant idéologique sans se livrer au travail théorique…, de même qu’on saurait l’être sans diriger ce travail selon les nécessités de la cause, sans propager les résultats de cette théorie ».
Dans son esprit, la vie politique n’est pas chose simple, elle réclame du tact, de la compréhension et de l’écoute. Il insistait en effet, sur la nécessité de développer la critique et l’autocritique, de renforcer la lutte contre le triomphalisme. L’expérience humaine nous montre que là où la critique et l’autocritique s’éteignent, où l’analyse politico-économique de la situation réelle est supplantée par des discours sur le succès, toute l’activité du politique est déformée et s’installe un climat de quiétude, de permissivité et d’impunité aboutissant aux plus graves conséquences.
Aujourd’hui encore, dans la classe politique nationale et ailleurs, il se trouve de nombreux responsables et militants politiques qui prennent mal les observations à leurs endroit et vont même jusqu’à persécuter les personnes ayant exprimé une opinion critique.
L’enfant d’Annaba considérait l’analyse des problèmes de rapports entre les classes et les groupes sociaux est d’une importance vitale pour un parti marxiste-léniniste. Dans la mesure où sa politique tient minutieusement compte de la convergence de leurs intérêts et de leur spécificité, pour lui, le PAGS assurait une solide unité de la société et menait à bien les tâches les plus importantes et ardues de celle-ci. Un rôle d’avant-garde était dévolu à la classe ouvrière dans la société algérienne. Grâce à la position qu’elle occupait dans le système de la production socialiste, à son expérience politique, à son haut degré de conscience et d’organisation, à son activité laborieuse et politique, la classe ouvrière cimentait notre société, jouait un rôle moteur dans le perfectionnement du socialisme et dans l’édification du communisme.
Le souci constant pour lui, était de renforcer l’alliance de la classe ouvrière, de la paysannerie et de l’intelligentsia. C’est précisément cela qui déterminait les possibilités de concentrer les forces en vue d’une solution accélérée des problèmes économiques et sociaux du peuple algérien. Hocine estime que l’un des objectifs majeurs du PAGS a proprement parlé était d’accomplir les tâches d’accélération du progrès socio-économique du pays. Pour lui, promouvoir le monde de vie socialiste, c’est forger un maximum de possibilités pour affirmer l’esprit collectiviste, souder la société et accroitre l’activité de l’individu.
Il incitait à l’utilisation la plus efficace de toutes les formes de démocraties directe et de participation directe des masses populaires à l’élaboration et l’adoption. Il militait à améliorer d’une manière cardinale le mécanisme qui permettrait de convertir les principes et normes démocratiques inscrits dans la loi en pratique du travail quotidien en élargissant pas à pas le cercle des problèmes qui donnaient lieu à des décisions définitives de la part du collectif de travailleurs, accentuer le rôle des assemblés d’ouvriers et d’employés et la responsabilité pour l’application de leurs décisions.
La disparition du PAGS a été vécue par Hocine et par d’autres camarades comme étant le plus grand drame politique de l’Algérie d’après-guerre en privant, ainsi, le pays d’un énorme potentiel politique et économique dans une conjoncture internationale qui favorisait la montée fulgurante du capitalisme.
Hocine continuait malgré tout à éclairer l’opinion nationale par ses pertinentes analyses politico-économiques parues dans les colonnes de la presse nationale francophone. Faisant la lecture politique du Hirak, il le considérait comme une rupture dialectique par rapport à la classe politique de l’Algérie postindépendance et par voie de conséquence, son ralliement, à divers degrés à la dynamique de février 2019 ne la dédouane pas de son attitude réformiste et participationniste.
Le mois passé, en échangeant longuement avec lui, il m’avait fait part d’un projet d’une contribution géopolitique ayant trait à la guerre en Ukraine et sur l’organisation des BRICS, qu’il considérait à juste titre comme les éléments structurants qui prélude l’avènement d’un monde multipolaire.
Il était persuadé que l’évolution nationale et internationale confirme aujourd’hui la justesse des positions et la pertinence des analyses du PAGS sur les choix économiques et les approches géopolitiques. Il m’avait, enfin promis de me soumettre la lecture de son analyse avant sa publication.
Hocine Benmedakhane a donné personnellement l’exemple de ses convictions qui était capable de pensée théorique et analytique qui savait écouter et parler aux citoyens. Il est parti sans livrer sa pensée politique sur les mutations internationales !
Mustapha Hadni