22 novembre 2024
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Il est temps que le tabou de l’homosexualité en Algérie disparaisse

Tribune

Il est temps que le tabou de l’homosexualité en Algérie disparaisse

Je ne le suis pas mais tout républicain et humaniste doit s’inquiéter du chaudron explosif qui a mené l’Algérie vers le gouffre de l’innommable et qui lui barre toute route de progression à venir. L’homosexualité ne peut être ignorée, c’est une réalité incontournable, c’est un droit qui doit être positivé et non nourrir une catastrophe humaine.

Mon éphémère compte Facebook d’une année seulement m’a montré à quel point le mal était profond, l’hypocrisie intenable et le danger inquiétant.

En quarante trois ans de résidence en France, je n’ai jamais été approché, tout au moins avec insistance, pour une proposition clairement homosexuelle. Il m’a suffi de douze petits mois sur Facebook pour être envahi de propositions d’Algériens sur Messenger, des plus suggestives.

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Je ne sais pas où vous les cachez en Algérie mais c’est une armée gigantesque qui vit recouverte d’une chape de plomb, politique et morale. Messenger a le pouvoir de les faire sortir de l’ombre, c’est là le pouvoir bien reconnaissable et éternel de l’anonymat et des zones « hors contrôle ».

Les personnes sont de toutes conditions sociales si on examine leur profil et leur niveau d’expression. Ils sont de toutes régions et, surtout, de tout âge.

Cela ne me cause aucune perturbation si ce n’est que je suis violemment en colère envers cette société de tartuffes qui camoufle ses orientations sexuelles d’une manière qui est détestable et dangereuse.

Kamal Daoud a bien raison de reprendre notre cri de désespoir des années soixante-dix, soit d’accuser les pays arabo-musulmans de blocage sexuel, à une dimension gigantesque. Nous n’avions pas pu l’exprimer avec la terrible sécurité militaire qui était notre environnement à cette époque, il est bien qu’il ait profité de sa notoriété pour l’exprimer médiatiquement.

C’est un très grave problème que l’Algérie doit résoudre pour enfin se projeter vers l’avenir en détruisant tous les démons qui l’ont enchaînée dans un processus historique sanglant, sans avenir et destructif de toute énergie progressiste.

Cette question de l’homosexualité, tabou parmi les plus gros tabous, doit exploser, laisser l’air pur entrer dans les cœurs et les éducations, construire une société détachée de toute hypocrisie.

Que les homosexuels algériens vivent leur vie dans la liberté de leurs choix, qu’ils soient heureux et construisent un avenir radieux avec la jeunesse algérienne qui ne demande qu’à vivre une modernité  acquise depuis longtemps par de nombreuses nations dans le monde.

L’homosexualité n’est pas un choix mais une nature humaine, tous les Ayatollahs et les tartuffes du monde n’y pourront rien. Les homosexuels ont été chassés, torturés et assassinés, rien n’y a fait et rien n’y fera jamais quelles que soient l’absurdité et la force des menaces et des brimades.

Nous avons côtoyé les homosexuels « camouflés » avec des enseignants, des membres de la famille, des voisins, des religieux et de toute sorte d’origine. Il est malheureux et dangereux que cela continue et continue encore, dans un silence et un déni intolérable, aux conséquences dont on ne peut calculer l’immensité des dégâts.

Les homosexuels, incapables de vivre leur vie librement, se camouflent et prennent des chemins détournés pour parvenir à satisfaire leur pulsion. Sur Messenger, malgré mes blocages répétés, c’est comme une horde d’assoiffés qui s’abat sur toute fenêtre de liberté, toute porte d’expression qui leur est ouverte. Avant le blocage, je leur transmettais toujours un petit mot « n’avancez pas masqués, vivez votre liberté dans la lumière ».

Cela doit cesser, ils doivent pouvoir se libérer d’un poids considérable et rejoindre les pratiques d’une société ouverte et libre sans devoir s’adonner à des tentatives qui ne peuvent qu’engendrer agacement et condamnation.

Ils doivent avoir le droit de l’exprimer, de mettre en conformité leur vie sociale avec ce qu’ils sont. Ils doivent pouvoir se rencontrer dans des associations, s’habiller comme ils le désirent et prendre des postures qui ne les obligent pas à renier ce qu’ils sont profondément.

S’ils sont heureux, la société sera apaisée et l’Algérie se débarrassera définitivement d’un poids qui la ronge. Comme elle doit d’ailleurs, dans le même ordre d’idée, se débarrasser du poids terrible du fantasme de la femme par des hommes brimés et frustrés, totalement engoncés dans des valeurs sociales et spirituelles d’un autre âge.

Les critiques à l’égard des démocrates et humanistes qui s’expriment sur cette affaire sont toujours les mêmes, « Vous voulez mettre le désordre et la perversion dans la société qui a besoin de valeurs et de règles strictes ». C’est une accusation absurde et absolument pas fondée.

Moi, je suis pour une sévérité républicaine des plus élevées. Contrairement aux hypocrites, j’oppose la loi républicaine qui est beaucoup plus sévère que la société qu’ils sont en train de construire. Il n’y a jamais eu autant d’agressions et de crimes sexuels dans cette société moraliste qu’ils ont forgée depuis mon départ de ce pays qui m’a vu naître.

Le sordide côtoie l’immonde, comme l’inceste, la pédophilie, l’enlèvement et les harcèlements de tous genres. Ils ne sont pas du projet qui est le notre. Et si c’est cela la moralité, je la combats car elle a toujours été néfaste et le sera toujours.

Nos compatriotes homosexuels ne sont pas libres d’enfreindre les règles de droit qui font consensus pour créer une barrière entre la liberté et les interdits. Il n’est pas utile d’introduire de la morale dans le droit pénal, il suffit à lui-même. La limite, c’est le harcèlement, le viol, la pédophilie et la pornographie dans des lieux, à des moments et auprès d’un public fragile à protéger.

En revanche, j’ai le plus grand mépris envers ceux qui se drapent le jour avec un habit de morale, souvent religieux, et s’adonnent dans la pénombre de leur bureau, face à l’ordinateur, à des libertés totalement contraires avec leur posture qu’ils présentent au public et qu’ils jettent à la figure de ceux qu’ils n’hésitent pas à accuser de « mécréants ».

Tout le reste n’est pas du droit, certainement pas de la morale, mais une très dangereuse carapace qui mène les sociétés vers le gouffre. Il est temps que l’Algérie en sorte car il a été creusé très profondément.

Je ne suis pas homosexuel, cela ne me donne aucun droit à bafouer la liberté de ceux qui le sont, hommes ou femmes. D’autant que cela n’a jamais enlevé la moindre parcelle à mes droits et à ma liberté.

Un internaute m’avait dit « Vous en parlez tellement souvent que c’est louche ». Cela fait trente ans que je défends les femmes dans des articles, je ne lui assurément pas. Cela fait autant de temps que je défends la liberté de mes compatriotes berbérophones, je ne parle pas un mot berbère. Mais est-ce la condition pour revendiquer la proximité avec ses frères compatriotes ?

Je défends le droit des animaux, m’accuserait-on d’en être un ? Ou alors, un panda, cela me conviendrait.

Auteur
Boumediene Sid Lakhdar, enseignant

 




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