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Il n’y a pas de sous-culture, mais des cultures diverses

 

 

 

La culture ne devrait jamais être un élément de domination et de suprématie, mais un facteur hégémonique de diffusion des idées. Folkloriser une culture, c’est lui ôter son aspect productif et la rendre un décor ou un ornement, sans contenu substantiel.

C’est le cas de le dire quand on analyse le rapport des sociétés dominantes (occidentales dans l’ensemble), vis-à-vis des sociétés dominées (c’est-à-dire les sociétés de la rive sud de la planète, afro-asiatiques, latino-américaines, aborigènes de l’Australie, etc).

Ce rapport est construit sur la notion de la « domination » : domination militaire, technologique, scientifique, et malheureusement « culturelle ». L’autre (le dominé), n’est là que pour servir d’épouvantail exotique, un être bizarre dont on essaie de découvrir, avec condescendance, les rites, les us et les coutumes, un moins-que-rien, qui va nous servir de « cobaye » dans le laboratoire culturel. En sociologie, on appelle cela « clochardiser une culture ».

Autrement dit, lui couper les racines et les ailes (à cette culture-là), la rapetisser au regard de la science, lui donner un statut « infraculturel » qui la dévalorise aux yeux de la communauté savante. Le standard, c’est le dominateur/dominant, la copie non conforme à l’original, c’est le dominé.

En conséquence, tout ce qui vient de ce dominé n’est pas digne d’intérêt scientifique, si ce n’est que pour être « une curiosité scientifique », « un élément banal dans l’histoire », « un amusement touristique pour la foule », »un épiphénomène » comme on dit en philosophie.

Les Africains pour ces gens-là, c’est-à-dire les dominants sont hors de l’histoire, les Asiatiques, hors de l’histoire, les latinos, pareil, etc,. Or, toutes les cultures sont vivantes, intéressantes et importantes.

La culture africaine par exemple, est d’une telle vitalité qu’elle doit susciter l’intérêt. Les danses saisonnières, le rapport charnel au climat, les contes, la tradition orale, l’héritage de la sagesse populaire, la relation spirituelle avec la mort, la métaphysique de la vie dans l’au-delà, etc, sont assez présentes dans la vie africaine et aident à mieux comprendre le monde que n’importe outil technologique.

Beaucoup de ces choses-là n’existent pas dans la société occidentale, citadinisée, urbanisée, développée, rompue à l’exercice de l’écriture, du moins depuis la civilisation grecque, et de façon continue, avec l’émergence des Empires expansionnistes comme (Les Romains, Byzantins, Portugais, Espagnols, Anglais, Français, Américains, etc).

Donc, il y a coupure entre le dominant et le dominé, non seulement au niveau du statut, mais aussi au niveau de leur regard vers le monde. Un regard qui, malheureusement, avec le développement, la mondialisation, la technologie, a créé chez les dominés un rare « sentiment d’infériorité culturelle. »

Une maladie « psychique » incurable avec des symptômes endémiques qui s’enfoncent dans l’esprit et la conscience du dominé, avec le pullulement inquiétant des stéréotypes, du genre : « un Arabe ne peut jamais fabriquer un avion! », « Un Sénégalais ne peut pas être prix Nobel! » « Une machine fabriquée par un Indien ne peut égaler celle fabriquée par un Allemand! », « un Turc ne peut avoir une tête de génie américain! » « un Mexicain est fainéant par nature, et ne saurait être autrement », « Mohamed parle anglais, donc, c’est un crack, Kamel parle Kabyle, c’est un zéro », etc.

Pourquoi ? Parce que le patrimoine immatériel (le conte, la sagesse populaire, les traditions, etc), tend à disparaître à la faveur du patrimoine matériel, (la technologie, le numérique, et le savoir matérialisé). Parce que les sociétés dominées ne valorisent pas ce qu’elles ont : la solidarité, l’amour, la fraternité, le sens du partage, l’oralité, le conte, la sagesse populaire, la transmission générationnelle des valeurs ancestrales, etc ».

C’est tout ce vide, malheureusement non comblé, qui provoque le chaos et l’effondrement des sociétés dominées à tous les niveaux.

Kamal Guerroua

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