28 mars 2024
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Il n’y a pas de sous-culture, mais des cultures diverses

 

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La culture ne devrait jamais être un élément de domination et de suprématie, mais un facteur hégémonique de diffusion des idées. Folkloriser une culture, c’est lui ôter son aspect productif et la rendre un décor ou un ornement, sans contenu substantiel.

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C’est le cas de le dire quand on analyse le rapport des sociétés dominantes (occidentales dans l’ensemble), vis-à-vis des sociétés dominées (c’est-à-dire les sociétés de la rive sud de la planète, afro-asiatiques, latino-américaines, aborigènes de l’Australie, etc).

Ce rapport est construit sur la notion de la « domination » : domination militaire, technologique, scientifique, et malheureusement « culturelle ». L’autre (le dominé), n’est là que pour servir d’épouvantail exotique, un être bizarre dont on essaie de découvrir, avec condescendance, les rites, les us et les coutumes, un moins-que-rien, qui va nous servir de « cobaye » dans le laboratoire culturel. En sociologie, on appelle cela « clochardiser une culture ».

Autrement dit, lui couper les racines et les ailes (à cette culture-là), la rapetisser au regard de la science, lui donner un statut « infraculturel » qui la dévalorise aux yeux de la communauté savante. Le standard, c’est le dominateur/dominant, la copie non conforme à l’original, c’est le dominé.

En conséquence, tout ce qui vient de ce dominé n’est pas digne d’intérêt scientifique, si ce n’est que pour être « une curiosité scientifique », « un élément banal dans l’histoire », « un amusement touristique pour la foule », »un épiphénomène » comme on dit en philosophie.

Les Africains pour ces gens-là, c’est-à-dire les dominants sont hors de l’histoire, les Asiatiques, hors de l’histoire, les latinos, pareil, etc,. Or, toutes les cultures sont vivantes, intéressantes et importantes.

La culture africaine par exemple, est d’une telle vitalité qu’elle doit susciter l’intérêt. Les danses saisonnières, le rapport charnel au climat, les contes, la tradition orale, l’héritage de la sagesse populaire, la relation spirituelle avec la mort, la métaphysique de la vie dans l’au-delà, etc, sont assez présentes dans la vie africaine et aident à mieux comprendre le monde que n’importe outil technologique.

Beaucoup de ces choses-là n’existent pas dans la société occidentale, citadinisée, urbanisée, développée, rompue à l’exercice de l’écriture, du moins depuis la civilisation grecque, et de façon continue, avec l’émergence des Empires expansionnistes comme (Les Romains, Byzantins, Portugais, Espagnols, Anglais, Français, Américains, etc).

Donc, il y a coupure entre le dominant et le dominé, non seulement au niveau du statut, mais aussi au niveau de leur regard vers le monde. Un regard qui, malheureusement, avec le développement, la mondialisation, la technologie, a créé chez les dominés un rare « sentiment d’infériorité culturelle. »

Une maladie « psychique » incurable avec des symptômes endémiques qui s’enfoncent dans l’esprit et la conscience du dominé, avec le pullulement inquiétant des stéréotypes, du genre : « un Arabe ne peut jamais fabriquer un avion! », « Un Sénégalais ne peut pas être prix Nobel! » « Une machine fabriquée par un Indien ne peut égaler celle fabriquée par un Allemand! », « un Turc ne peut avoir une tête de génie américain! » « un Mexicain est fainéant par nature, et ne saurait être autrement », « Mohamed parle anglais, donc, c’est un crack, Kamel parle Kabyle, c’est un zéro », etc.

Pourquoi ? Parce que le patrimoine immatériel (le conte, la sagesse populaire, les traditions, etc), tend à disparaître à la faveur du patrimoine matériel, (la technologie, le numérique, et le savoir matérialisé). Parce que les sociétés dominées ne valorisent pas ce qu’elles ont : la solidarité, l’amour, la fraternité, le sens du partage, l’oralité, le conte, la sagesse populaire, la transmission générationnelle des valeurs ancestrales, etc ».

C’est tout ce vide, malheureusement non comblé, qui provoque le chaos et l’effondrement des sociétés dominées à tous les niveaux.

Kamal Guerroua

3 Commentaires

  1. Marx et Engels ont résumé ça en une petite phrase: L’idéologie de la classe dominante est l’idéologie dominante [dans la société.] Ils parlaient des rapports de classe, mais cette vérité se transpose aux rapports entre pays. Le plus fort économiquement impose sa culture aux plus faibles. Le plus fort décide ce qui est bon, beau, juste, raffiné, important, etc.
    Un petit exemple: Jusque vers la deuxième guerre mondiale, la langue française était la plus prestigieuse au monde. En Amérique, elle était considérée comme belle, raffinée, précise. Parler français en Amérique était un signe de culture, de distinction, de raffinement. En pays francophone même, le raffinement et une belle tournure de phrase étaient recherchés. En témoignent les différentes façons d’entamer une lettre et les salutations finales: Il faut prendre de véritables cours pour apprendre comment s’adresser à une personne selon les rapports hierarchiques ou professionnels qu’on a avec elle. Nous connaissons tous le fameux « J’ai l’honneur de vous adresser – bla bla bla… » et « Veuillez agréer mes sentiments – bla bla bla… » Ce serait maladroit et un signe d’ignorance de s’adresser à une personne en utilisant la mauvaise formule.
    Rien de tout ça de l’autre côté de l’Atlantique. Quelle que soit celui ou celle à qui vous vous adressez, un seul (au choix) “Dear Sir” ou “Dear Madam” et si on ne connait pas le sexe de la personne, “Dear Sir or Madam” tout simplement, et pour toute salutation finale, un seul mot suffit presque toujours: “Sincerely” ou bien “Thank you”, que ce soit de la part d’un sénateur au président ou d’un demandeur d’emploi à l’employeur.
    La différence est toute là : Il y a 75 ans et plus, du temps de la splendeur (coloniale, disons-le) de la France, le raffinement était ce qui comptait le plus. La langue française (du niveau soutenu, bien sûr) était donc considérée comme belle et raffinée, et elle était prestigieuse. Aujourd’hui, les USA règnent sur la terre, résultat: ce n’est plus le raffinement ou la beauté qui comptent, c’est la simplicité, la précision et la concision. Ce qui était prestigieux avant est devenu ridicule aujourd’hui. Alors que la culture et la langue françaises jouissaient d’un grand prestige, aujourd’hui on les trouve ridicules aux USA. Tout ça est arrivé depuis la 2ème guerre mondiale parce que les USA sont devenus les nouveaux maîtres du monde.
    Pour paraphraser Marx, Engels et La Fontaine, on peut dire que la culture du plus fort est toujours la meilleure.

  2. Vous avez tout dit , je ne saurais que vous répéter, sinon que le rapport entre culture dominante et culture dominée ne concerne par seulement l’Occident et L’Afrique mais aussi les cultures nationales . Ce n’est ni le breton ni l’alsacien, ni l’occitan qui ont pris le dessus en France ni même le grec ou le latin , mais une langue académique tout à fait nouvelle qui s’est imposée:la langue française actuelle. De même lorsqu’on parle de culture française , il s’agit plutôt de la culture de la classe dominante, et non des cultures populaires . De fait seules les cultures et les langues françaises se distinguent , les autres cultures européennes n’ont dépassé leurs frontières.

    IL faut aussi distinguer entre langue et culture : ce n’est ni la culture anglaise ou française qui ont dominé le monde pendant leur ère coloniale mais seulement leurs langues.

    Il faut admettre que le mot culture est connoté comme l’est le mot langue. On considère que les peuples sans écriture n’ont pas de culture ni de langue.

    La maitrise de la science et de la technologie y est aussi pour quelque chose . Le Japon et la Corée du Sud ne se sont ni anglicisés ni francisé.

    • Salut, Mister Hend !… A propos du Japon, au 19ème siècle, personne ne connaissait rien du Japon en dehors de ses voisins. Peut-être une poignée de gens intéressés par les jardins japonais ou la peinture japonaise, pas plus. Arrive la fin de la guerre mondiale et l’irruption du Japon dans la sphère économique mondiale – deuxième plus grande économie pendant plusieurs décennies, avant l’émergence de la Chine – et soudain tout le monde connaît le Judo, le Karaté, le Sumo, le Sushi, et surtout le Samouraï. Comme le cowboy (mot péjoratif à l’origine) américain, en réalité un pauvre jeune homme abruti et exploité à mort par son patron, le Samouraï est devenu quelque chose d’admirable dans la perception générale dans quasiment le monde entier, alors qu’en réalité il était un serviteur servile à lextrême, prêt à sacrifier sa vie pour son maître, un vil esclave volontaire, un esclave ayant appris à manier les armes du moment, c’est tout. Rien de valeureux, ni de prestigieux, ni d’admirable. Grâce à leur cinéma et à leur puissance économique, les USA et le Japon ont transformé ce qui était de pauvres bougres ou de vils servants en héros dans la psyché mondiale.

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