Il y a cent trente ans naissait, au village d’Aït- Halli, commune d’Irjen (At Yiraten) Mohand Saïd Lechani, une grande figure pionnière poly-engagée, tour à tour maître pédagogue, publiciste, militant politico-syndical et précurseur de la cause amazighe.
L’occasion d’aborder, une fois n’est pas coutume, sa participation à la naissance difficile du journal Alger Républicain, en 1938, d’obédience socialiste et anticolonialiste pour s’opposer au matraquage des organes de presse coloniaux représentés par L’Echo d’Alger et par La Dépêche Algérienne.
Il avait, déjà, derrière lui vingt-cinq ans de militantisme, lorsqu’il fit la connaissance du jeune Albert Camus (tout juste diplômé de philosophie) qu’il accompagna, avec des camarades comme le père de Sadek Hadjerès dans les At Yiraten, pour faciliter sa série d’enquêtes journalistiques désormais célèbre sur « La misère de Kabylie « . Censuré par la suite, par le régime de Vichy, le quotidien fut repris, après la Seconde Guerre mondiale, par des militants communistes dont Henri Alleg, qui dirigea sa rédaction mêlée de plumes d’origine européenne et algérienne.
Mais comment était perçu Mohand Saïd Lechani en son temps dans les milieux militants et intellectuels de l’époque ?
La réponse se lit dans cet article tiré d’Alger Républicain d’avril, de l’année 1939 :
« En tournée de propagande à Aumale (Aïn Bessam). Jeudi nos bons camarades J.P. Faure administrateur délégué d’Alger Républicain, et Lechani l’ardent et inlassable défenseur de la cause indigène, étaient parmi nous. Ils sont venus rendre visite à leurs amis actionnaires et lecteurs, et ont au cours d’une conférence privée au café Caumas donné des renseignements des plus intéressants sur la marche, la voie, la direction de notre vaillant quotidien (…).
Après leurs exposés clairs et nets (…) l’on se dirigea tous ensemble au restaurant (…). Au moment du dessert, les camarades Faure et Lechani reprirent encore une fois la parole pour remercier tous les amis présents de l’accueil chaleureux et fraternel qui leur a été fait.
Maîtres Tabti et Benhamdine, dans des improvisations à leur honneur, firent acclamer Alger Républicain, le dévoué administrateur J.P. Faure et la forte personnalité des questions musulmanes qu’est Lechani. »
Moqué par les colons en raison de ses faibles moyens (le petit mendiant), ce journal joua un rôle non négligeable dans l’histoire militante de l’Algérie contemporaine.
Pour la postérité, les trois personnalités qui participèrent à l’aventure d‘Alger Républicain sont Abbas Turqui, Mohand Saïd Lechani et Kaddour Makaci.
Pour de plus amples détails bio-bibliographiques sur Lechani voir sa notice dans l’encyclopédie Wikipédia en ligne.
Méziane Lechani
Article très instructif et ça se passait à l’époque coloniale. C’était sans doute pas la vie en rose; mais ça se faisait.
Il est impossible de ne pas faire le parallèle avec le présent. Aujourd’hui, pour des activités nettement bénignes, culturelles, associatives, le ciel vous tombe sur la tête.