Le Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK) a finalement tenu dimanche 14 décembre sa réunion dans une salle parisienne au cours de laquelle, son président, Ferhat Mehenni a proclamé unilatéralement « l’indépendance de la Kabylie ».
Dans une longue déclaration lue en français, Ferhat Mehenni a réitéré 23 points d’histoire qui motivent sa décision « irrévocable » de proclamation de la naissance de la république fédérale de Kabylie.
Extrait de la proclamation
- Considérant que la Kabylie constitue l’une des plus anciennes nations d’Afrique du Nord, attestée par la permanence de son territoire, la vitalité millénaire de sa langue, la solidité de ses institutions démocratiques ancestrales et la continuité ininterrompue de sa conscience nationale ;
- Considérant que la Kabylie ne fut jamais soumise à la Régence d’Alger et que son annexion, en 1857, par la puissance coloniale française, s’opéra sans consentement, sans traité et par la seule contrainte militaire ;
- Considérant que, lors de l’indépendance de l’Algérie en 1962, la Kabylie fut intégrée au nouvel État sans consultation de son peuple, sans acte formel d’adhésion et en violation flagrante du principe du libre consentement des peuples ;
- Considérant que, durant la guerre de Kabylie de 1963-1965, l’Algérie occupa militairement la Kabylie, laquelle résista sous la conduite du Front des Forces Socialistes (FFS) de Hocine Aït Ahmed ;
- Considérant que, depuis 1962, l’État algérien exerce une politique systématique de négation de l’existence du peuple kabyle et de son identité, marginalisant sa langue, réprimant ses organisations politiques, entravant ses formes d’expression et persécutant ses militants pacifiques ;
- Considérant que, depuis l’indépendance de l’Algérie, la Kabylie a été systématiquement exclue des grandes politiques d’aménagement, de développement économique et d’investissements publics stratégiques, entraînant un déficit structurel en infrastructures, en services essentiels et en opportunités économiques, et que cette marginalisation programmée a empêché le territoire Kabyle d’assurer son développement et de répondre aux besoins fondamentaux de sa population ;
- Considérant que le peuple kabyle a opposé une résistance pacifique constante aux assauts destructeurs visant sa dépersonnalisation et la dissolution de ses formes d’organisation et de solidarité, notamment lors des événements d’avril 1980 et 1981, lors de la création de la première Ligue algérienne des droits de l’homme, ainsi qu’à l’occasion du boycott scolaire de 1994-1995 ;
- Considérant que le Printemps noir de 2001 à 2003 fut marqué par des actes de guerre perpétrés par les forces armées et paramilitaires de l’État algérien, causant la mort de plus de 128 jeunes Kabyles et blessant plus de 5 000 autres ; que cette tragédie se déroula dans une totale absence de solidarité nationale algérienne, et qu’au plus fort des événements, le parlement algérien mena un procès politique à charge contre la Kabylie, alors même qu’elle enterrait quotidiennement ses enfants abattus par des armes de guerre et des balles explosives, tentant ainsi de criminaliser une révolte légitime née de l’injustice et du sang versé ;
- Considérant que la Plateforme d’El Kseur, portée par la gigantesque mobilisation de la marche historique de la Kabylie à Alger le 14 juin 2001, a solennellement exprimé l’unité, la dignité et la détermination du peuple kabyle face à l’injustice et à la violence d’État algérien ;
- Considérant que la Déclaration du 5 juin 2001, par laquelle la Kabylie affirma avec force son droit à un destin parallèle à celui de l’Algérie, constitue un acte fondateur exprimant la volonté politique du peuple kabyle de reprendre en main son avenir ;
- Considérant que le Congrès constitutif du Mouvement pour l’Autonomie de la
Kabylie (MAK), tenu le 14 août 2007, ainsi que la présentation officielle du Projet d’Autonomie, ont marqué l’entrée de la revendication kabyle dans une phase structurée, organisée et pleinement assumée sur le plan politique ; - Considérant que la correspondance officielle adressée par le MAK aux plus hautes autorités algériennes pour solliciter un statut de large autonomie pour la Kabylie est demeurée lettre morte, révélant ainsi l’absence totale de volonté de l’État algérien d’engager une solution politique pacifique et de reconnaître les droits nationaux du peuple kabyle ;
- Considérant que l’installation de l’Anavad, Gouvernement Provisoire Kabyle en exil, le 1er juin 2010, a doté la Kabylie d’une représentation politique légitime et durable ;
- Considérant que la résolution du Conseil National du MAK, adoptée en novembre 2013 à At Hamdoun, a officialisé le passage de la revendication d’autonomie à celle de l’autodétermination, conformément au droit des peuples ;
- Considérant que le Mémorandum pour l’autodétermination déposé auprès des Nations Unies en septembre 2017 a internationalisé de manière formelle la demande kabyle et constitué un acte diplomatique majeur en faveur de la reconnaissance du peuple kabyle ;
- Considérant que le boycott électoral total opposé par la Kabylie aux scrutins majeurs de l’Algérie, présidentielles de 2019 et 2024, référendum constitutionnel de 2020 et législatives de 2021, ont constitué autant d’expressions claires, répétées et pacifiques du refus de tutelle de l’État algérien ;
- Considérant que les tragédies successives, 1980, 1981, 2001, les arrestations de
2019 et 2021, les incendies criminels de 2021, les actes de torture, les procès expéditifs et les condamnations arbitraires, traduisent des violations graves, - Considérant que le refus persistant de l’État algérien de tout dialogue politique et de toute consultation populaire sur l’autodétermination rend impossible l’exercice interne du droit du peuple kabyle à disposer de lui-même ;
- Considérant que le droit international consacre explicitement le droit des peuples à l’autodétermination, conformément à la Charte des Nations Unies (articles 1.2 et 55), aux résolutions 1514 (XV) et 2625 (XXV), aux Pactes internationaux de 1966, à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (2007), ainsi qu’à la jurisprudence de la Cour internationale de Justice, notamment l’avis du 22 juillet 2010 relatif au Kosovo affirmant qu’aucune norme internationale n’interdit une déclaration unilatérale d’indépendance ;
- Considérant que l’avis juridique indépendant rendu le 4 septembre 2024 par les cabinets Brick Court Chambers et Twenty Essex Chambers confirme sans ambiguïté que le peuple kabyle est un peuple au sens du droit international et qu’il jouit pleinement du droit humain collectif à l’autodétermination, y compris sous sa forme réparatrice ;
- Considérant que les discriminations structurelles, la négation institutionnalisée, la criminalisation du militantisme kabyle et les menaces existentielles qui pèsent sur la Kabylie rendent juridiquement légitime, moralement nécessaire et politiquement inévitable l’exercice du droit à l’autodétermination par voie de Déclaration d’indépendance ;
- Considérant que la Kabylie, forte d’institutions politiques représentatives, d’une diaspora structurée et d’un projet de Constitution définissant les fondements démocratiques de son futur État, possède l’ensemble des attributs lui permettant d’assumer pleinement sa souveraineté ;
- Considérant enfin que le Congrès du MAK du 19 octobre et la plénière de l’IMNI (Parlement Kabyle) du 24 octobre 2025 ont donné mandat au Président du Gouvernement kabyle en exil, M. Ferhat Mehenni, pour proclamer l’indépendance de la Kabylie au nom du peuple kabyle.
PROCLAMATION OFFICIELLE DE L’INDÉPENDANCE DE LA KABYLIE
Par respect à l’attachement du peuple kabyle à sa liberté et à sa dignité ;
Eu égard à l’ensemble des considérants qui viennent d’être énoncés ;
Fort des mandats qui m’ont été confiés par le Congrès extraordinaire du MAK du 19 octobre 2025 et par la plénière de l’Imni (Parlement kabyle) en date du 24 octobre 2025 ;
En vertu des pouvoirs constitutionnels qui me sont conférés, et dans le respect de la légalité internationale ;
Devant les Hommes, devant l’Histoire et devant les instances internationales, au premier rang desquelles il y a l’Organisation des Nations Unies ; en présence de personnalités politiques, diplomatique, des intellectuels et des médias du monde entier venus témoigner de cet acte fondateur,
Au nom du peuple kabyle,
Au nom du Mouvement pour l’Autodétermination de la Kabylie (MAK) et de l’Anavad (Gouvernement Kabyle en exil,
Moi, Ferhat At Sεid, Mehenni, JE PROCLAME SOLENNELLEMENT L’INDEPENDANCE DE LA KABYLIE.
Cette indépendance prend effet pour l’éternité, à partir de cet instant-même où J’appose mon paraphe sur cette Déclaration ;
Le peuple kabyle récupère dès aujourd’hui, la plénitude de sa souveraineté sur lui-même et sur son territoire ;
L’autorité algérienne sur la Kabylie est désormais étrangère à la Kabylie et sur le peuple kabyle ;
Le rétablissement de l’autorité kabyle sur la Kabylie commence dès aujourd’hui,
Conformément à sa Constitution, la Kabylie est dorénavant une République Fédérale ;
Elle est démocratique et laïque ;
La République Fédérale de Kabylie est la représentation légitime du peuple kabyle chez elle et sur la scène internationale ;
La République Fédérale de Kabylie est ouverte au dialogue avec les autorités algériennes et les instances internationales sur les modalités de transfert des compétences qui lui reviennent de droit, naturellement et légitimement.
Vive la Kabylie libre et indépendante.
Paris, le 14 décembre 2025

