Vendredi 12 février 2021
Industrie industrialisante, fin du pétrole et quoi encore ?
Tout porte à croire que nous sommes en face d’une situation surprenante et inédite. Aucun membre du premier gouvernement légèrement remanié en juin dernier ne croit au programme qu’il a élaboré lui-même dans un climat collégial.
Les deux secteurs clés de l’économie nationale, celui de l’industrie et de l’énergie, le montrent bien à travers leurs sorties médiatiques.
Le premier qui était chargé de redynamiser le secteur industriel en général et celui public en particulier pour un objectif, dès 2021, d’une exportation hors hydrocarbures de 5 milliards de dollars au lieu de 2 actuellement (01).
Ce dernier a tourné cette cible dans sa tête dans tous les sens pour ramener le pays 51 ans en arrière. Combien même, il n’aurait pas tort en s’exprimant dans son « état enfant », les circonstances actuelles le permettraient-elles ? Ainsi Ferhat Ait Ali Brahim prône le retour au processus de « l’industrie industrialisant en vue de relancer l’outil de production national et d’asseoir une stratégie de transformation locale des ressources naturelles, portée notamment par les fleurons du secteur public. »(02)
Est-ce un rêve nostalgique ou une déduction bien réfléchie sur la base de données chiffrés que l’intéressé dispose à ce niveau. ? Il est important de rappeler dans le sillage que son collègue de l’Industrie des années 2000, Hamid Temmar avait fait dans les années 80 un diagnostic quasi-similaire.
En effet, dans une évaluation des perspectives de développement décennal, il soutenait qu’en 1980, tout changement brutal de stratégie de développement entraînerait un gaspillage des ressources humaines formées à l’industrie et signifierait que les sacrifices supportés par la population l’auront été vains. Il est, selon lui préférable de maintenir le modèle de développement choisi. » (03) Lorsqu’il a été chargé de réfléchir sur une stratégie industrielle, il s’est rendu compte selon ses propres termes que l’industrie publique n’était qu’une « quincaillerie rouillée » qu’il faille privatiser si elle trouve preneur.
Dans les faits, les deux piliers sur lesquels se fonde ce processus qui sont selon son initiateur G.D De Bernis : une planification rigoureuse et le retour comportemental du tissu industriel vers l’intérêt général, n’existent plus et il faudrait plusieurs générations pour y remédier. Le second serait sans aucun doute cette pique insidieuce du ministre de l’Energie à son collègue chargé de la prospective auprès du premier ministre qui a jeté un pavé dans la mare en déclarant lors d’une interview à la chaîne 3 que « la situation économique actuelle du pays est si grave que l’Algérie pourrait cesser d’être un exportateur de brut d’ici les dix prochaines années. »
La réponse selon Maghreb Emergent(04) du ministre de l’Energie ne s’est pas faite attendre mais le jeudi 11 février en réponse aux questions des députés de l’Assemblée Populaire Nationale (APN), il a souligné dans le même contexte lit-on que certains médias parlent de la fin du pétrole en Algérie. Il considère pour sa part ces propos comme une « confusion » de la part de certaines « institutions ».
De quelles institutions s’agit-il si ce n’est les déclarations de son collègue Mohamed Cherif Belmihoub, reprises près d’un mois après par ces médias ? Il faut souligner par ailleurs, à toute fin utile, que lors de la séance plénière qui s’est déroulée le 11 février 2021 dont le procès-verbal figure dans le site de l’APN, cette réponse n’a pas été rapportée. En effet, durant cette séance « deux questions ont été posées au ministre de l’Energie. »
Or, elles, n’ont rien à voir avec l’agence d’investissement Bloomberg. En effet, le ministre a répondu à Khalifa Benslimane du Front El Moustakbal « qui voulait savoir pourquoi les autorités n’ont pas répondu favorablement aux demandes de réduction des prix du gaz et de l’électricité en hiver pour certaines villes les plus impactées durant cette saison. »
La deuxième est celle de Houcine Ben Kelala du Front National pour la liberté « autour de la réticence des compagnies relevant du Groupe Sonatrach, quant à la réalisation de certaines structures publiques dont le manque se fait sentir dans la wilaya d’Illizi, notamment celles relatives aux infrastructures et portant essentiellement sur la vie du citoyen, et ce en dépit de l’inscription des projets depuis plus de dix années, le ministre a indiqué que cette responsabilité incombe aux autorités locales et ne relève pas de la compétence de Sonatrach. » (05).
En tous cas, le compte rendu de l’APN, ne dit pas dans quelles circonstances, le ministre de l’énergie a contesté les chiffres de Bloomberg et même considérer ces chiffres comme « loin de la vérité » et le but de leur publication « révèle des intentions malveillantes contre l’Algérie.»
Pourtant, mi-décembre dernier, le même ministre avait accordé un entretien à Bloomberg leur donnant beaucoup plus de chiffres en leur assurant une large diffusion dans son site. Il est donc difficile d’admettre ou tenter de faire admettre qu’une agence réputée une référence en information financière, jouerait avec cette réputation et surtout son fonds de commerce en s’attaquant sous une influence lobbyiste à l’Algérie dans laquelle elle dispose de correspondants depuis déjà quelques années.»(06) Par contre les politiciens ont l’habitude de manier les chiffres et plus ils le font bien, plus ils auront de la considération.
Rabah Reghis
Renvois
(01)-https://www.aps.dz/economie/108729-president-tebboune-augmenter-les-exportations-hors-hydrocarbures-a-5-milliards-uds-d-ici-fin-2021 (02)- https://www.arabnews.fr/node/57156/mosa%C3%AFque (03)- M.E BENISSAD ″ économie de développement : sous – développement et socialisme″ 2éme édition O P U Alger 1982 P.147
(05)-http://www.apn.dz/fr/plus/liens-importants/actualite-institutionnelle/3736-questions