Non-application du plan de redressement promis depuis une année par le holding étatique propriétaire de l’entreprise, aggravation du poids de la dette, retombées désastreuses de l’annulation de l’importation des kits SKD/CKD entrant dans le processus de production… Bref, l’Eniem est dans une mauvaise passe.
L’ENIEM de Tizi-Ouzou est souffrance économique. Elle se débat dans des difficultés qui « mettent en péril jusqu’à son existence », selon l’inquiétant constat établi par le syndicat d’entreprise ENIEM affilié à l’Ugta qui lance un véritable SOS pour le sauvetage de cette entreprise pionnière dans le domaine de l’industrie de l’électroménager en Algérie.
Les centaines de travailleurs de l’Eniem nourrissent l’espoir de voir leur entreprise se redresser et reprendre ses parts dans le marché de l’industrie de l’électroménager ouvert à une concurrence débridée. Cependant, eu égard à la situation, ils doivent déchanter.
Le plan de redressement annoncé, il y a une année, par le holding Elec-El Djazair, qui gère un portefeuille de plusieurs filiales du secteur de l’électro-industrie dont l’ENIEM est toujours au stade de promesses.
La section Ugta de l’entreprise vient de le rappeler dans le communiqué rendu public, dans l’après-midi de mercredi dernier. Le document est un véritable pavé dans la mare agitée d’un secteur industriel gagné par l’indécision et l’absence de vision stratégique pour des entreprises publiques dont la majorité vit toujours au crochet de l’État.
Dans leur compte rendu de l’audience qui leur a été accordée par le vice-président de l’Assemblée populaire nationale (APN), Moundir Boudene, les délégués syndicaux de l’ENIEM, accompagnés par le SG de l’Union wilaya UGTA de Tizi-Ouzou, ont exposé les difficultés que vit actuellement l’ENIEM et qui, est-il précisé, « mettent en péril jusqu’à son existence. »
Devant le vice-P/APN, les représentants des travailleurs ont mis en exergue sur « la situation critique que connaît l’entreprise qui n’arrive même pas à financer son cycle d’exploitation et l’absence de toute perspective d’amélioration ». Ils déplorent « l’énorme retard qu’accuse le projet portant plan de relance et l’aggravation du poids des dettes qui en a résulté ».
En réponse aux interrogations du vice-président de l’APN, notamment « sur les raisons de la situation de déficits à répétition que connaît l’ENIEM », les syndicalistes ont expliqué que « l’entreprise avait pu déjà réaliser des bénéfices (2011 et 2014) et que c’est à partir de 2015 que la situation s’est lourdement dégradée suite à l’échec d’un projet de rénovation de la ligne « Froid » qui a englouti des sommes colossales, et ce, sans nul retour sur investissement ».
Les cadres syndicaux ont tenu à attirer l’attention du parlementaire sur « les répercussions désastreuses qu’a eu la décision d’arrêt de l’importation sous forme CKD/SKD, et ce, à la faveur de la promulgation du décret 20-313 portant sur les conditions et modalités d’accès au régime fiscal préférentiel ». Et d’expliquer : « En fait, les taux d’intégration fixés par le cahier des charges dudit décret s’avéreront en deçà des moyens et du savoir-faire technologique en présence dans la majorité des entreprises industrielles ».
Les syndicalistes ont insisté sur « la nécessité de geler le décret en question pour une période d’au moins deux années aux fins de permettre aux différentes entreprises, à l’instar de l’ENIEM, de s’y conformer ». Le communiqué précise : « Le vice-président de l’APN a rassuré la délégation quant à « sa disponibilité et son engagement pour aider l’entreprise à sortir de la crise actuelle et à l’accompagner dans son décollage économique. Il a promis de s’impliquer énergiquement dans la recherche de solutions pour redonner vie à cette entreprise qui constitue un symbole national. »
Crise financière chronique et instabilité managériale
En butte à des difficultés structurelles et financières qui ont nécessité l’intervention des pouvoirs publics pour éviter sa liquidation pure et simple, l’ENIEM a connu des changements fréquents au niveau de son appareil managérial.
Depuis 2018, ce sont pas moins de trois PDG qui se sont succédé à sa tête. Le dernier en date est Ahmed Laouni, nommé début décembre 2021 à la tête de l’entreprise, en remplacement de Mustapha Chaoui, démissionnaire. Cadre du groupe Elec El Djazaïr, Mustapha Chaoui a remplacé au pied levé, Mouazer démis de ses fonctions en janvier 2021, suite à une grève des travailleurs qui voulaient dénoncer l’absence de solutions aux problèmes financiers dans lesquels se débattait l’entreprise. Une situation difficile qui a nécessité l’intervention, à plusieurs reprises, des pouvoirs publics pour le sauvetage de l’entreprise.
En 2020, elle a connu à deux reprises une période de chômage technique, en janvier et décembre, nécessitant l’intervention des pouvoirs publics, à travers l’injection de crédits bancaires pour le paiement de la matière première importée et en souffrance au niveau des entrepôts de la douane pour défaut de paiement et la prise en charge des salaires des travailleurs et du fonctionnement de l’entreprise. Cela, en attendant la mise en place du plan de redressement et de modernisation promis.
Un plan de redressement à l’état d’annonce
Malgré son approbation par le Groupe ( Elec El Djazair) et la tutelle ( le ministère de l’industrie et des mines), le dossier portant plan de redressement de l’Eniem est inscrit a l’ordre du jour du CPE qui devait plancher sur le sujet au courant de l’année 2022. Ces annonces ont été faites au mois d’octobre 2021, lors d’une réunion du partenaire social avec le PDG du Groupe Elec El Djazair. « La solution salvatrice pour l’Eniem réside dans la mise en œuvre du plan de redressement», déclarait alors Mustaoha Farfar, le PDG de ce Groupe, propriétaire de l’Eniem. Selon le compte-rendu de la rencontre dont font part plusieurs médias, le président du holding Elec El Djazair s’est montré très confiant quant a la volonté des pouvoirs publics à ne pas laisser tomber l’Eniem.
« La solution pérenne pour l’ENIEM est dans la mise en œuvre du plan de redressement qui prévoit la modernisation des chaînes réfrigérateurs avec, en prime, l’octroi d’un fonds d’exploitation de deux milliards de dinars qui serviront à prendre en charge la masse salariale et autres frais de fonctionnement durant la mise en place du nouveau projet».
Une année après, ces annonces sont restées en l’état ; elles n’ont pas connu de concrétisation sur le terrain au grand dam des centaines de salariés et leurs familles qui craignent désormais pour l’avenir de leur outil de travail.
Samia Naït Iqbal