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lundi 13 octobre 2025
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Influenceurs sous bannière nationale : vers une armée de proxys numériques ?

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La clôture, samedi soir à Alger, de la deuxième édition du « camp des créateurs de contenus » a marqué une nouvelle étape dans la stratégie du pouvoir algérien d’encadrement du champ numérique. Fermez le ban !

L’événement a été couronné par l’annonce officielle de la création du réseau algérien de créateurs de contenus une structure qui regroupe plus de 300 créateurs et influenceurs.

Pour les autorités, ce dispositif s’inscrit dans une logique d’« accompagnement des compétences, de promotion du contenu national et de renforcement de l’économie numérique ». Mais au-delà du discours lisse et institutionnel, cette opération soulève des questions de fond sur les véritables finalités de cette mobilisation massive d’influenceurs au service d’un récit national contrôlé.

Une mobilisation structurée et encadrée

En présence de plusieurs membres du gouvernement, à commencer par Mustapha Hidaoui, président du Haut conseil de la jeunesse et de Zohir  Bouamama, ministre de la Communication, l’événement a été présenté comme un tournant : la « naissance officielle » d’un réseau national des créateurs de contenu.

Le ministre de la Communication n’a pas caché la dimension stratégique de l’initiative : « Les influenceurs sont une ligne de défense avancée dans la bataille de la conscience », a-t-il déclaré, faisant explicitement le lien entre le numérique et la sécurité nationale. Le ton est donné : les influenceurs sont appelés à jouer un rôle politique et sécuritaire de premier plan. On ne s’en cache plus, c’est de bonne guerre !

Le numérique comme champ de bataille

Le discours officiel, repris par le représentant du ministère de la Défense nationale, insiste sur la « bataille de la conscience », à mener contre les menaces informationnelles. Ce vocabulaire martial traduit une conception du numérique non pas comme espace de liberté et d’innovation, mais comme un terrain de confrontation stratégique, où les créateurs de contenus deviennent des auxiliaires du récit conçu par et à la gloire du pouvoir politico-militaire.

Cette approche, largement inspirée des doctrines contemporaines de guerre informationnelle, vise à occuper le terrain numérique par une présence coordonnée, afin de contrer les discours critiques ou concurrents. Elle interroge néanmoins sur l’autonomie réelle de ces influenceurs et sur la place laissée à la diversité d’opinions dans l’espace public digital algérien.

Entre patriotisme et alignement politique

La « souveraineté narrative » invoquée par les responsables traduit une volonté de contrôler les imaginaires et les discours. On a connu l’article 120, on découvre l’armée des proxys ! En appelant à une « front numérique » au nom de l’unité nationale, le pouvoir cherche à transformer les influenceurs en relais de sa communication politique — voire en « proxys numériques », capables d’amplifier ses messages auprès des jeunes publics. Comme le pouvoir est dépourvu de réalisations concrètes à avancer pour convaincre les citoyens, il s’invente une armée d’influenceurs qui seront chargés de penser à la place des Algériens et de fabriquer un récit national imaginaire.

En effet, même si l’on assiste à une guerre numérique, il demeure que derrière le registre patriotique se dessine une stratégie de canalisation d’un écosystème numérique qui, jusque-là, échappait largement aux canaux institutionnels. La question reste posée : s’agit-il d’un partenariat équilibré ou d’une récupération politique ?

Les zones d’ombre

Le camp des créateurs de contenus a débouché sur des recommandations concrètes : création d’un code national de la profession, formations, campagnes de sensibilisation, prix annuels pour les « meilleurs contenus ». Mais aucune discussion publique n’a eu lieu sur la gouvernance de cette nouvelle « réseau national », ni sur les garanties d’indépendance de ses membres.

Qui définira les critères du « contenu national » ? Quels garde-fous empêcheront que cette mobilisation ne se transforme en instrument de propagande officielle ?

Une « armée douce » pour un récit contrôlé

En intégrant les influenceurs dans une stratégie nationale de communication, le pouvoir algérien cherche manifestement à renforcer sa présence dans les espaces numériques, considérés comme de nouveaux terrains de compétition politique et géopolitique.

Si l’objectif affiché — défendre la cohésion nationale et contrer la désinformation — peut sembler légitime, le risque est grand de voir émerger une armée douce de communicants alignés, au détriment du pluralisme et de la liberté de création.

La bataille de la conscience, évoquée avec emphase, pourrait alors se transformer en bataille du récit unique. Le dégel des esprits n’est pas pour aujourd’hui.

Samia Naït Iqbal

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