Vendredi 3 avril 2020
Intervention de Francis Ghilès sur France 24 : Ali Benouari témoigne
Fin 1991 (*), Francis Ghilès avait signé un éditorial du Financial Times dont le titre était: «l’Algérie en état de faillite financière ». Cet éditorial avait amené les banques étrangères à fermer complètement le robinet des prêts à notre pays.
Le coup était magistral car, compte tenu de l’influence du Financial Times, l’éditorial en question a été repris le lendemain par l’AFP, puis par les banques françaises, puis par les agences de presse du monde entier.
Pour contrer son effet désastreux, au moment où nous nous travaillions très dur pour maintenir ouverts les marchés financiers, j’avais organisé, en tant que Ministre du Trésor, une conférence de presse où j’annonçais que notre pays disposait d’une capacité d’emprunt de 14 milliards de dollars. Ce qui était énorme pour l’époque.
Pour l’histoire, les ennemis de notre gouvernement, nichés au sein de l’Etat profond algérien, m’avaient fait convoquer par le Président Boudiaf pour me faire sermonner par lui. Ils l’avaient convaincu que mon annonce le faisait passer pour un menteur, lui qui venait malencontreusement de dire au peuple que nos caisses étaient vides.
J’ai du lui expliquer qu’il était de mon devoir d’agir comme je l’ai fait.
Pour deux raisons: d’une part pour empêcher les marchés financiers étrangers de se fermer complètement à notre pays, et d’autre part pour « donner un coup de pied à la fourmilière » en obligeant les entreprises et les ministères a consommer les lignes de crédits à leur disposition, pour lesquels nous payions d’importantes commissions d’engagement en devises.
J’ai expliqué au Président Boudiaf que le désintérêt pour ces lignes de crédit venait du fait qu’il s’agissait de crédits liés à des projets d’investissement, contrairement aux crédits en cash, qui permettaient à nos opérateurs d’acheter où et chez qui ils voulaient, selon des procédures plus souples.
Les crédits liés à ces 14 milliards de dollars ne prouvaient donc pas donner lieu à des pots-de-vins. Je lui ai donné, à titre d’illustration, l’exemple des financements européens. Je venais de signer en effet, quelques mois auparavant, le 4ème protocole de prêts entre notre pays et la Communauté européenne, alors que nous n’avions pas du tout utilisé la partie “dons” du premier protocole signé en 1976 et que nous n’avons utilisé la partie “crédits liés” de ce même Protocole qu’à hauteur de 50% seulement.
Seules les parties librement utilisables étaient consommées régulièrement et très vite.
Boudiaf, ayant parfaitement compris, m’a alors embrassé en me présentant ses excuses. Mais il n’a pas pu empêcher l’Etat profond de faire pression sur le chef du gouvernement pour me limoger deux semaines après. C’est ce dernier qui m’a informé de ces pressions, tout en m’exprimant sa confiance totale pour mes compétences et mon engagement.
J’espère que cette anecdote, qui remonte à 29 ans, sera utile pour comprendre l’intérêt soudain de Francis Ghiles pour notre pays.
(*) Je voudrais apporter ici un témoignage personnel, qui pourrait éclairer l’opinion algérienne sur l’auteur de cette intervention.
Ce témoignage est publié sur Facebook par son auteur.