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ISTN : Rendez-vous avec la mort (15)

ISTN

C’est à demi-inconscient qu’il se retrouve derrière les barreaux. Il a mal au crâne, mais il a encore plus mal de s’être retrouvé menotté dans ce fourgon de police comme un vulgaire sacripant, lui, l’homme de sciences qui a transmis sa soif de savoir à des générations d’étudiants.

Lui qui a dirigé tant de thèses et piloté tant de projets de Master et DEA. Lui, l’auteur de dizaines de publications sur des sujets de recherches des plus variés. Lui, le défenseur acharné de la culture millénaire de ses racines…

La presse se tait. Seul Le Matin d’Algérie ose s’en mêler. Dans une chronique au vitriol, Sofiane Ayache ne cache pas sa colère :

« Nous sommes tous Ibrahim Lamine », clame-t-il.

« Scandaleux ! Honteux ! Révoltant ! Inhumain ! Ce que subit Ibrahim Lamine en Algérie est digne des régimes les plus barbares.

Mettre sous mandat de dépôt, à 74 ans, un homme de culture à la santé fragile est un acte des plus pervers. Comment diable peut-on se permettre autant de légèreté ? Que peut-on reprocher à Dda Ibrahim sinon son engagement pour tout ce qui rime avec culture amazigh, en général, et kabyle, en particulier ?

Non, il n’y a rien de juste ni de cohérent derrière cette détention préventive et cette manière de faire. Comme d’ailleurs, il n’y a rien de juste dans les arrestations massives et répétées de citoyens dont le seul tort est de s’exprimer librement sur la situation du pays… »

ISTN : Rendez-vous avec la mort (14)

Dans l’élan et la précipitation, Ibrahim n’a pas eu le temps de penser à ses médicaments. Dans la geôle commune, les autres détenus – tous embastillés pour des opinions à contre-courant de l’unanimité au sommet – le consolent comme ils peuvent :

– Toi, au moins, dès que tu purgeras ta peine, tu retourneras chez « maman » la France, le pays de toutes les libertés. Mais nous, c’est une condamnation à perpétuité qui nous attend dans cette prison à ciel ouvert qu’est devenu le pays.

Tous l’envient de posséder la double nationalité. Tous se veulent rassurants :

– Tu verras, la France ne t’abandonnera pas, elle n’abandonne jamais ses ressortissants.

– Parions que demain, ça sera l’ambassadeur en personne qui viendra te rendre visite et annoncer ta sortie prochaine.

Ces échanges, il les perçoit comme l’écho d’un brouhaha incohérent et lointain. Ses oreilles bourdonnent. Il sent son crâne exploser et ses tympans se disloquer. Ses sens sont engourdis. Ses paupières ont du mal à s’ouvrir. Il ne contrôle plus rien…. (à suivre).

Kacem Madani

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