Le candidat de l’Union populaire a failli renverser la table. Jean-Luc Mélenchon a raté d’une courte tête dimanche la marche du second tour malgré la mobilisation du « vote utile », son troisième échec à la présidentielle. Avec toutefois un score autour de 21,95 %, meilleur qu’en 2017, qui conforte le rôle central à gauche de La France insoumise.
Le vieux briscard revient de loin. Debout contre les vents contraires d’une classe politique vermoulue, Jean-Luc Mélenchon est apparu requinqué par ses troupes. « Ce soir, @JLMelenchon va finir à près de 22 % des voix. C’est un résultat extraordinaire », a tweeté le directeur de campagne, Manuel Bompard. « Malheureusement, cela ne suffira pas pour se qualifier au second tour. Mais quelle fierté de tout ce chemin parcouru ! »
Mais auparavant, vers 23h00 au Cirque d’hiver à Paris, les militants et les cadres, qui avaient jusque-là accepté l’élimination en insistant sur l’aspect positif du gros score, ont basculé en voyant une estimation ramenant l’écart avec Marine Le Pen à 0,7 point. « Et si… et si ? » était sur toutes les lèvres et Manuel Bompard, qui n’y croyait d’abord pas, est venu expliquer à quelques journalistes qu’il ne pouvait désormais pas certifier à 100 % que les choses étaient jouées.
A 20H00, quand le score de leur champion s’est affiché, autour de 20 % des voix, une clameur de joie a résonné parmi les dizaines de militants et personnalités réunies au Cirque d’hiver. « On est content », a lâché immédiatement une militante, visiblement soulagée.
Après quelques minutes, plusieurs militants ont subi un contre-coup. Certains s’enlaçaient, les yeux embués de larmes. Pierre-Dahomey Néhémy, 35 ans, réconfortait une amie en pleurs. « J’espérais qu’il serait au deuxième tour. L’écologie et la justice sociale ne seront pas au second tour des élections. Les gens sont tristes », a-t-il confié à l’AFP.
Jean-Luc Mélenchon n’a, en l’état du dépouillement, pas pu rassembler avec la même ampleur que son mentor François Mitterrand qui, lui, avait gagné à son troisième essai.
Pourtant, les dernières semaines, et en particulier la toute dernière, ont vu de nombreux sympathisants, militants et personnalités de gauche annoncer publiquement qu’ils voteraient Jean-Luc Mélenchon pour tenter d’éliminer Marine Le Pen.
Jean-Luc Mélenchon pouvait être cette alternative que la gauche n’a pas su accompagner et pousser vers le haut. Bien au contraire, aigris, les dinosaures du PS, du PC et des autres partis de gauche l’ont souverainement ignoré, préférant ruer dans les brancards tout en sachant qu’ils n’avaient inévitablement aucune chance de recueillir assez de voix pour passer au 2e tour.
La marche s’est avérée trop haute, la candidate du Rassemblement national ayant connu une dynamique similaire à l’Insoumis, en étant partie de plus haut.
Le phénomène du vote utile a joué à plein, les autres candidats de gauche ayant été siphonnés, passant tous sous la barre des 5 %.
Jean-Luc Mélenchon a pris la parole plus tôt et de meilleure humeur qu’en 2017, devant des militants survoltés. Il a reconduit la même position: une consultation auprès de ses 320.000 parrains citoyens en ligne pour savoir s’il fallait voter Emmanuel Macron ou blanc au second tour. « Vous ne devez pas donner une voix à Marine Le Pen », a-t-il répété plusieurs fois.
Le tribun, qui a promis avant l’élection qu’il ne se représenterait pas en 2027, a déclaré: « Une nouvelle page du combat s’ouvre, nous l’aborderons avec la fierté du travail accompli ». Il s’est adressé aux jeunes: « C’est pas loin. Faites mieux ».
Pour Simon Persico, politologue et maître de conférences à Sciences Po Grenoble, « c’est incontestablement une réussite, il a augmenté son score alors qu’il avait perdu les communistes ».
Improbable rebond
Malgré la défaite, se hisser à la troisième place, loin devant le reste des candidats de gauche et de droite, n’était pas acquis au regard de la position qui était celle de l’Insoumis au milieu du quinquennat qui s’achève.
La « rupture d’image » documentée par toutes les enquêtes d’opinion à partir des perquisitions au siège de LFI en octobre 2018 a semblé menacer les possibilités politiques de Jean-Luc Mélenchon. Ont suivi des européennes catastrophiques en 2019.
Mais pour « sortir des catacombes », de ses mots mêmes, Jean-Luc Mélenchon a fait parler son expérience des campagnes présidentielles et l’organisation méthodique de son mouvement. Il s’est tenu à l’écart des divisions de la gauche, dont la « Primaire populaire » a été l’un des moteurs les plus récents.
Ses troupes, déjà renforcées par rapport à 2017 avec l’élection de députés et d’eurodéputés, se sont élargies avec la mise en place d’un « Parlement de l’Union populaire », composé de figures des mouvements sociaux.
Les images de Jean-Luc Mélenchon s’exprimant devant des milliers de personnes à Paris ou à Toulouse ont marqué les esprits alors que la pandémie semblait avoir éteint les grands raouts politiques.
Quand il a pris la parole à la télévision, le communiste Fabien Roussel, qui a décidé de mener une campagne autonome et de ne pas s’allier avec LFI comme les deux fois précédentes, a été hué par les militants Insoumis. « Je ne suis pas d’accord avec ça, on a vocation à être rassemblés », a lâché Aurélie Trouvé, la présidente du Parlement de l’Union populaire.
En vue du futur et notamment des législatives de juin, « ici est la force ! », a tonné Jean-Luc Mélenchon, qui pourrait tenter de rester député.
L M./AFP