« La défection et même la défiance populaire vis-à-vis de l’action politique, le retour à l’uniformisation d’un discours laudateur et l’absence de toute marge pour un contre discours, manifestent le stade ultime de l’échec du cycle démocratique ouvert par les évènements d’Octobre 88″.
C’est le constat sévère et impalpable dressé, à l’issue de la récente réunion de son Conseil national, par Jil Jadid qui dresse un tableau critique de la situation sur les plans sociak, politique et économique du pays. Cette critique est sans doute la plus juste faite par ce parti qui avait un temps fricoté avec Tebboune.
« Le cycle de la démocratisation tel qu’il avait été engagé avec la constitution de 1989 semble se refermer », s’alarme Jil Jadid qui dresse la liste des facteurs aggravants de cette faillite .
« L’obsession du pouvoir à manipuler la vie politique, les dérives de certains partis politiques durant ces trois dernières décennies, qu’elles soient d’ordre sécuritaire durant les années 90 ou d’ordre clientéliste et opportuniste durant les deux décennies suivantes, ont finalement, hypothéqué toute construction sérieuse d’une classe politique fiable et patriote en mesure de gouverner le pays », se désole le parti de Djilali Soufiane qui décèle chez le pouvoir en place une volonté manifeste de fermeture définitive de la parenthèse démocratique connue depuis le début de la dernière décennie du 20e siècle, « d’en finir avec ce qui reste de l’activité politique libre et indépendante ».
Concrètement et dans les faits, cette volonté de remise en cause se manifeste par « la marginalisation des partis politiques voués à être réduits à de simples appendices administratifs, de soutien pour une partie d’entre eux ou mis en situation d’inactivité implicite pour une autre partie. »
Une situation imputable au chef de l’Etat dont le dialogue national annoncé « est remis aux calendes grecques », constate le conseil national de Jil Jadid qui dénonce la propension des autorités à étouffer toute existence de contre-pouvoir.
« La mise à l’écart de tous les partis politiques dans la formation d’un gouvernement technocratique et la gestion hypercentralisée de toutes les institutions du pays, y compris celles censées dépendre du choix populaire, reflètent une attitude négative, voire hostile, à tout contre-pouvoir », analyse le parti.
Et de constater dans ce sillage, que « les élections ne sont plus qu’un avatar démocratique. La fraude instituée et la sélection active des agents politiques sur la base de leur docilité et de leur médiocrité, ont mené les Algériens à refuser de participer à la vie citoyenne, pourtant nécessaire à la cohésion de la nation et à la construction de l’État de droit. »
Liberté de la presse : l’appât mortel des subventions
La domestication de la presse est un processus définitivement acté, selon Jil Jadid. « Ayant été désarmés par le jeu des subventions et des pressions multiformes, les médias sont aujourd’hui objectivement et moralement en situation critique. Ils ne sont plus en mesure d’accomplir leur rôle. Ils sont discrédités et sans emprise sur l’opinion publique, cédant leur espace informationnel au nihilisme et au mercenariat des « influenceurs » localisés à l’étranger. » C’est le moins qu’on puisse dire quand on constate les ravages bravement réalisés par Tebboune dans le corps de la presse dite indépendante.
Plaidoyer pour un renouveau démocratique
Partant du constat que la rupture entre le pouvoir et la société est définitivement consommée, le parti dirigée par Djilali Soufiane appelle , »l’ensemble des patriotes », à la construction d’un renouveau démocratique.
« Le modèle démocratique mis en place en 1989 s’est effondré. Un autre devra obligatoirement être conçu car l’absence de pensée politique mènera le pays vers le nihilisme le plus dangereux », constate Jil Jadid qui « propose à l’ensemble des patriotes, partisans ou non, d’entamer un débat sérieux pour aboutir à une vision d’avenir qui pourrait être défendue collectivement auprès des institutions nationales en vue d’un renouveau démocratique. Des règles saines et transparentes dont les objectifs seraient d’abord et avant tout la cohésion nationale et la modernisation effective du pays, pourraient offrir une nouvelle base de départ. »
Un avis nuancé sur les choix économiques et sociaux
Au plan économique, « il est indéniable que sur le principe, les choix annoncés sont méritoires réduire les importations, maintenir des prix à la consommation compatibles avec le pouvoir d’achat, relancer les grands projets dans la production nationale », annonce pour qui « la méthode employée ne peut peut être que contre-productive ».
Et pour cause : « Le retour au centralisme économique pour ne pas dire aux anciennes formes d’un socialisme archaïque avec une gestion administrative autoritariste ne peut qu’entraver la mise en place d’une économie efficace et viable. Le développement sournois mais réel et à plusieurs niveaux de la corruption qui en découle ne peut qu’alerter la conscience nationale. »
« La volonté de contrôler administrativement les prix à la consommation et la remise en place des monopoles publics vont invariablement entraîner une baisse de la qualité des produits mis sur le marché et la multiplication des détournements et des dérives de gestion publique au détriment du consommateur », analyse le parti qui se dit préoccupé par les effets pervers qui peuvent découler du « déficit colossal » enregistré par la loi de finance 2025.
Idem sur plan social. Jil Jadid se dit sceptique quant aux choix du gouvernement (qui) « semble préoccupé par le niveau du pouvoir d’achat des populations. Des aides multiples sont engagées. Toutefois, la logique sous-jacente de ces mesures risque d’aggraver la situation au lieu de l’améliorer. »
Samia Naït Iqbal