26 novembre 2024
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Justice de guéguerre : un coup de poignard dans le dos de l’Algérie

DECRYPTAGE

Justice de guéguerre : un coup de poignard dans le dos de l’Algérie

Les différentes arrestations menées  ces derniers jours sur ordre et dans la précipitation quels que soient les profils des inculpés et des chefs d’inculpations retenus présentent un grave danger pour l’Algérie.

Opérées par le système dans les rouages même de ce système à des fins purement manoeuvrières, de diversion, visant à faire accepter au mouvement de la dissidence citoyenne du 22 février le dialogue avec lui et la tenue effective dans les délais fixés par lui du scrutin présidentiel, dans la mesure où il montre des signes de crédibilité de sa bonne foi et de sa bonne tenue en châtiant la mauvaise graine ayant germé en son sein.

Mais, la manœuvre du vice-ministre de la Défense nationale, Ahmed Gaïd Salah, puisque cette vague d’arrestations est à son actif, procède plus de relents nauséabonds de règlements de comptes inter et intra claniques de guerres de tranchées des satellites du pouvoir  en déroute que d’une volonté sincère et sereine d’une justice soucieuse de rétablir, même sur le tard, quelque embryon d’un Etat de droit.

Cette opération coup de filet qui s’apparente à des guéguerres inter et intra claniques  du système est trop encore opaque, sourde, obscure, déroutante, contradictoire pour que l’appareil judiciaire qui prononce le même verdict, pour le moment « le placement en détention provisoire » puisse  convaincre les Algériens du bien-fondé de cette série noire à laquelle du reste elle n’est pas préparée, moralement, éthiquement et professionnellement. Ceci d’une part.

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De l’autre : comment ce même appareil judiciaire, d’un gouvernement aux prérogatives fort limitées, chargé d’«affaires courantes » sous un Chef de l’Etat par intérim, puisse-t-il prétendre condamner les dilapidateurs des richesses nationales et les voleurs de l’argent du peuple qui ont fait souche depuis plus d’un demi-siècle dans les différentes strates de la gouvernance du pays et, plus encore, en faisant le dos rond à la grave crise politique que vit le pays ? Comme si cette parade des poursuites judiciaires ne visait qu’à détourner, par leurs effets spectaculaires, l’attention des Algériens sur les impératifs des revendications primordiales des millions d’Algériens réunis dans le mouvement de la contestation citoyenne du 22 février.

Ainsi, à défaut de convaincre politiquement les Algériens par un déferlement de discours mêlant opérations de charme et mises en garde musclées, le chef d’Etat-major de l’ANP un instant épargné par le « Dégage » de la contestation citoyenne, et  étant lui aussi additionné aux 3B (Belaïz ayant démissionné, Bedoui et Bensalah) dirige présentement sa guerre des tranchées sur un double front : ses mises en gardes iront progressivement, de ses premiers discours aux plus récents, de simples mises en gardes paternalistes, enrobées de moralisme infantilisant le mouvement de la dissidence citoyenne aux menaces musclées accusant la contestation algérienne de nourrir en son sein de dangereux comploteurs étrangers et nationaux  éléments destructeurs de l’Algérie, néo-colonialistes, cherchant, ainsi, à l’imploser puis à lui donner le coup de grâce en représailles à ces forces nihilistes qu’il croit déceler dans ses rangs.

L’autre guerre des tranchées qui, à ses yeux, peut amener le mouvement de la dissidence à s’assagir et lui-même reconquérir dans ses rangs une crédibilité perdue, c’est, sans nul doute, ces poursuites judiciaires qu’il a ordonnées par « sa » justice « accélérée ».

Après quelques coups d’essais malheureux qui n’ont pas fait foule au tribunal de Sidi M’hamed pour des affaires de « dilapidation de deniers de l’Etat », tel prévenu ressorti tel autre incarcéré dans la plus complète improvisation, le coup de filet de la justice militaire  s’abat sur « le cœur du bouteflikisme » ainsi que l’a vu la presse à sensation.

Quelles relations établir entre la crise politique  incarnée par le mouvement de la dissidence citoyenne du 22 février qui exige la disqualification du système dans sa totalité  et toutes ces vagues d’arrestations opérées, ordonnées, fomentées par l’Institution militaire dans le système à laquelle elle appartient et qu’elle protège  et mises en pratique, en aval par un appareil judiciaire mis au pas.

D’abord, la crise en elle-même est d’essence politique ; elle concerne l’ensemble des institutions du pays qui sont obsolètes, absconses et génératrices de blocages et de terrorismes d’Etat et non une institution, fût-elle l’Armée. Deuxio, cette crise d’essence politique est matricielle et multidimensionnelle ; elle n’est donc pas segmentaire pour que seule la justice sorte du lot et se démarque de l’identité du corps corrompu du système dont elle a été et est  le moteur actif des corruptions ; tertio, et c’est l’un des points cruciaux de cette justice qui, si elle n’arrête pas son travail de détournement des revendications majeures du mouvement de la dissidence citoyenne du 22 février, verrait ses symboles durablement ternis plus qu’ils ne le sont déjà durant cette période de crise profonde. Pourquoi ?

1. Cette crise politique ne peut être réglée par une solution « organique »  et judiciaire au moyen de laquelle le système pense pouvoir amener au dialogue et aux élections présidentielles du 4 juillet prochain les millions d’Algériens du mouvement citoyen dissident qui refuse toute prise de langue avec lui, lui signifiant obstinément  qu’il doit partir, prendre sa valise et ne pas se contenter de l’ouvrir, de faire mine de la déballer et en nettoyer le contenu en public.

A l’obstination du mouvement de la contestation, son maintien dans l’attitude du « pacifisme » et dans la revendication principielle du refus véhément de la totalité du système et de toutes ses propositions renouvelées  à ce fameux et fumeux dialogue apparentées aux manoeuvres politiciennes aux ruses et aux traquenards s’opposent, clairement, les improvisations, les déroutes, les tentatives sourdes et soudoyant à tout-va les frères indécis des clans, les prêches empoisonnés lancés des perchoirs des Institutions telles des flèches empoisonnées à celles et ceux qui veulent le retour à «la fitna», la leur, en vérité. S’opposent à la fermeté et la conscience aiguisées du mouvement de la dissidence citoyenne du 22 février, tous les agissements guet-apens de ce système par lesquels il prouve toutes les corruptions avec lesquelles il a géré et gère l’Algérie qu’il continue de prendre en otage.

2. Le corps judiciaire qui s’agite présentement  distribuant à tout va des mandats d’arrêt pour « dilapidations des deniers de l’Etat » engage une course contre la montre dans  une « Opération mains propres » (qui est le contraire de celle du même nom engagée par Ouyahia contre des cadres d’entreprise honnêtes, intègres et compétents) en vue de faire croire à une « Opération d’Urnes aux mains propres ». Mais cette politique de l’autruche n’aura pas échappée au citoyen lambda qui sait que ce type de justice, accolée à la crise politique, qui ne peut être enclenchée qu’après la fin de l’idéologie du système,  prend du temps, de l’espace, exige de la probité, un environnement débarrassé des scories du pouvoir, de ses vassaux, calme, serein, propice et engageant.

Pas ces coups d’épées dans l’eau ou ces éraflures dans la carapace de la Corruption érigée comme système, mode de gouvernance du pays. Prosaïquement, comment, dans l’absurdité de sa logique même, le vice-ministre de la Défense nationale et son porte-voix à peine audible, le chef de l’Etat par intérim, Ahmed Gaïd Salah, peuvent-ils appeler au dialogue quand ils font tomber la peur du militaire et des pratiques des anciennes phalanges de l’OAS sur la capitale politique du pays ? Et, dans un tel climat de torpeur,   ce patron d’entreprise, ce chef de parti politique, ce gestionnaire de biens étatiques, ces petits fonctionnaires même ripoux…etc., « mis en détention préventive » par une justice qui a le vent en poupe, ne saurait servir de boucs-émissaires à un dialogue de dupes et à un scrutin d’un 5e mandat toujours convoité par ces guéguerres intestines claniques, depuis son ex-prétendant.

3. Ces poursuites judiciaires portent un grave préjudice à la crédibilité de la justice algérienne dans la mesure où elles ne servent pas du tout l’Algérie. Au contraire, elles lui donnent un coup de couteau dans le dos. Celles-ci, se déroulant dans une crise politique majeure, inédite dans l’histoire récente de l’Algérie de la postindépendance, n’ont d’objectifs, à courts termes, certes, qu’ à servir de paravents aux corrupteurs et corrompus, de même acabit que ceux condamnés, tapis dans le corps judiciaire et militaire, à la faveur de la crise et reconvertis, tels les « martiens » dans l’ALN de 1962 en justiciers impénitents.

Par ailleurs, cette même justice n’a-t-elle pas été mise à genoux par la loi de la concorde civile et la Charte pour la paix  et la réconciliation civile qui ont accordé l’immunité sans concession aux bourreaux de masse du GIA en corrompant les textes de loi de la Constitution en leur faveur. Comment cette même justice, complice active de « l’innocentement » des criminels de masse de la décennie noire qui n’est pas close peut-elle prétendre, avoir les reins solides et la robe ajustée à cette mission pour condamner des comploteurs contre la République lorsque les assassins – comploteurs de cette République ont déjà bénéficié de la Grâce Amnistiante. Comment comprendre la condamnation à mort par cette même justice de Mohammed Gharbi, officier de l’ALN, pour avoir abattu un pseudo repenti du GIA qui venait insulter sa famille sur le pas de sa porte malgré de nombreuses plaintes déposées auprès de la gendarmerie par l’ancienne figure de la résistance algérienne.

Et, s’agissant de la glorieuse résistance algérienne, de sa genèse à son soulèvement armée, celle-ci, évidemment, n’a pas été indemne des corruptions du système. Non pas de mensonges, de faussetés, de «réécritures » ; mais bien plus. De reniements, d’insultes à l’échelle de la Mémoire que ce système a souillée pour se maintenir à flot.

En effet, ce système prédateur et grabataire qui a pris en otage l’Algérie peut-il aujourd’hui qualifier de génocide colonial la tragédie du 8 mai 1945 et exiger de la France le pardon quand, par sa loi de la concorde civile et de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, il a accordé la pardon à ceux qui ont perpétré la même tragédie coloniale, avec les mêmes méthodes barbares.

Le mouvement de la dissidence citoyenne du 22 février est au cœur palpitant de cette crise politique majeure dans laquelle le système se dépêtre misérablement en se livrant présentement des luttes claniques à couteaux tirés en les maquillant d’«Opérations mains propres ». Mais, l’Algérien vacciné à ce genre de ruse sait qu’il ne s’agit là que d’une piètre campagne de dératisation de ses propres égouts qui remontent à la surface, empuantissent le dialogue et submergent les urnes des présidentielles…

Auteur
Rachid Mokhtari, journaliste-écrivain

 




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