Avec Pour une insurrection des consciences (Éditions Frantz Fanon), Kamel Bencheikh signe un texte coup de poing, mêlant récit intime et brûlot politique. Poète en exil, essayiste sans concession, il dresse l’acte d’accusation d’une époque minée par l’obscurantisme et les lâchetés des élites. Un manifeste incandescent qui appelle chacun à ne plus se taire.
Une voix se lève, non pour séduire mais pour réveiller. Celle de Kamel Bencheikh fend le confort des habitudes, arrache les certitudes, refuse la somnolence qui gagne notre époque. Son livre, Pour une insurrection des consciences, n’est pas un essai sage ni un simple témoignage : c’est une gifle adressée à la résignation, un appel à se dresser quand tout pousse à s’incliner.
À travers des chroniques qui forment un récit de combat, Kamel Bencheikh conjugue mémoire personnelle et engagement universel. Dans D’où je viens, un parcours à la croisée des mondes, il évoque l’enfance, les fractures culturelles, la fuite devant l’obscurantisme. Mais loin d’un récit plaintif, c’est une déclaration de résistance : « Ils ne savent pas, ceux qui me demandent de me taire, ce que c’est que de se taire à dix-sept ans, dans une pièce où l’on parle de Dieu comme d’un couteau. » Chaque phrase porte la brûlure d’une vie vécue au bord du silence et du cri.
Le ton se fait plus intime dans Ce que j’ai aimé, ce que je n’ai pas cédé, où l’auteur raconte ce qu’il a sauvé de son passé : une fidélité aux êtres et aux idées qui ont façonné son exigence. Mais l’essai prend une dimension plus offensive quand il aborde le terrain politique et médiatique.
Dans Là où les politiques se couchent, Kamel Bencheikh dénonce sans fard la lâcheté des élus, ces compromissions honteuses scellées dans l’ombre des bureaux municipaux : « Il y a dans certaines mairies un silence plus lourd que le vacarme des mosquées clandestines. » Ce silence complice, écrit-il, est devenu le langage ordinaire des élites qui se parent des mots de la République le matin pour signer, l’après-midi, avec des fondamentalistes.
De la même manière, dans Quand les médias enjolivent ou capitulent, il met en cause une partie de la presse, fascinée par l’euphémisation, prompt à maquiller l’islamisme sous les couleurs chatoyantes de la diversité. Là encore, Kamel Bencheikh refuse l’aveuglement et nomme ce que d’autres travestissent.
Mais l’essai ne se limite pas à une dénonciation. Il interroge le quotidien, cette banalité par laquelle s’installe l’obscurantisme. Dans L’islamisation par le quotidien, l’auteur observe les détails qui s’accumulent, les habitudes qui changent, les renoncements qui deviennent des normes.
Une femme voilée dans une salle de classe, une prière improvisée dans un hall d’immeuble, un commerce qui se conforme à la ségrégation alimentaire : rien de spectaculaire, mais une addition de signes qui tisse peu à peu la toile d’une emprise.
Enfin, le texte culmine avec un plaidoyer clair et sans ambiguïté : Le droit de blasphémer est un devoir de civilisation. Kamel Bencheikh rappelle que ce droit, conquis de haute lutte, n’est pas une option mais une exigence vitale pour toute société libre.
Là encore, il le dit sans détour : « Les enfants de la République ne demandent pas la lune. Ils demandent un bureau à leur taille, un professeur debout, une parole qui s’adresse à eux sans mépris ni peur. Ils ne veulent pas d’un Coran à la place du manuel de sciences. Ils ne veulent pas d’un imam à la place du professeur de SVT. »
Ce livre n’est pas une analyse froide ni un pamphlet rageur. C’est un appel à l’insoumission face aux compromissions, une invitation à relever la tête. Plus qu’une critique, Pour une insurrection des consciences est un manifeste pour une République debout, débarrassée des prudences et des hypocrisies qui la minent. Kamel Bencheikh y apparaît comme l’un de ces écrivains rares qui ne séparent pas l’écriture du courage.
H. Z.
- Kamel Bencheikh – Pour une insurrection des Consciences – Réarmer la République, Éditions Frantz Fanon, aout 2025, 100 pages, 10 €