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Kamel Daoud : « Le discours antifrançais sert de ralliement à tous les populismes »

Kamel Daoud

Le romancier Kamel Daoud, lauréat du prix Goncourt 2024, se découvre, depuis quelques mois comme une voix critique et audacieuse face à l’autoritarisme du pouvoir algérien et à certaines tendances de la presse de gauche.

Dans un entretien accordé au quotidien Le Monde, il exprime son indignation face à la répression des opposants en Algérie, soulignant l’intimidation systématique exercée par les dirigeants du pays. Pour Kamel Daoud, l’écrivain est souvent confronté à un choix difficile : rester silencieux pour préserver sa sécurité ou s’exprimer et risquer de subir les conséquences de sa liberté d’expression. « Je ne peux pas juger les autres, leur choix. Je me rappelle cet écrivain qui voulait signer la pétition et qui m’a rappelé en disant: ‘Je ne peux pas, ma femme part à Alger dans deux heures.’ Je comprends », a expliqué Kamel Daoud.

Il évoque une citation d’Albert Camus : « L’exil est nécessaire pour la vérité », qu’il détourne pour décrire la situation en Algérie, affirmant que « le mensonge est nécessaire pour y rester ». Cette réflexion illustre la tension entre la vérité et la survie dans un contexte où la peur prédomine. Kamel Daoud cite également un exemple poignant d’un écrivain qui, bien qu’animé par l’envie de soutenir un collègue emprisonné, a dû renoncer à agir par crainte des répercussions sur sa famille. Ce témoignage s’ajoute aux informations qui rendent compte de l’ordre arbitraire et met en lumière l’atmosphère de peur qui règne dans le pays, où chaque acte de solidarité peut être lourd de conséquences. « Le régime est dur. Vous signez, vous le payez immédiatement. Il y a la peur, donc », a-t-il ajouté.

Concernant la détention de Boualem Sansal, Kamel Daoud estime que « le problème, c’est que tout le monde trouve son compte dans « cette prise d’otage ». Il cite les islamistes et « le régime car même le FLN est mort et il faut à tout prix revitaliser le discours antifrançais qui sert de ralliement à tous les populismes ».

Les islamistes, selon Kamel Daoud, représentent une autre menace pour la culture et la liberté d’expression en Algérie. Il dénonce leur tendance à privatiser les espaces culturels, les maisons d’édition, et même les écoles, soulignant qu’ils se réjouissent de voir des écrivains emprisonnés. Pour lui, cette dynamique est alarmante et représente un danger pour la diversité des voix et des idées en Algérie. En effet, les islamistes ont inflitré toutes les strates de l’administration algérienne et celles de l’éducation. La société algérienne est aussi prisonnière de la camisole arabo-islamiste qui l’éloigne des racines séculaires du pays mais aussi des valeurs républicaines et démocratiques.

En outre, l’écrivain critique la « presse de gauche » française, qu’il estime incapable de comprendre la complexité de la situation algérienne au-delà des stéréotypes. Il déplore que les écrivains comme lui soient souvent réduits à des « adjuvants idéologiques », contraints de s’exprimer selon les attentes de cette presse, au détriment de leur propre vérité. Ce constat souligne une frustration face à la manière dont les intellectuels sont perçus et utilisés dans le discours public.

Kamel Daoud, auteur de « Houris », maintient une chronique dans l’hebdomadaire Le Point depuis 2014, où il ne se contente pas de critiquer le pouvoir algérien, mais s’attaque également à la gauche et aux islamistes. Cette double critique lui vaut des attaques, mais il reste ferme dans sa volonté d’exprimer ses convictions. Il se sent souvent en décalage avec l’image que l’on attend de lui en tant qu’écrivain arabe, déplorant le fait qu’on lui reproche de ne pas se conformer à un récit victimiste ou décolonial permanent.

En somme, Kamel Daoud se positionne désormais comme un défenseur de la liberté d’expression et de la diversité culturelle en Algérie, tout en dénonçant les dangers de l’autoritarisme et des idéologies réductrices. Sa voix, à la fois critique et engagée, résonne comme un appel à la résistance intellectuelle et à la nécessité de défendre la vérité, même au prix de l’exil.

La rédaction

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