5 janvier 2025
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Kamel Daoud, un Goncourt pour dire le traumatisme de la décennie noire

L’année 2024 est marquée par l’obtention du premier prix Goncourt par un auteur algérien, Kamel Daoud.

Houris de Kamel Daoud, notre auteur national qui vient d’être récompensé du prix Goncourt, fait l’objet d’invectives et d’attaques de tous bords. Le régime algérien instrumentalise une fois de plus le narratif officiel pour faire taire tout autre point de vue différent.

Il est à noter que c’est le premier écrivain algérien à recevoir cette distinction. Et cela mérite d’être souligné.  Marquée par un style incisif et une analyse critique de la société, l’écriture de Daoud offre une plongée littéraire fascinante dans les tensions entre réalité et fiction.

Dans Houris, Kamel Daoud explore des thématiques complexes, notamment le poids du silence, la violence de l’Histoire algérienne et les représentations subjectives de la réalité à travers l’art du langage.

Ce texte s’inscrit dans la continuité des réflexions de l’écrivain journaliste sur les traumatismes de notre pays, tout en interrogeant le rôle de l’écrivain face à son époque. L’auteur s’inspire des blessures profondes de l’Algérie, notamment celles liées à la décennie noire (les années 1990), une période marquée par une guerre civile sanglante opposant le gouvernement aux groupes islamistes.

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Le titre même, évoque les vierges promises aux martyrs dans l’imaginaire islamique, une métaphore puissante que Daoud détourne pour interroger les promesses illusoires de violence et de rédemption.  L’histoire se concentre sur un personnage féminin central, qui, bien que dépourvu de parole explicite, incarne une Algérie meurtrie et silencieuse.

À travers elle, Kamel Daoud explore la manière dont les femmes ont été instrumentalisées, réduites à des figures symboliques ou marginalisées dans les récits dominants de cette période. Ce personnage devient une allégorie de l’Algérie elle-même, contrainte au silence face à ses traumatismes et à ses luttes identitaires. Daoud, dans Houris illustre parfaitement l’idée que la réalité n’est jamais un fait brut, mais une construction élaborée à partir du langage. L’écrivain sélectionne, agence et interprète les éléments qu’il emprunte au réel, les enrobant de sa subjectivité et de ses préoccupations.

Dans ce roman, les événements de la décennie noire sont transfigurés en une expérience littéraire. Daoud ne s’attache pas à documenter de manière réaliste les faits historiques, mais à en extraire une vérité émotionnelle et symbolique.

Ainsi, le silence du personnage féminin devient un espace où le lecteur projette ses propres interprétations. Ce silence est à la fois une absence (de parole, de témoignage direct) et une forme de présence oppressante : il dit ce qui ne peut être dit, ce qui, dans la réalité tangible, a été tu ou censuré.

L’une des critiques adressées à l’auteur est l’utilisation de faits réels comme matériau littéraire, ce qui a suscité des débats sur le droit de l’écrivain à « fictionnaliser » des expériences collectives douloureuses. Ses détracteurs lui reprochent une appropriation subjective de la mémoire collective, où la fidélité historique serait sacrifiée au profit d’une vision personnelle. Cependant, cette critique méconnaît le rôle fondamental de la littérature : non pas reproduire la réalité mais la réinventer, la rendre intelligible à travers un prisme émotionnel et symbolique.

Kamel Daoud, en choisissant un langage métaphorique et une narration subjective, revendique la liberté de l’artiste face à l’Histoire. C’est précisément cette torsion de la réalité qui permet à Houris de transcender le simple témoignage pour devenir une œuvre universelle et intemporelle.

Le choix de l’auteur de doter son personnage féminin aphone, d’une parole presque absolue est une allégorie puissante. Ce silence symbolise une Algérie incapable, ou peut-être interdite, de verbaliser son traumatisme collectif.

La décennie noire, période de guerre civile où des milliers de vies ont été brisées, est encore aujourd’hui un sujet délicat dans le discours public de notre pays. Ce silence institutionnalisé, imposé par un pouvoir réticent à affronter ses responsabilités, est transgressé dans Houris à travers la prise de parole du personnage central. En outre, ce silence transgressé (la Concorde nationale devait nous faire taire le plus grand traumatisme que le peuple algérien ait connu depuis l’indépendance) peut être vu comme une critique de l’effacement des femmes dans les récits historiques et politiques algériens.

Victimes des violences de la décennie noire, elles ont souvent été réduites à des rôles secondaires, tandis que leurs souffrances spécifiques – en tant que femmes – ont été ignorées ou minimisées.

Kamel Daoud redonne à ce silence une puissance expressive : il devient un cri muet qui résonne à travers les pages du roman, dénonçant à la fois l’injustice et l’oubli.

Houris de Kamel Daoud est bien plus qu’un roman : c’est un acte de mémoire et de résistance. En jouant sur la frontière ténue entre réalité et fiction, il interroge la manière dont les sociétés construisent leurs récits collectifs et invite le lecteur à réfléchir sur les silences qui hantent l’Histoire. Par son style audacieux et sa capacité à donner une voix à l’indicible, Daoud offre une œuvre à la fois dérangeante et nécessaire, qui défie les conventions littéraires et les attentes historiques.

Enfin, en donnant à un personnage féminin absent de parole une centralité symbolique, Kamel Daoud engage une réflexion sur les dynamiques de pouvoir et de représentation. Ce silence transgressé, loin d’être une faiblesse, devient une force narrative qui expose les failles d’un pays cherchant encore à enfouir ses blessures les plus profondes.

Said Oukaci

8 Commentaires

  1. C’est toute une vraisemblance 😂, on nous réédite, sur commande la tragédie arabo- islamique 30 ans après. C’est une nécessité d’une clientèle à bout de souffle! VITE, il me faut monter un caser en faire un symbole.
    Ceux qui passent pour laïcs, version Saddam ou boumediene sont comme ce peuple cobaye qui se cherche dans les ruelles sans issues de la oumma! Démocrates samedi soir.

  2. Véritable article de propagande pour un auteur dont le livre « Houri » a été démonté, fin août 2024, par quatre critiques littéraires (donc des professionnels) de l’émission de France Inter « Le masque et la plume ».

  3. C’est bien et rassurant que LMA le distingue et reconnaisse son merit. Cas de le dire, il a traverse’ toute misere de ce pays. Meme les egouts, c.a.d. l’islamisme, il l’aura connu et donc sait de quoi il parle. Son plus merit est d’AFFIRMER sa Liberte’ et non de se satisfaire de celle qu’on lui aura permise.

  4. Un dernier detail geant: Il ne s’agit pas de decennie noire, du moins pas ce que raconte KD. Ca c’est votre KHRA !
    Kamel Daoud raconte le TERRORISME ARABO-ISLAMISTE !

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