Né le 13 février 1954, Kamel Nay nous a quittés le 23 octobre 2024, à l’âge de 70 ans, emportant avec lui une part irremplaçable de l’âme de Sétif. Depuis des décennies, ce musicien hors pair insufflait dans son mezoued des notes et des émotions que nul autre ne parvenait à égaler.
Avec une maîtrise sans pareille, il faisait vibrer cet instrument emblématique du folklore sétifien, transformant chaque note en une invitation à la fête, en un moment de communion pure avec ses auditeurs.
Par son jeu, il a su non seulement perpétuer l’art ancestral du mezoued mais aussi lui donner un style singulier, un souffle unique, faisant de lui une figure incontournable de la scène musicale locale.
Kamel Nay ne se contentait pas de jouer : il formait et inspirait. Des générations de jeunes Sétifiens ont trouvé en lui un mentor, un modèle de rigueur et de générosité. Pour ceux qui l’ont côtoyé, il était bien plus qu’un musicien : il était le gardien d’un patrimoine, un homme qui, par son humilité, laissait briller les autres tout en restant dans l’ombre.
Il a accompagné de nombreux chanteurs, les propulsant au sommet de la célébrité et contribuant à bâtir leur succès, alors même que lui restait fidèle à sa simplicité et à son authenticité.
Parfois, il suffisait que Kamel souffle dans son mezoued pour enflammer une fête, transformer un mariage en un moment inoubliable, ou faire vibrer les foules lors des grandes célébrations de la ville.
Son jeu captivait ; il apportait cette joie simple, brute, que seuls les musiciens passionnés peuvent offrir. Les sons qu’il produisait étaient plus qu’une mélodie : ils étaient une invitation à la danse, un appel à la joie, un écho de l’identité sétifienne.
Malgré ses talents indéniables et l’impact qu’il a eu sur la culture de Sétif, Kamel Nay n’a jamais reçu les honneurs qu’il méritait. Alors que d’autres grimpaient les échelons de la reconnaissance culturelle, il restait à l’écart des cercles officiels, loin des tapis rouges et des hommages publics.
Homme de cœur, il n’avait pas le goût des lumières, et son humilité le rendait presque invisible aux yeux de ceux qui distribuent les lauriers. Pourtant, il était là, toujours présent, prêt à apporter sa musique et sa chaleur à ceux qui en avaient besoin.
Hier, lors de ses funérailles modestes, c’était une foule restreinte qui s’est rassemblée pour lui rendre hommage. Amis, famille et proches se tenaient là, en silence, pour dire adieu à un homme dont la générosité et la bienveillance se lisaient dans chaque visage, dans chaque note de son mezoued. Et ce vide, cette absence, rappelle l’importance d’honorer les gardiens discrets de notre culture, ceux qui, sans bruit, partent mais font vivre notre patrimoine.
Kamel Nay a apporté bien plus que de la musique à Sétif. Il a été un ambassadeur de la culture sétifienne, un porteur de joie et d’émotion, un véritable artisan d’instants inoubliables. Que Dieu l’accueille avec toute la bienveillance dont il a fait preuve autour de lui, et que son repos soit aussi paisible que l’était son sourire.
Sétif n’oubliera jamais ce souffle puissant, celui qui, par sa simplicité et son authenticité, a su unir toute une ville autour de la magie de son mezoued.
Toufik Hedna, écrivan et éditeur