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Koukou éditions exclue du Sila 2024

Arezki Aït Larbi

Le ministère de la Communication interdit à Koukou éditions de participer au Sila.

Après une série d’interdictions arbitraires, Koukou Editions est, une nouvelle fois, exclu du Sila, sans motif légal. Notre plainte pour ‘’abus de fonction, attentat à la liberté, et empiètement sur les prérogatives du pouvoir judiciaire’’ contre le président de la Commission de censure du ministère de la Culture qui a ordonné cette forfaiture, et le commissaire du Sila qui l’a exécutée, vient d’être rejetée par le juge d’instruction du tribunal d’Hussein Dey.

Son ‘’refus d’ouvrir une information judiciaire’’ a été notifié à l’un de nos avocats par SMS ! En décidant de faire appel de cette décision devant la chambre d’accusation de la Cour d’Alger, Koukou Editions est déterminé à aller jusqu’au bout de la procédure, même si l’issue en est incertaine.

Malgré le secret qui entoure ces opérations, le groupuscule extrémiste qui a pris en otage le ministère de la Culture commence à tomber le masque et révéler les leviers idéologiques qui l’animent. Chef officiel de cette secte, M. Tidjani Tama, directeur du Livre et président de la Commission de censure, est un personnage bien singulier.

Militant communiste par accident à la fin des années 80, islamiste par opportunisme dans les années 1990, sa fascination pour les idéologies totalitaires est devenue une feuille de route qui va transformer une institution culturelle respectable, en Kommandantur chargée de contrôler les lectures des Algériens à l’aune de ses fantasmes.

Le palmarès du préposé à l’inquisition est déjà très lourd. Au Sila, la propagande wahhabite outrageusement subventionnées par les pays du Golfe occupe une grande partie des stands. ‘’Mein Kampf’’ d’Hitler et les ‘’Mémoires’’ de Mussolini traduits vers l’arabe par un éditeur égyptien y sont exposés depuis 2016, et leurs auteurs présentés comme des ‘’modèles de réussite sociale’’. Au moment où Eric Zemmour, leader d’extrême droite condamné par la justice française pour ‘’provocation à la haine raciale’,’ était à Tel Aviv pour encourager l’armée israélienne dans son génocide contre le peuple palestinien, son dernier livre était à l’honneur lors du Sila 2023.

Cette bienveillance de la Commission de censure pour des auteurs controversés, contraste avec le harcèlement qui cible Koukou Editions. Objectif : bâillonner les auteurs progressistes, notamment algériens – universitaires, écrivains, moudjahidine, avocats, médecins, journalistes … – qui n’ont pas renoncé à leur devoir de critique sociale et de réflexion autonome.

Depuis quelques mois, la répression contre les publications de Koukou Editions tend à se généraliser pour prendre une allure inquiétante. A Bougie, la police est intervenue, le 29 juin dernier dans la librairie Gouraya, pour interrompre brutalement la présentation d’un livre. Quelques jours plus tôt, c’est le directeur … du Commerce (!) qui avait saisi plusieurs exemplaires d’un autre livre jugé ‘’non conforme aux enseignements de notre religion’,’ car il propagerait ‘’des idées empoisonnées’’ ! A sa décharge, le taliban de poche a assumé l’ignominie en délivrant un procès-verbal qui atteste la forfaiture.

L’article 54 de la Constitution est pourtant clair : ‘’L’activité des publications (…) ne peut être interdite qu’en vertu d’une décision de justice’’. Face à ces violations récurrentes de la loi fondamentale, les autorités concernées, notamment les ministres de la Culture, de l’Intérieur et de la Justice, dont la responsabilité politique est engagée en première ligne, ne peuvent se complaire dans une indifférence complice. S’il s’agit d’actes isolés de nervis incontrôlés, il est grand temps d’y mettre un terme par un rappel à l’ordre républicain et au respect de la Constitution. S’il s’agit d’une nouvelle inflexion autoritaire et obscurantiste qui fait fi de la légalité pour piétiner les droits et les libertés des citoyens, il faut désormais l’assumer sans faux-fuyants.  

Dans ce clair-obscur propice à tous les dérapages, Koukou Editions ne se laissera pas intimider par les miliciens de la pensée, et continuera d’opposer la force du droit à l’arbitraire des sectes en cagoule. 

Alger, le 6 novembre 2024

Arezki Aït-Larbi

Directeur de Koukou Editions.  

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