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lundi 13 octobre 2025
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La balance judiciaire au bout du téléphone

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Photo officielle : le chef e l’Etat, en costume noir, pose au centre d’un parterre de robes rouges et noires. Derrière, des visages alignés, attentifs, dociles. On appelle cela l’ouverture de l’année judiciaire. En réalité, c’est un exercice de style : le pouvoir qui s’auto-félicite devant ses propres magistrats. La justice, ce jour-là, avait l’air d’une élève bien peignée récitant une leçon qu’elle ne comprend plus.

On a parlé de numérisation, de modernisation, de moralisation et de protection du citoyen. Quatre mots pour quatre mirages.

Ici, “numérisation” ne désigne ni le progrès ni la transparence, mais une opération cosmétique : on remplace les tampons par des écrans, on scanne des dossiers jaunis, on croit entrer dans le futur. Or la justice numérique ne consiste pas à empiler des ordinateurs dans les couloirs feutrés des chancelleries ; elle suppose une révolution des mentalités, une culture de la preuve, une architecture technique, un courage moral. Il faudrait d’abord débrancher les lignes directes, celles qui relient les palais aux palais. Le vrai réseau, en Algérie, ce n’est pas la fibre : c’est le téléphone du pouvoir.

La “modernisation des procédures”, elle, s’écrit au conditionnel. Il faudrait que les juges osent, que les avocats respirent, que les greffiers existent. Mais on préfère parler de logiciels plutôt que de libertés, de codes plutôt que de conscience. On rêve d’une justice rapide, sans comprendre qu’elle s’essouffle avant même de courir. Et quand elle trébuche, c’est rarement sur un dossier : toujours sur un ordre venu d’en haut.

Moralisation de la vie publique” : encore un mot prononcé avec gravité. Mais comment moraliser un système où la corruption se signe au sceau de la République ? Le citoyen n’a plus foi ni dans le droit ni dans la procédure. Il sait que certaines affaires ne seront jamais jugées : celles des puissants, celles qui dérangent. Des montagnes de dossiers dorment dans les tiroirs, pendant que d’autres – urgents pour le prestige présidentiel – traversent les couloirs à la vitesse du mensonge.

Et voici que le chef de l’État promet un nouveau statut du magistrat, censé garantir l’indépendance. Quelle belle ironie ! L’indépendance promise par celui qui signe les promotions, oriente les enquêtes et gracie à la carte. Tebboune jure protéger la justice comme on protège une icône craquelée : on la vénère en public, on la trahit en coulisse. Il veille à tout, y compris à l’orgueil blessé de sa propre autorité. Car ici, l’injure n’est pas faite à l’État, mais à sa personne. On n’emprisonne plus pour un crime, mais pour une phrase mal comprise.

Le général à la retraite Ali Ghediri, pour avoir osé se présenter contre lui, a passé six ans en prison. Saïda Neghza, femme d’affaires et candidate en 2024, a été condamnée pour “achat de parrainages”. Leur faute ? Avoir cru que le suffrage pouvait concurrencer la filiation. Autour d’eux, la même file d’attente : journalistes, syndicalistes, artistes, citoyens ordinaires. Tous coupables d’un seul délit : parler trop fort. La justice politique est devenue un art de la mise en scène : on punit pour l’exemple, on libère pour l’image, on rejoue la clémence quand les caméras s’allument. Les juges, eux, connaissent la partition : quelques-uns croient encore juger, les autres interprètent les gestes du pouvoir.

Pourtant, un frémissement traverse la magistrature. Certains réclament le droit de parole, le droit de penser sans autorisation. Un souffle faible mais réel, qui dérange la mise en scène. Peut-être le signe d’un réveil – ou simplement la fatigue d’une institution lassée d’être la servante d’un régime qui la tient en laisse.

Dans d’autres pays, la justice convoque les présidents, les interroge, les juge. Ici, elle les salue. Là-bas, un juge peut ordonner une perquisition ; ici, il attend un feu vert du palais. Là-bas, un magistrat se mesure à l’Histoire ; ici, il décroche quand ça sonne. Et tant que cette confusion régnera, la balance continuera de pencher du côté du téléphone.

Le président dit vouloir “protéger les droits du citoyen”. Il oublie que le premier droit, c’est de ne pas avoir peur de la justice. La nôtre fait peur, non parce qu’elle punit, mais parce qu’elle obéit. Elle n’est pas indépendante, elle est entretenue.

Et dans cette étrange intimité entre le pouvoir et la robe, il n’y a pas d’amour – seulement un contrat tacite entre le sceptre et la toge : tu me sers, je te garde. C’est cela, désormais, la définition de la stabilité.

Car la justice ne disparaît jamais d’un coup ; elle s’efface lentement derrière les privilèges des puissants.

Zaim Gharnati

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