Jeudi 20 mai 2021
La campagne électorale éclipsée par la répression policière
Tahar Boutache (25e jour), Yasser Rouibah et Mustapha Kira (21e jour de grève de la faim.
La répression des manifestations, la crise politique et économique ont éclipsé le début de la campagne pour les élections législatives du 12 juin.
Les Algériens tournent le dos aux législatives dont la campagne s’est ouverte jeudi dans un climat de répression à l’encontre du mouvement de protestation populaire du Hirak.
Ces élections anticipées, qui auraient dû avoir lieu en 2022, apparaissent comme une tentative du régime de reprendre la main face au retour du Hirak dans la rue depuis la fin février.
La campagne électorale, qui prendra fin le 9 juin, débute trois mois après la dissolution de l’Assemblée populaire nationale (APN) par le président Abdelmadjid Tebboune.
Dans de nombreux quartiers d’Alger, la majorité des panneaux électoraux étaient encore vides jeudi matin, selon un journaliste de l’AFP.
« Tous les candidats promettent le changement alors que la majorité d’entre eux est issue de l’ancien système. Ce scrutin ne fera qu’aggraver la crise politique », a expliqué à l’AFP un professeur d’économie de l’université d’Alger qui n’a pas souhaité donner son nom. Beaucoup de militants du FLN, RND, Taj et autres partis qui ont soutenu l’ancien président Bouteflika se présentent en candidats libres.
A Marseille c’est un ancien député du FLN qui par exemple se découvre une nouvelle carrière politique et se présente en indépendant. A Tizi Ouzou, c’est un médiocre soutien à Bouteflika dans l’émigration qui se présente à la députation. Des fils de chefs de partis et de pontes du régime sont aussi candidats. La nouvelle Algérie est une exacte reproduction de celle qui a pillé le pays depuis l’indépendance.
Des listes à n’en plus savoir compter
Près de 1 500 listes, dont plus de la moitié s’affichent comme indépendantes, sont en lice, selon l’Autorité nationale indépendante des élections (ANIE).
Environ 1 200 autres listes ont été rejetées en vertu d’une nouvelle loi électorale stipulant que le candidat ne doit pas être « connu de manière notoire pour avoir eu des liens avec l’argent douteux et les milieux de l’affairisme ».
Cette loi fixe notamment les règles de financement et de contrôle des campagnes électorales. Ainsi, il est interdit pour tout candidat de recevoir des dons en espèces ou en nature d’un Etat étranger ou d’une personne physique ou morale de nationalité étrangère.
Depuis l’annonce de ce scrutin, la « feuille de route » électorale du régime a été rejetée par les principaux partis laïcs ainsi que par les manifestants du Hirak qui défilent chaque semaine à travers tout le pays. De fait, si législatives il y a, il est fort possible que l’assemblée sera composée en majorité d’islamistes, de fils de, d’individus connus pour leur proximité avérée avec le système et d’affairistes à la petite semaine.
Des candidates fantômes n’affichant pas leur visage remplissent les affiches à travers le pays. Autant dire des candidats clandestins qui promettent la transparence (sic).
En face, le peuple assiste médusé à la montée de la répression policière et judiciaire. Les autorités ont durci ces dernières semaines la répression afin de briser le mouvement de contestation avant l’échéance électorale, multipliant les arrestations et les poursuites judiciaires contre des opposants, des hirakistes et des journalistes. Les tribunaux ne désemplissent plus de procès de manifestants pacifiques.
Vendredi dernier, la police a ainsi dispersé sans ménagement la marche hebdomadaire du Hirak à Alger, et procédé à des centaines d’interpellations dans tout le pays. Plusieurs centaines de manifestants ont été arrêtés. Si la majorité a été relâché des dizaines d’autres sont sous le coup de convocations par la justice. Près de 130 détenus d’opinion dorment toujours dans les prisons algériennes. Trois détenus sont en grève de la faim dans la prison d’Oran depuis plus de 20 jours.
Malgré la répression, la censure, les poursuites judiciaires, les manifestations contre le régime se poursuivent. Le fossé entre autorités et peuple se creuse de plus en plus, faisant craindre une brutale montée de la violence.