Jeudi 1 août 2019
La constance du collabo
De nombreux « intellectuels » de service attendent, embusqués, leur tour, loin du mouvement de dissidence.
Il est partisan « cachiriste », intellectuel organique ou cultivant secrètement la fascination pour le pouvoir, il est magistrat dépendant ou mercenaire de la plume.
Quelle que soit sa position dans la société, il sait qu’il est indispensable en tant qu’espèce pour la survie du système politique qu’il vénère comme un père et tête comme on tête la mamelle d’une mère.
Le « collaborateur » politique est une espèce universellement reconnue proliférant essentiellement dans les républiques bananières et les régimes autoritaires en général.
En Algérie, son existence connue remonte au temps de la domination ottomane. Il a ensuite muté en harki durant les 132 ans de colonialisme français, et au lendemain de l’indépendance, il s’est adapté à l’ombre du système de parti unique, populiste et rentier, pour devenir son allié objectif.
Il joue un rôle clé dans la sous-traitance de la pollution du débat politique, ou comme courroie de transmission du discours populiste et de distribution de la rente aux couches larges de la société pour les neutraliser.
En temps de paix, son efficacité est prouvée. Quand le peuple se soulève, il se terre, mais très vite il reprend du service dès que la météo est meilleure.
C’est le cas ces jours-ci dans le cadre de l’offensive contre-révolutionnaire. Il est en effet l’arme fatale de la contre-révolution. Il répond au téléphone et met en prison des innocents, il emploie sa plume ou sa caméra pour diffamer des opposants, il fait la mouche électronique, raciste, insultant et capable de centaines d’attentats numériques au quotidien.
Il est casseur de grève en col blanc, baltagui briseur de marche ou présentateur de JT pleurant Bouteflika, pourtant destitué par le peuple, et dénigrant un vrai moudjahid, sans le moindre battement de sourcils.
Il est aussi intellectuel, capable de belles lettres publiques destinées à jeter le doute sur le Hirak et à poser des questions faussement scientifiques, mais en tout cas, trahi par sa posture silencieuse à l’égard du pouvoir.
Il vend son âme au maître du jour, et le maître, il en a besoin pour vivre parce que pour lui, vivre n’a aucun sens sans le maître :
La figure du père transposée vers l’autorité politique perçue dans un rapport de soumission. La liberté l’asphyxie, le déstabilise, le rend amorphe et déprimé.
Il la rejette et combat les porteurs du projet libérateur. Comme hier il l’a fait aux côtés de la police et des paras français, aujourd’hui il appelle à cesser le Hirak, à écouter le maître du moment, docilement. Il est insensible à l’idée d’être le fossoyeur de sa propre progéniture.
Sa soumission le rend aveugle face à la vérité, mais il dispose d’une version de la vérité à laquelle il se suffit et refuse d’y réfléchir. Pourvu qu’elle lui assure une dépendance à l’autorité. Son assurance.
Le collabo sous-traite, bénévolement ou en mercenaires. Il est constant dans sa démarche, motivé par la peur du changement, chez les plus aisés, et une mystérieuse force psychologique qui résiste au déshonneur chez d’autres. Il est l’antithèse de l’homme libre, l’Algérien du 1e novembre 1954, et celui du 22 février 2019.