24 novembre 2024
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La constitution est morte, vive la Constituante !

POINT DE VUE

La constitution est morte, vive la Constituante !

Il y a trente ans nous avions proposé la Constituante. Certains professeurs de droit étaient timidement derrière nous, dès lors qu’ils n’étaient pas en première ligne pour prendre tous les risques. Aujourd’hui, il pleut des experts voulant légitimer la constitution par sa simple modification. Les temps sont toujours aussi incertains pour ceux qui veulent basculer du droit à la lumière médiatique de la politique, avec prudence et calcul.

Disons-leur, une fois pour toutes, que la constitution algérienne est morte, enterrée par son contenu, par les conditions de son application et par la demande populaire d’accéder à une seconde république.

Pour développer l’argumentaire juridique validant ce constat, il n’est pas nécessaire de prendre les grands airs de l’expert avec une signature trois fois plus grande que la main. Un simple rappel des fondamentaux du droit pourrait le faire, au regard du fond comme de la forme, tant c’est évident. 

La nullité de la constitution par le fond

Il ne peut y avoir une constitution légitime, combien même serait elle votée par le peuple à  une écrasante majorité, dès lors que les institutions et le pouvoir sont entre les mains d’un régime militaire. C’est consternant de rappeler cela à des juristes.

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C’est le « b et a, ba » du droit et de la démocratie. Un contrat est d’une nullité absolue en droit lorsque le signataire a un pistolet sur la tempe. Et même chanterait-il, danserait-il et s’épancherait-il en youyous en allant voter, le droit en démocratie invalide son vote.

Il n’y a aucune chance de pouvoir rattraper la légitimité de la norme suprême dans ces conditions, c’est impossible. De nombreux professeurs de droit le font pourtant en donnant l’absolution à un texte qui n’a besoin, selon eux, que d’un toilettage.

Pourquoi cela est-il impossible alors qu’il y a du bon dans cette constitution ? Après tout, me rétorqueraient certains, la plupart des dispositions se retrouvent dans la quasi totalité des constitutions des grandes démocraties.

Tout simplement parce qu’une constitution n’est que la mise en forme du contrat qui lie une nation dans ses rouages institutionnels et dans ses principes fondamentaux. Or il ne peut y avoir débat et consentement libre dans un régime militaire, théocratique et corrompu.

Il faut revenir à zéro et remettre toutes les questions politiques qui fâchent sur la table. Le peuple et les groupements partisans doivent pouvoir s’exprimer en toute quiétude sans le risque de froisser les moustaches d’un général et se voir censurés ou emprisonnés, dans le meilleur des cas.

Les manifestants du Hirak ont fait une colossale erreur en ne proposant ni débats, ni résolutions ni représentants pour revenir à la confrontation initiale des idées et des choix. Mais cela n’est pas une raison pour rejeter l’idée de la constituante. Elle doit se faire par n’importe quels moyens si la volonté existe.

Je rappelle que «la constituante » est le nom familier de la procédure qui mène à la mise en place de textes constituants par une assemblée élue (et non par des doctours en droit). Ce n’est pas le texte constitutionnel lui-même.

La Constituante est en effet un risque, celui de déballer des antagonismes sérieux, faire ressortir des rancœurs (ne sont-elles pas déjà présentes ?) ainsi que des différences profondes sur les grands principes qui doivent unir la nation.

Il va falloir discuter de la laïcité, du droit des femmes, de la place des langues et cultures ainsi que, en marge du document constitutionnel, du sort pénal et civil réservé aux grands responsables du crime envers la nation, c’est à dire les officiers de haut rang de l’armée et des milliardaires offshore, nourris jusqu’au gavage par le régime militaire. 

Tout cela est un terrain délicat, parfois dangereux, mais la démocratie c’est d’abord la confrontation aux risques. Trop nombreux sont ceux qui ont l’habitude de la sérénité et du calme que représente un régime militaire. Il y ont fait leur carrière et pour nombre d’entre eux, une fortune solide à bon compte. 

Sans cette approche sur le fond, c’est à dire par une constituante, c’est mettre les débris sous le tapis, repeindre la façade une nouvelle fois et repartir avec le régime des généraux. C’est une solution qui m’est insupportable et qui n’a jamais pu s’établir avec succès dans l’histoire.

Les raisons de fond ayant été développées, passons maintenant aux raisons de forme qui en découlent tout à fait logiquement.

L’impossible réforme dans la forme

L’autre argument qui rejette l’option de la révision constitutionnelle est le fait qu’une constitution est, nous l’avons dit dans les arguments de fond, le fruit d’un débat, parfois houleux et qui finit par mener à un consensus rédactionnel.

L’approche globale des fondements qui ont mené à un texte ne peut se disperser en des dispositions détachées les unes des autres. Il y a une logique générale qui ne peut réparer une brique sans que d’autres ne soient irrémédiablement touchées.

Nous dirions, pour imager la situation assez caricaturalement et grossièrement, qu’un replâtrage, par ci par la, ne fera jamais disparaître l’odeur pestilentielle du régime militaire. 

En plus, notre constitution a hérité de la plus hermétique des références historiques en la matière, c’est à dire de la Vè république française. C’est comme si on en avait gardé le pire en supprimant ce qui pouvait se justifier.

La dictature comme la théocratie en Algérie n’auraient jamais pu trouver modèle plus confortable pour elles auquel elles ont rajouté l’inacceptable. Depuis la nomination par le Président de ceux qui sont censés le contrôler (parlementaires désignés) jusqu’à la présence de la religion, tout est intriqué dans un tout impossible à démêler.

Il faudrait pour cela modifier des parties entières et se retrouver avec un chantier qui réveillerait des animosités encore plus grandes, encore plus fortes. Raison pour laquelle il faut avoir le courage d’une remise à zéro, au moins les divergences lourdes apparaîtraient clairement. Et surtout, que les personnes qui batailleraient dans ce débat soient élues et identifiées comme représentatifs d’un courant de pensée et d’une ligne programmatique. 

En conclusion, pour tout démocrate et humaniste, à fortiori juriste, la constitution algérienne est frappée d’une nullité absolue comme l’est toute constitution d’un régime militaire. On ne peut sauver quoi que ce soit de cette constitution, ce serait la légitimer et repousser le problème dans le temps.

Mais les pleureuses autour du corps (nos experts) finiront toujours par se rendre compte qu’il faut enterrer le mort qu’elles s’acharnent à maintenir en vie. Elles sont en général les premières, dès le lendemain de l’enterrement, à exprimer leur soulagement de s’être débarrassées d’une mauvaise personne et de déclarer ostensiblement au monde combien elles l’avaient combattu.

Auteur
Boumediene Sid Lakhdar, enseignant

 




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