Dimanche 20 septembre 2020
La darija doit être reconnue par qui et pourquoi ?
Par le passé, nous avons ouvertement critiqué les insuffisances des postulats théoriques avancés par le linguiste algérien Abdou Elimam en matière de dialectologie.
Dans la droite lignée des études des sociolinguistes algériens, il y a au moins un phénomène global de la substitution linguiste qu’a essayé d’analyser ce dernier, mais il ressort que la tradition épistémologique est rompue délibérément pour qu’on arrive finalement à un renversement contributive de la chaine de transmission des langues en Afrique du Nord.
L’exposition du simple postulat linguistique qui consiste à lier le « maghribi’ à une profondeur historique qui remonte au punique est en soi une manière distendue de la réalité historique.
Aux faits de langues, il faut ajouter les décisions politiques de l’almohade Abdelmoumen qui ont par exemple mis fin à la pratique tardive du latin (XIIe siècle) alors que le punique comme langue d’Etat instituée par les autorités antiques s’est éteint de lui-même par un phénomène d’érosion linguistique qui n’a pas été étudié sérieusement par les linguistes. Or, la parenté du « maghribi » avec la punique est une hypothèse linguistique de faible intensité épistémologique pour qu’on lui accorde un quelconque crédit.
Certainement, le travail d’Abdou Elimam est bien accueilli par les milieux puniphiles mais il reste marginal dans le domaine de la dialectologie maghrébine. Il ne nous revient pas d’analyser le ou les systèmes d’échange des lexèmes entre le berbère, le punique et l’arabe mais en matière d’histoire, le punique bien qu’assez répandu dans les cités et l’arrière-pays de l’Afrique antique, reste une langue de l’Etat qui s’est éteinte progressivement avec la fin de l’influence du promontoire carthaginois et ce qui n’est pas le cas du berbère qui reste la langue de la profondeur du peuplement amazigh.
En effet, la différence entre les trois langues citées réside indubitablement dans la prise générale de l’histoire où l’arabe dialectal est une translation linguiste du berbère comme l’a été le punique dans l’antiquité. Il va s’en dire que ni l’intensité linguistique ou l’extension de la langue punique ni celles de l’arabe dialectal ne relèvent du même fait de l’acculturation de la population autochtone.
Le plus simple c’est que l’implantation du punique en Afrique du Nord et ce malgré sa promotion par Massinissa, reflète l’histoire du second Etat carthaginois sans atteindre l’étendue territoriale de la darija.
La généralisation de la darija au Maghreb résulte avec certitude du redéploiement du berbère ou de l’échec de son adaptation religieuse durant des phases ascendantes de la pratique rituelle qui s’est accélérée avec la période dite d’arabisation après le retour des Berbères d’Egypte de surcroît arabisés en compagnie des Banu Hilal et Suleim.
Mis en rapport, l’aspect didactique de l’apprentissage de la darija relève des études dialectologiques qui ont été censurées voire interdites par le puissant lobby panarabiste au moment de l’indépendance du pays.
Pourtant, il existe de belles études qui ont été réalisées en matière d’interférence des langues comme par exemple celle de Mohamed Bencheneb sur les mots turcs dans la parler algérien. Sans pour autant minimiser l’importance des études existantes, le renouveau linguistique de Khaoula Taleb Ibrahimi et d’autres sociolinguistes algériens donne espoir à une meilleure prise en charge académique de l’arabe algérien.
La réalisation de cette prise en charge fournira des éléments probants à la demande des enseignants algériens qui revendiquent l’utilisation de la langue maternelle dans l’apprentissage des premiers enfants scolarisés en Algérie. Il va s’en dire que la finalité pédagogique va de pair avec l’ouverture démocratique du pays.
On n’y est pas encore pour le moment. D’autant plus qu’on ne peut pas demander à un régime illégitime de se mettre au diapason des locuteurs algériens parlant majoritairement l’arabe algérien.