25 novembre 2024
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La démocratie a-t-elle perdu son pouvoir ?

TRIBUNE

La démocratie a-t-elle perdu son pouvoir ?

L’État est cet édifice qui incarne incontestablement l’évolution humaine, à savoir, cette capacité à s’organiser en un groupe social et politique plus ou moins homogène, assujetti à des règles et lois qui sont sa propre réalisation. 

Concrètement, la volonté de l’Homme à se constituer sous forme de groupe, avec à sa tête un chef, trouve son inspiration et son fondement, dans ce que, entre autre, Rousseau a appelé : le contrat social. Une  théorie qui reste, encore aujourd’hui, une approche  forte pour expliquer la mise en place d’un consentement plus ou moins équitable  entre le gouvernant et les gouvernés. Un consentement qui aura comme souci de garantir  un équilibre et une relative paix. Puisque, entre les deux protagonistes, le conflit entre « la Loi et le Droit » est un litige régulièrement soulevé.

En somme, le contrat social a le mérite de mettre en évidence la thèse que l’Homme est attaché viscéralement à sa liberté, au point de la mettre sous l’autorité d’autrui pour mieux la préserver. Un paradoxe qui confirme une certaine cohérence. Une cohérence qui suscite des interrogations, des interrogations qui donnent lieu à un débat, et un débat qui peine à trouver une issue, mais surtout, un équilibre entre les deux parties contractantes : le groupe et le chef.

L’Homme aujourd’hui est-il libre ?

L’Homme aujourd’hui n’est pas libre. Il n’est pas libre dans son être, il n’est pas libre dans sa parole, il n’est pas libre dans son environnement, et il n’est pas libre de réfléchir. En raison d’une délimitation de son champ de réflexion avec des règles injustes qui impactent sa santé physique et mentale. Il assiste et constate ainsi,  impuissant, à « l’immobilisation » même de sa pensée.

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La loi comme elle est conçue et appliquée aujourd’hui,  n’est pas là pour défendre l’individu. Au risque de choquer, je pense que  la loi vise à bâillonner la parole et à rétrécir « l’action politique de l’individu  ». C’est à dire, la liberté d’exercer sa citoyenneté, avec tout ce qu’elle comporte comme devoirs, mais aussi comme droits. Car, un devoir n’a de sens que si le droit est réel. 

Il n’y a pas de loi juste, ni forte, encore moins protectrice. Injustement, elle vise par son application, à réguler d’une manière insidieuse le rapport entre le gouverné et le gouvernant. Elle a comme mission, de limiter la liberté, dans l’unique but, d’asseoir un semblant de sentiment de liberté entre les personnes vivant sur un même territoire.

Encore faudrait-il que ces personnes aient les moyens et la conscience de la vraie définition de la liberté et ses corollaires sur autrui. Car, être libre, c’est non seulement se libérer de la peur, mais aussi du besoin, comme le soutenait la politologue Hannah Arendt.

Le sentiment d’injustice peut pousser un peuple à se révolter contre ses dirigeants, qu’il a probablement choisi à l’occasion d’un scrutin. La révolte est alors un début de liberté, et pour l’accomplir, il faudrait s’attaquer à « la tyrannie et pas uniquement au tyran », nous expliquent les penseurs du siècle dernier.

En l’espèce, les peuples d’Algérie, à titre d’exemple, ont-ils conscience que le détenteur du « pouvoir suprême » n’est pas « l’unique ennemi à abattre »? Ou du moins, il est le minuscule ennemi. Et qu’il représente simplement la partie évidente d’une oligarchie militaro-financière, qui s’est rigidement implantée depuis au moins « l’indépendance de l’Algérie  ».

Une oligarchie qui joue tantôt la carte de l’idéologie islamiste et tantôt surfe sur la vie géopolitique et géostratégique  pour s’offrir une stabilité politique ponctuelle, d’une manière générale. Cette  question cruciale devrait être posée pour tous les peuples qui vivent dans ce que l’on appelle généreusement « des grandes démocraties » à l’exemple du peuple français, qui se voit privé progressivement de toutes ses libertés sous prétexte de crise sanitaire.

A son paroxysme, une révolution peut prendre la forme d’une désobéissance civile, – sans rentrer dans l’étude épistémologique de la désobéissance civile –  qui se traduit dans la plupart des situations par un rejet  partiel ou complet de la légitimité du pourvoir en place.

 Pour moi, une révolution, la vraie, est la reprise totale et réelle du pouvoir par le peuple. Si on se trouve dans ce cas de figure, alors rien ne peut entraver l’achèvement d’une démarche populaire conséquente, visant à instaurer une réelle  démocratie, émanant du peuple et au service du peuple. Le tout est de savoir et d’avoir les garanties qu’un peuple soit capable d’être juste. 

Si une dictature est l’œuvre de certains individus, ou d’un seul homme s’appuyant sur des instituions pour instaurer son règne, et que pour le destituer, il suffirait de l’évincer par une force supérieure à la sienne, à contrario, avec un peuple qui s’érigerait en dictateur, la possibilité de l’évincer est peu inimaginable, voire impossible. Car, ce peuple se retrouverait prisonnier de sa propre injustice qui est le fait de sa résignation et de son « addiction » à l’indifférence vis-à-vis de son propre devenir. Les conséquences ne sont pas minimes, à la fois à son encontre, mais aussi, envers les individus. Surtout, ceux qui s’élèvent contre un ordre injustement établi.

Une dictature incarnée par un chef ou une oligarchie est à craindre, car elle fragilise indiscutablement les libertés individuelles et collectives. Mais la crainte la plus dramatique, est celle qui résulte de la dictature incarnée par le peuple lui-même, en raison de son inaction face à l’injustice de ceux qui sont sensés le servir.

 La légitimité d’un chef d’État émane toujours de la collectivité. C’est à dire le peuple. Puisque c’est ce dernier qui, par un outil démocratique le place en tête. La pratique dictatoriale éventuelle ne devrait pas exister alors, ou du moins perdurer. Car si le peuple est capable d’élire un chef, il devrait être capable de l’écarter. Pourquoi le pouvoir d’élire d’un peuple devrait-il être supérieur au pouvoir de révoquer? C’est, à mon sens, une contre-nature. A moins que le peuple lui-même, par son indifférence à sa propre déchéance, se  rende complice et par un raisonnement syllogistique, devienne lui-même dictateur : un «dictateur passif ». 

Pour panser la démocratie efficacement, il faudrait repenser la politique et l’exercice du pouvoir sur l’utilité et le bien commun comme l’a conceptualisé Henry David  Thoreau dans « la désobéissance civile ».

Gouverner sans le peuple et prétendre le servir par une pratique de gouvernance abusive, est anti-démocratique. Gouverner uniquement par la force de ce que la loi confère en ignorant le ressentit du peuple, fragilise exponentiellement  la légitimité d’un gouvernement en place.

 La force d’une loi ne se mesure pas par le degré de son application dans l’espace et sur les individus, mais se mesure par l’importance de ce qu’elle pourrait générer comme utilité sur les citoyens.

Quant au peuple, pour qu’il trouve ou retrouve sa place entre la Loi et le Droit, il faudrait qu’il s’en défende en évitant de ressembler à ceux qui l’oppriment, pour ainsi reprendre la vision philosophique de Marc Aurèle et cette idée qui consiste à mettre en valeur la conscience individuelle lors d’une prise de décision collective, afin de rendre à la démocratie son sens initial et enfin son pouvoir.

Auteur
Y. Cheraiou

 




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