A l’issue de l’élection présidentielle, et face à une abstention record, le chef de l’Etat a ressassé la promesse d’un dialogue national censé conduire à l’instauration de la démocratie.
Avez-vous remarqué ce net recul lors de l’entretien qu’il a accordé à la presse, ce revirement abrupt qui dément toute promesse d’ouverture démocratique ? En moins de deux semaines, le pouvoir a trahi l’engagement d’un dialogue qui, supposément, devait mener à une réelle démocratisation de l’État.
Le chef de l’État, en porte-parole du pouvoir, vient de renoncer à la promesse d’un dialogue démocratique, en l’assortissant de conditions irréalisables. Un rétropédalage qui montre que cette annonce de dialogue n’est qu’un artifice envisagé à la suite de l’abstention massive de l’élection présidentielle pour desserrer l’étau de l’isolement qui entoure le pouvoir.
Le chef de l’Etat dit restreindre les partenaires du dialogue aux seuls partis présents dans les institutions, mais il prétend surtout vouloir immuniser le pays avant toute ouverture démocratique. Explicitement, il souhaite le mettre à l’abri de toute menace de quelque nature qu’elle soit : économique, sécuritaire et autres. Cela requiert selon lui de doter le pays le pays d’une armée forte, d’institutions solides et d’une économie florissante.
Les préalables énumérés ci-dessus, qu’aucune nation n’a d’ailleurs la prétention d’avoir entièrement atteints, ne constituent pas des objectifs de court, moyen ou long terme, mais représentent une préoccupation permanente et de tous les temps.
Ils traduisent une aspiration au bien-être et à la quiétude, dont les contours évoluent constamment au gré des progrès accomplis dans divers domaines. Par nature, la quête de bien-être est donc une préoccupation légitime réintroduite de manière récurrente dans tout programme de gouvernement.
Ces préalables, présentés comme nécessaires, semblent plutôt servir à repousser toute vraie démocratisation. En effet, un pouvoir enlisant dans ses propres contradictions depuis des décennies ne peut prétendre les accomplir en si peu de temps. Comment peut-il espérer accomplir en ce laps de temps si court- voire même durant un mandat présidentielle- ce que des décennies de sa gouvernance absolue n’ont jamais réussi à établir ?
Ce qui s’annonçait comme une avancée vers la liberté, l’égalité et à la suprématie du droit sur le politique se voit donc soudainement freiné par des conditions préalables, dressées comme des obstacles infranchissables. Cette exigence de renforcer l’Algérie par une armée puissante, des institutions solides, et une économie florissante est désormais brandie comme justification à un renvoi aux calendes grecques de l’aspiration des Algériennes et des Algériens à la démocratie.
Ce refus obstiné de remettre le destin du pays entre les mains de ses citoyens nous pousse à interroger la logique même de cette gouvernance : pourquoi vouloir se donner tant de mal ? Pourquoi s’imposer une telle charge, un labeur si écrasant, pour nous guider, nous diriger alors qu’on est soit même capable de se protéger et de se prendre en charge ?
Cette méfiance à l’égard de l’intelligence collective pose en effet question. Le tenant du pouvoir en place se pense-t-il plus apte, plus compétent que l’ensemble des enfants de cette nation ? Voit-il dans le peuple une masse immature, incapable de prendre en main son propre avenir ?
N’est-ce pas là le fondement même de la démocratie – la confiance dans la capacité du peuple à se gouverner lui-même ? Or, ce comportement nous révèle la véritable nature du régime : celle d’un maître autoritaire, qui s’accroche à l’Algérie comme à une possession privée, incapable de se résoudre à la partager. Tel un enfant obstiné, agrippé à un jouet qu’il refuse de céder, le pouvoir persiste dans une attitude paternaliste, déniant au peuple sa pleine souveraineté.
Cette crispation révèle une conception archaïque et patrimoniale de l’État, où l’intérêt collectif est subordonné à la volonté d’une pseudo élite, regénérée par hérédité, qui se voit comme seule garante du destin national.
En vérité, le recul observé n’est pas simplement une déviation de promesses politiques ; c’est le symptôme d’un rapport fondamentalement déséquilibré entre le pouvoir et le peuple.
Hamid Ouazar, ancien député de l’opposition