Jeudi 11 novembre 2021
La FIDH-OMCT dénonce la dissolution du RAJ par le gouvernement
Le Tribunal administratif d’Alger a décidé le 13 octobre 2021 de dissoudre le Rassemblement Actions Jeunesse (RAJ) suite à une procédure judiciaire engagée à l’encontre de l’association par le Ministère de l’Intérieur algérien.
L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits humains (FIDH-OMCT) condamne cette décision prise en violation du droit à la liberté d’association et appelle les autorités algériennes à mettre un terme au harcèlement des organisations de la société civile et des défenseurs des droits humains dans le pays.
Le 13 octobre 2021 au matin, l’association Rassemblement Actions Jeunesse (RAJ) a été dissoute sur décision du tribunal administratif d’Alger, au terme de cinq mois de procédure.
En effet, le 26 mai 2021, le RAJ annonçait dans un communiqué que le Ministère de l’Intérieur et des collectivités locales algérien avait déposé une requête auprès du tribunal administratif d’Alger en vue de la dissolution de l’association, au motif que ses activités étaient contraires aux objectifs énumérés par la Loi 12/06 relative aux associations ainsi qu’aux objectifs énumérés dans les statuts mêmes de l’organisation.
A l’issue de l’audience du 13 octobre, le RAJ a décidé d’interjeter appel du jugement de dissolution rendu par le tribunal administratif devant le Conseil d’État.
Il convient de souligner que les activités sur lesquelles s’est basé le Ministère de l’Intérieur pour demander la dissolution du RAJ sont des activités ordinaires et publiques que l’association a menées durant le mouvement populaire du Hirak, en conformité avec ses statuts, et pour lesquelles le RAJ n’avait reçu aucun avertissement ou mise en demeure auparavant. Pour ces raisons, la décision de dissolution du RAJ est arbitraire et vise manifestement à attaquer le RAJ pour ses activités légitimes de défense des droits humains.
Par ailleurs, cette décision est une illustration supplémentaire de l’instrumentalisation de la Loi 12/06, qualifiée par beaucoup d’associations de la société civile de loi liberticide, par le pouvoir algérien. Le texte réglemente en effet strictement les relations des associations avec les partis politiques ainsi qu’avec les organisations étrangères, et donne aux autorités algériennes un pouvoir discrétionnaire quant à l’appréciation de la compatibilité des activités des associations avec leurs propres statuts ainsi qu’une grande marge de manœuvre pour solliciter leur dissolution.
Le RAJ est une association nationale de jeunes créée en décembre 1992 et agrée le 16 mars 1993, engagée sur le terrain en faveur des jeunes et qui milite pour la citoyenneté, la liberté, la démocratie et le respect des droits humains et de l’État de droit en Algérie. L’organisation s’est positionnée publiquement en soutien au mouvement populaire et pacifique du Hirak dès ses prémices, appelant à un changement démocratique dans le pays.
En raison de cet engagement, depuis le début du mouvement de protestation pacifique du Hirak en février 2019, le RAJ et ses membres sont la cible d’un harcèlement judiciaire continu de la part des autorités algériennes. Entre septembre et octobre 2019, des activités ordinaires de l’association ont été interdites et empêchées par la police et onze de ses membres ont été poursuivis en justice, dont neuf ont été emprisonnés, pour des chefs d’inculpations fallacieux liés à leurs opinions exprimées pacifiquement sur les réseaux sociaux.
Hakim Addad, membre fondateur du RAJ ainsi que sept autres membres de l’association ont été arrêtés pendant les manifestations et détenus arbitrairement pendant près de trois mois. Ils ont tous été poursuivis pour « publication de documents de nature à nuire à l’intérêt national » (article 96 du Code pénal) et « atteinte à l’intégrité du territoire national » (article 79 du même Code). Certains d’entre eux ont été relaxés à l’issue de leur procès quand d’autres ont écopé d’amendes et de peines de prison avec sursis.
Le président du RAJ, Abdelouahab Fersaoui, a quant à lui été placé en détention provisoire en octobre 2019. Poursuivi pour « atteinte à l’intégrité du territoire national » (article 79 du Code pénal) et « incitation à la violence » (article 74 Code pénal), il a passé plus de sept mois en détention avant d’être libéré le 18 mai 2020 suite à sa condamnation à un an de prison dont six mois avec sursis.
L’Observatoire condamne avec fermeté la décision de dissolution du RAJ et dénonce cette nouvelle attaque contre la société civile algérienne qui porte une atteinte démesurée au droit à la liberté d’association dans le pays.
L’Observatoire appelle les autorités algériennes rendre toute sa légitimité au RAJ afin que celui-ci puisse mener son action en toute liberté et à mettre un terme à tout acte de harcèlement, y compris au niveau judiciaire, à l’encontre de l’association, de ses membres et de toutes les personnes et organisations défendant les droits humains dans le pays.
L’Observatoire appelle également les autorités algériennes à mettre fin à l’instrumentalisation du pouvoir judiciaire et à en garantir l’indépendance.
L’Observatoire appelle enfin les autorités algériennes à se conformer à leurs engagements internationaux en matière de droits humains et à garantir en toutes circonstances le droit à la liberté d’association, consacré notamment à l’Article 22 du Pacte International Relatif aux Droits Civils et Politiques.
L’Observatoire, partenariat de la FIDH et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’Homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible. L’OMCT et la FIDH sont membres de ProtectDefenders.eu, le mécanisme de l’Union européenne pour les défenseurs des droits de l’Homme mis en œuvre par la société civile internationale.