Lundi 22 mars 2021
La fin de prolongation ?!
Le Hirak met en scène les contradictions de nos élites au pluriel et sonne la fin de la période de prolongation qui leur a été accordée « provisoirement » par la pandémie.
Ces milliers de jeunes qui écument les rues, frustrés par des décennies d’autoritarisme, déçus par des responsables sans port d’attache solide ni destination, n’espèrent plus que la fin de leur désespoir. Leur vie est d’autant plus médiocre qu’ils se savent irrémédiablement pris pour otages par un système rachitique et à bout de souffle.
Il ne s’agit pas seulement, aujourd’hui, pour eux de faire tomber le masque d’une élite aux commandes hypocrite, mais aussi de renverser la barrière du langage, pour dévoiler leur réalité de l’intérieur, leurs problèmes ; leurs frustrations ; leurs préoccupations ; leurs perspectives.
Ils se veulent porte-parole d’un moi collectif en souffrance, exposé à de multiples chocs post-traumatiques (guerre anticoloniale, guerre civile, répressions des dictatures); un moi collectif mal écouté, mal suivi, mal entretenu, mal dirigé, mal-aimé, haï tout court! Leur mal est à la fois nom et épithète sans qui leurs phrases n’ont plus aucun sens.
Chaque slogan brandi lors d’une manifestation dévoile le rêve d’un jeune brisé, la vie écrasée de toute une génération, des aspirations légitimes foulées au pied, un horizon bouché, un espoir noyé dans les eaux marécageux de la hogra. Le slogan est ici plus propre, plus authentique, plus réel que la réalité médiatique transformée par la magie d’un verbe souvent travesti, euphémique, parfois « cachottier » qui étouffe sous le boisseau le vent de révolte populaire.
L’Algérien est en attente sérieuse d’un programme de rénovation nationale basé, non plus sur la nostalgie du passé, mais sur l’intégration de l’Algérie toute entière dans l’univers du droit et des libertés, qui plus est, juste envers les classes défavorisées.
L’Algérie dont les miens rêvent, c’est celle qui ouvre les portes à leur génie et à leurs compétences, qui leur ouvre les bras pour les étreindre tous sans exclusive dans son giron.
Une Algérie rassembleuse et non pas diviseuse en porte-à-faux avec toute velléité de bannissement des siens, où la société, la démocratie, la politique, l’économie, la culture, l’éducation seront en relation d’échange perpétuel.
Mais, hélas, quand les idéaux populaires sont longtemps trahis, avec le mépris comme assaisonnement à la sauce de gestion, on débouche sur les mêmes tracas et tout un tas de questions, du type : « c’est ma patrie, où sont mes droits? » « Où est ma dignité? » » Où est la démocratie promise? »
Aujourd’hui, le peuple désargenté, désarçonné, désemparé, désabusé est en instance de divorce avec ce qui reste de ceux qu’il avait déjà désavoués. Le processus révolutionnaire qu’il a entamé n’est pas encore fini et son hymne d’espérance n’a d’écho que dans sa détermination d’en finir, une fois pour toutes, avec la mauvaise gouvernance. En somme, il est à un rendez-vous crucial avec l’histoire.